note, de ne point 
remarquer l'inaction obstinée qui condamne certains quartiers à un statu 
quo dangereux, en contraste avec l'activité fiévreuse et sans bornes qui 
impose à d'autres des transformations radicales dont ils n'avaient nul 
besoin. Sur la rive gauche, depuis l'origine des travaux actuels, on 
réclame en vain l'élargissement des étroites rues Saint-André-des-Arts, 
Sainte-Marguerite, du Four, du Vieux-Colombier, où l'abondance de la 
circulation rend les accidents presque journaliers. Mais ce ne serait là 
qu'une opération utile, modeste et sans gloire: on a préféré prolonger 
jusqu'au Panthéon la fastueuse inutilité du boulevard de Sébastopol. 
Comparez aussi l'abandon presque absolu dont se plaint la banlieue 
annexée, sauf sur deux ou trois points de la rive droite, avec tout ce qui 
se fait au centre de Paris. Ce que la banlieue a gagné jusqu'à présent à 
l'annexion, c'est l'honneur de payer l'octroi, de voir hausser les loyers et 
de participer aux charges de Paris sans participer à ce qu'elle prend, de 
loin, pour ses priviléges. La banlieue ne connaît pas son bonheur.] 
Repassez dans vingt ans, mon ami: la toilette sera terminée, si elle doit 
jamais l'être. Plus ne sera besoin alors d'échafaudages et de clôtures en 
planches, parce qu'il n'y aura plus de vieilles rues ni de vieilles maisons 
à démolir; et quant à ces grands vilains bâtiments noirs, qui vous 
choquent à juste titre, on n'en gardera que tout juste ce qu'il faut pour
produire un agréable contraste, une surprise piquante, après les avoir 
grattés, nettoyés, blanchis et redorés du haut en bas. Repassez dans 
vingt ans, et je vous promets à chaque pas des rues de trente mètres, des 
avenues bordées de palais, et des boulevards à bouche que veux-tu. 
En attendant, il ne faut pas mépriser les résultats conquis. On fait ce 
qu'on peut. On nous a déjà donné une cinquantaine de boulevards 
nouveaux, sans compter les avenues, qu'il serait difficile de compter, et 
les rues, qui ne se comptent plus: les boulevards de Sébastopol et de 
Strasbourg, de l'Alma, du Palais, de Port-Royal, de Saint-Germain, du 
prince Eugène, de Magenta, de Malesherbes, de l'Étoile et de 
Monceaux, le boulevard Beaujon et la rue de Rivoli prolongée, les 
boulevards des Trois-Couronnes et de la Santé, les deux boulevards 
Pereire, les boulevards Saint-Marcel, Arago, Saint-André, Haussmann, 
Richard-Lenoir, et tant d'autres qui n'attendent que le loisir des maçons 
occupés ailleurs. Nous en avions quatre-vingt-douze, il y a un an, nous 
devons en avoir, en y joignant les compléments prochains, plus de 
cent-vingt aujourd'hui. En vérité, la plume se fatiguerait à ces 
énumérations homériques, et l'historiographe du nouveau Paris 
apostropherait volontiers M. le préfet de la Seine, sur le ton de Boileau 
s'adressant à Louis XIV: 
Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d'écrire. 
Je ne puis déployer un plan de Paris et y jeter les yeux, sans découvrir 
de tous côtés des multitudes de larges avenues, nées d'hier ou à naître 
demain, et que je ne soupçonnais pas, sans m'étonner chaque fois 
davantage de la quantité de boulevards que peut contenir une capitale. 
Mais rassurez-vous, lecteur, je sais me borner malgré la contagion de 
l'exemple, et je me lasse plus vite d'enregistrer les voies nouvelles que 
M. le préfet de nous en faire. 
Impossible d'ailleurs de suivre cette incessante mobilité de Paris. Ce 
qui est vrai au moment où nous l'écrivons ne l'est plus peut-être au 
moment où cela s'imprime. On a beau faire et vouloir fixer tous ces 
changements au vol, ils échappent sans cesse. Le courant vous dépasse, 
vous déborde, et flue entre les mains qui cherchent à le saisir.
Ces boulevards sillonnent toute la ville du sud au nord, de l'est à l'ouest, 
et l'embrassent en entier dans un vaste réseau stratégique artistement 
conçu. Il faut bien le dire: ce qu'on a appelé les embellissements de 
Paris n'est au fond qu'un système général d'armement offensif et 
défensif contre l'émeute, une mise en garde contre les révolutions 
futures, qui se poursuit depuis douze ans avec une infatigable 
persévérance, sans que le Parisien candide ait l'air de s'en douter. Tout 
est conçu dans les voies nouvelles à ce point de vue, fort légitime au 
fond: leur largeur, leur direction, leur position respective, leur point de 
départ et d'arrivée, tout, jusqu'à la nature du pavage adopté. Nous 
l'allons montrer aisément. 
Qu'on étudie sur une carte le système général des rues neuves de Paris, 
on s'apercevra bien vite qu'il a été ordonné a priori dans le but de 
dégager les monuments qui peuvent devenir au besoin des centres et 
des forteresses pour l'insurrection, de couper les quartiers populeux et 
populaires, de ménager partout des issues inattaquables à la force armée, 
de mettre largement en communication, par des lignes de circuits 
ininterrompues, qui s'appuient et se complètent l'une l'autre, toutes les 
parties de la grande capitale; de relier enfin, sans laisser la moindre    
    
		
	
	
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