Vie de Franklin | Page 2

F.A.M. Mignet
vertu
par des soins et avec un art qu'il a voulu enseigner aux autres; comment
il a fait servir sa science inventive et son honnêteté respectée aux
progrès du genre humain et au bonheur de sa patrie.
Peu de carrières ont été aussi pleinement, aussi vertueusement, aussi
glorieusement remplies que celle de ce fils d'un teinturier de Boston,
qui commença par couler du suif dans des moules de chandelles, se fit
ensuite imprimeur, rédigea les premiers journaux américains, fonda les
premières manufactures de papier dans ces colonies dont il accrut la
civilisation matérielle et les lumières; découvrit l'identité du fluide
électrique et de la foudre, devint membre de l'Académie des sciences de
Paris et de presque tous les corps savants de l'Europe; fut auprès de la
métropole le courageux agent des colonies soumises, auprès de la
France et de l'Espagne le négociateur heureux des colonies insurgées, et
se plaça à côté de George Washington comme fondateur de leur
indépendance; enfin, après avoir fait le bien pendant
quatre-vingt-quatre ans, mourut environné des respects des deux
mondes comme un sage qui avait étendu la connaissance des lois de
l'univers, comme un grand homme qui avait contribué à
l'affranchissement et à la prospérité de sa patrie, et mérita
non-seulement que l'Amérique tout entière portât son deuil, mais que

l'Assemblée constituante de France s'y associât par un décret public.
Sans doute il ne sera pas facile, à ceux qui connaîtront le mieux
Franklin, de l'égaler. Le génie ne s'imite pas; il faut avoir reçu de la
nature les plus beaux dons de l'esprit et les plus fortes qualités du
caractère pour diriger ses semblables, et influer aussi considérablement
sur les destinées de son pays. Mais, si Franklin a été un homme de
génie, il a été aussi un homme de bon sens; s'il a été un homme
vertueux, il a été aussi un homme honnête; s'il a été un homme d'État
glorieux, il a été aussi un citoyen dévoué. C'est par ce côté du bon sens,
de l'honnêteté, du dévouement, qu'il peut apprendre à tous ceux qui
liront sa vie à se servir de l'intelligence que Dieu leur a donnée pour
éviter les égarements des fausses idées; des bons sentiments que Dieu a
déposés dans leur âme, pour combattre les passions et les vices qui
rendent malheureux et pauvre. Les bienfaits du travail, les heureux
fruits de l'économie, la salutaire habitude d'une réflexion sage qui
précède et dirige toujours la conduite, le désir louable de faire du bien
aux hommes, et par là de se préparer la plus douce des satisfactions et
la plus utile des récompenses, le contentement de soi et la bonne
opinion des autres: voilà ce que chacun peut puiser dans cette lecture.
Mais il y a aussi dans la vie de Franklin de belles leçons pour ces
natures fortes et généreuses qui doivent s'élever au-dessus des destinées
communes. Ce n'est point sans difficulté qu'il a cultivé son génie, sans
effort qu'il s'est formé à la vertu, sans un travail opiniâtre qu'il a été
utile à son pays et au monde. Il mérite d'être pris pour guide par ces
privilégiés de la Providence, par ces nobles serviteurs de l'humanité,
qu'on appelle les grands hommes. C'est par eux que le genre humain
marche de plus en plus à la science et au bonheur. L'inégalité qui les
sépare des autres hommes et que les autres hommes seraient tentés
d'abord de maudire, ils en comblent promptement l'intervalle par le don
de leurs idées, par le bienfait de leurs découvertes, par l'énergie féconde
de leurs impulsions. Ils élèvent peu à peu jusqu'à leur niveau ceux qui
n'auraient jamais pu y arriver tout seuls. Ils les font participer ainsi aux
avantages de leur bienfaisante inégalité, qui se transforme bientôt pour
tous en égalité d'un ordre supérieur. En effet, au bout de quelques
générations, ce qui était le génie d'un homme devient le bon sens du

genre humain, et une nouveauté hardie se change en usage universel.
Les sages et les habiles des divers siècles ajoutent sans cesse à ce trésor
commun où puise l'humanité, qui sans eux serait restée dans sa
pauvreté primitive, c'est-à-dire dans son ignorance et dans sa faiblesse.
Poussons donc à la vraie science, car il n'y a pas de vérité qui, en
détruisant une misère, ne tue un vice. Honorons les hommes supérieurs,
et proposons-les en imitation; car c'est en préparer de semblables, et
jamais le monde n'en a eu un besoin plus grand.

CHAPITRE II
Origine de Franklin.--Sa famille.--Son éducation.--Ses premières
occupations chez son père.--Son apprentissage chez son frère James
Franklin comme imprimeur.--Ses lectures et ses opinions.
La famille de Franklin était une famille d'anciens et d'honnêtes artisans.
Originaire du comté de Northampton en Angleterre, elle y possédait, au
village d'Ecton, une terre d'environ trente acres d'étendue, et une forge
qui se
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