Rob-Roy | Page 2

Sir Walter Scott
contraste frappant de la civilisation d'un côté des
montagnes et des entreprises aventureuses et contraires aux lois qui
étaient accomplies par un homme vivant du côté opposé de cette ligne
imaginaire qui créa l'intérêt attaché à son nom; et même encore
aujourd'hui: «Près et loin, à travers les vallons et les montagnes sont
des êtres qui en attestent la vérité et s'animent comme le feu qu'on
remue au seul nom de Rob-Roy.» (Wordsworth.) Rob-Roy possédait
plusieurs avantages pour soutenir avec succès le rôle qu'il voulait jouer.
Le plus grand était son intimité avec le clan Mac-Gregor dont il
descendait: clan si fameux par ses infortunes et par l'indomptable
énergie avec laquelle il se maintint uni en corps, malgré les lois qui
poursuivaient avec la plus sévère rigueur ce nom proscrit. L'histoire de
ce clan était celle de plusieurs autres dans les Hautes-Terres qui furent
écrasés par des voisins plus puissants et forcés pour leur propre sûreté
de renoncer à leur nom de famille et de prendre celui de leur vainqueur.
Ce qu'il y a de plus particulier dans celle des Mac- Gregors, c'est leur
obstination à conserver leur existence séparée et leur union comme clan,
dans les circonstances les plus difficiles. [...]
Le sept ou clan de Mac-Gregor prétend descendre de Gregor ou
Gregorius, troisième fils, dit-on, d'Alpine, roi des Écossais, qui régnait
vers l'an 787. Son origine patronymique est donc Mac- Alpine et on
l'appelle communément le clan d'Alpine, nom que conservera une des
tribus ou sous-divisions. C'est un des plus anciens des Hautes-Terres et
nul doute qu'il ne soit d'origine celtique et qu'il n'eut à une époque des
possessions très étendues dans le Perthshire et l'Argyleshire, auxquelles
il continuait imprudemment à prétendre par le coir a glaive c'est-à-dire
par le droit de l'épée. Vint un temps où les comtes d'Argyle et de
Breadalbane essayèrent de faire comprendre les terres occupées par les
Mac-Gregors dans ces chartes qu'ils obtenaient si facilement de la
couronne, se constituant ainsi un droit légal, sans beaucoup d'égards
pour la justice. Saisissant toutes les occasions d'empiéter sur les
propriétés de leurs voisins moins civilisés, ils étendirent peu à peu leurs

propres domaines sous le prétexte de concessions royales. Sir Duncan
Campbell de Lochow, connu dans les Hautes-Terres sous le nom de
Donacha-Dhu nan Churraichd, c'est-à-dire Duncan le Noir au
Capuchon, parce qu'il avait la manie de porter une coiffure de ce genre
eut, dit-on, de grands succès dans ces actes de spoliation sur le clan des
Mac-Gregors.
Chassé injustement de ses possessions, le clan dévoué se défendit
courageusement et souvent obtint quelques avantages dont il usa avec
une grande cruauté. Cette conduite, quoique naturelle si l'on songe au
pays et à l'époque, fut présentée avec art dans la capitale comme
provenant d'une férocité indomptable à laquelle il n'y avait d'autre
remède qu'une destruction totale.
Un acte du Conseil privé, à Stirling le 22 septembre 1563 sous le règne
de la reine Marie, permet aux seigneurs les plus puissants et aux chefs
des clans de poursuivre le clan Gregor avec le feu et l'épée: un acte
semblable, en 1563, non seulement donne les mêmes pouvoirs à sir
John Campbell de Glenorchy descendant de Duncan au Capuchon,
mais défend aux sujets de la couronne de recevoir ou d'assister quelque
individu que ce soit du clan Gregor, ou de lui procurer, sous n'importe
quel prétexte, des habits ou de la nourriture.
L'assassinat commis en 1589 sur la personne de John Drummond de
Drummond-Ernoch, garde de la forêt royale de Glenartney, est raconté
ailleurs dans tous ses horribles détails. Le clan Mac- Gregor jura sur la
tête sanglante et détachée du tronc qu'il ferait cause commune en
avouant ce nouvel acte de cruauté. Il s'ensuivit un arrêté du Conseil
privé qui dirigea une nouvelle croisade contre le «méchant clan Gregor
qui continue de répandre le sang, de se livrer au massacre, au pillage et
au vol». Dans ce document, des lettres de feu et d'épée (_letters of fire
and sword_) sont prononcées contre eux pendant l'espace de deux
années. Le lecteur trouvera les détails de ce fait dans l'Introduction de
la Légende de Montrose de cette nouvelle édition. D'autres faits, et ils
sont nombreux, prouvèrent le mépris des Mac-Gregors pour des lois
dont ils avaient souvent ressenti la sévérité sans jamais en éprouver la
protection. Quoiqu'ils fussent peu à peu privés de leurs possessions et

de tous moyens ordinaires de se procurer des aliments, on ne pouvait
supposer qu'ils se laissassent mourir de faim tant qu'il leur resterait les
moyens de prendre à des étrangers ce qu'ils regardaient comme leur
propre bien. Dès lors ils s'abandonnèrent au pillage et s'accoutumèrent
à répandre le sang. Leurs passions étaient impétueuses, et avec un peu
de ménagement de la part de leurs voisins les plus puissants, on aurait
pu facilement les empêcher de
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