la petite sont fermées comme de 
coutume; j'aperçois faiblement la lumière de sa lampe entre les feuilles 
de notre vieux figuier. Maintenant mes folles terreurs se dissipent; les 
battements précipités de mon coeur font place à une douce tranquillité. 
Insensé! mes yeux se remplissent de larmes, comme si ma pauvre soeur 
avait couru un véritable danger.--Qu'entends-je? Qui remue là entre les 
branches? 
La soeur de Maffio passe dans l'éloignement. 
Suis-je éveillé? c'est le fantôme de ma soeur. Il tient une lanterne 
sourde, et un collier brillant étincelle, sur sa poitrine aux rayons de la 
lune. Gabrielle! Gabrielle! où vas-tu? 
Rentrent Giomo et le duc. 
GIOMO. 
Ce sera le bonhomme de frère pris de somnambulisme.--Lorenzo 
conduira votre belle au palais par la petite porte; et quant à nous, 
qu'avons-nous à craindre?
MAFFIO. 
Qui êtes-vous? Holà! arrêtez! 
Il tire son épée. 
GIOMO. 
Honnête rustre, nous sommes tes amis. 
MAFFIO. 
Où est ma soeur? que cherchez-vous ici? 
GIOMO. 
Ta soeur est dénichée, brave canaille. Ouvre la grille de ton jardin. 
MAFFIO. 
Tire ton épée et défends-toi, assassin que tu es! 
GIOMO saute sur lui et le désarme. 
Halte-là! maître sot, pas si vite! 
MAFFIO. 
O honte! ô excès de misère! S'il y a des lois à Florence, si quelque 
justice vit encore sur la terre, par ce qu'il y a de vrai et de sacré au 
monde, je me jetterai aux pieds du duc, et il vous fera pendre tous les 
deux. 
GIOMO. 
Aux pieds du duc? 
MAFFIO.
Oui, oui, je sais que les gredins de votre espèce égorgent impunément 
les familles. Mais que je meure, entendez-vous, je ne mourrai pas 
silencieux comme tant d'autres. Si le duc ne sait pas que sa ville est une 
forêt pleine de bandits, pleine d'empoisonneurs et de filles déshonorées, 
en voilà un qui le lui dira. Ah! massacre! ah! fer et sang! j'obtiendrai 
justice de vous! 
GIOMO, l'épée à la main. 
Faut-il frapper, Altesse? 
LE DUC. 
Allons donc! frapper ce pauvre homme! Va te recoucher, mon ami: 
nous t'enverrons demain quelques ducats. 
Il sort. 
MAFFIO. 
C'est Alexandre de Médicis! 
GIOMO. 
Lui-même, mon brave rustre. Ne te vante pas de sa visite si tu tiens à 
tes oreilles. 
Il sort. 
SCÈNE II 
Une rue.--Le point du jour.--Plusieurs masques sortent d'une maison 
illuminée. 
UN MARCHAND DE SOIERIES ET UN ORFÈVRE ouvrent leur 
boutique. 
LE MARCHAND DE SOIERIES.
Hé! hé! père Mondella, voilà bien du vent pour mes étoffes. 
Il étale ses pièces de soie. 
L'ORFÈVRE, bâillant. 
C'est à se casser la tête. Au diable leur noce! je n'ai pas fermé l'oeil de 
la nuit. 
LE MARCHAND. 
Ni ma femme non plus, voisin; la chère âme s'est tournée et retournée 
comme une anguille. Ah! dame! quand on est jeune, en ne s'endort pas 
au bruit des violons. 
L'ORFÈVRE. 
Jeune! jeune! cela vous plaît à dire. On n'est pas jeune avec une barbe 
comme celle-là; et cependant. Dieu sait si leur damnée de musique me 
donne envie de danser! 
Deux écoliers passent. 
PREMIER ÉCOLIER. 
Rien n'est plus amusant. On se glisse contre la porte au milieu des 
soldats, et on les voit descendre avec leurs habits de toutes les couleurs. 
Tiens! voilà la maison des Nasi. 
Il souffle dans ses doigts. 
Mon portefeuille me glace les mains. 
DEUXIÈME ÉCOLIER. 
Et on nous laissera approcher? 
PREMIER ÉCOLIER.
En vertu de quoi est-ce qu'on nous en empêcherait? Nous sommes 
citoyens de Florence. Regarde tout ce monde autour de la porte; en 
voilà des chevaux, des pages et des livrées! Tout cela va et vient, il n'y 
a qu'à s'y connaître un peu; je suis capable de nommer toutes les 
personnes d'importance; on observe bien tous les costumes, et le soir on 
dit à l'atelier: J'ai une terrible envie de dormir, j'ai passé la nuit au bal 
chez le prince Aldobrandini, chez le comte Salviati; le prince était 
habillé de telle ou telle façon, la princesse de telle autre, et on ne ment 
pas. Viens, prends ma cape par derrière. 
Ils se placent contre la porte de la maison. 
L'ORFÈVRE. 
Entendez-vous les petits badauds? Je voudrais qu'un de mes apprentis 
fît un pareil métier! 
LE MARCHAND. 
Bon, bon! père Mondella, où le plaisir ne coûte rien, la jeunesse n'a rien 
à perdre. Tous ces grands yeux étonnés de ces petits polissons me 
réjouissent le coeur.--Voilà comme j'étais, humant l'air et cherchant les 
nouvelles. Il paraît que la Nasi est une belle gaillarde, et que le Martelli 
est un heureux garçon. C'est une famille bien florentine, celle-là! 
Quelle tournure ont tous ces grands seigneurs! J'avoue que ces fêtes-là 
me font plaisir, à moi. On est dans son lit bien tranquille, avec un coin 
de ses rideaux retroussé; on regarde de temps en temps les lumières qui 
vont et viennent dans le palais; on attrape un petit air de danse sans rien 
payer, et on se dit: Hé! hé!    
    
		
	
	
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