mon oncle. Ça lui fait de la peine, et on ne sait
pas combien je l'aime et on me juge d'après les apparences. Oh! en 
apparence, je ne suis pas très tendre. L'idée de revoir ma tante m'occupe. 
Pauvre tante, qui s'ennuie tant sans moi! Pauvre maman, que 
j'abandonne! Mon Dieu, que faire? Je ne puis pas me couper en deux! 
C'est vendredi que j'ai quitté Schlangenbad. Le samedi à cinq heures, 
j'ai descendu au Grand-Hôtel, où m'attendait ma tante. À la frontière 
française, j'ai respiré pour la première fois depuis que je suis sortie de 
France. 
Je vous embrasse. 
 
À sa mère. Paris, Grand-Hôtel,1875. 
Chère maman, 
Arrivée à cinq heures du matin, au Grand-Hôtel, il est six heures 
seulement et je vous écris déjà; cela vous prouve mon empressement. 
Depuis quinze jours, j'ai respiré pour la première fois en revoyant la 
France. Je me porte à ravir, je me sens belle, il me semble que tout me 
réussira; tout me sourit et je suis heureuse, heureuse, heureuse... 
Je vous embrasse, bonjour. 
Soignez-vous, ma mère, écrivez-moi et revenez vite. 
 
À Mademoiselle ***. Paris, 1er septembre 1875. 
Ma chère Berthe, 
Je réponds de Paris à votre lettre, où je suis depuis trois jours. Ma mère, 
qui est restée à Schlangenbad, me l'envoie. Madame votre mère est bien 
bonne de penser à moi, et il me tarde de la connaître. Je suis ici avec 
ma tante, Mme Romanoff; je crois que vous la connaissez. Que je 
voudrais passer quelque temps dans la même ville que tous! nous
pourrions au moins nous voir. C'est si ennuyeux de se rencontrer une 
ou deux fois par an, échanger quelques mots et puis être de nouveau, 
l'une à un bout du monde, l'autre à l'autre. 
Écrivons-nous toujours. Depuis notre premier séjour à l'étranger, où je 
vous ai connue dans notre tendre enfance, j'ai été toujours attirée vers 
vous, et quelque chose me dit qu'un jour nous serons plus liées que 
nous ne pouvons l'être maintenant. 
Nous sommes au Grand-Hôtel, n° 281. 
Au revoir, ma chère; pensez de moi ce que je pense de vous. Bonjour. 
 
À sa tante. Paris, 1875. 
Mme Romanoff, Olga, Marie, X... Tout le monde enfin. J'écris comme 
j'ai promis et pour commencer je vais déclarer qu'il fait non pas chaud, 
comme disait ma tante, mais bel et bien frais, un temps admirable. Je 
suis allée chez tous mes fournisseurs, qui sont de vrais anges et pas si 
chers que je croyais. K. est avec nous, il est d'une utilité étonnante! 
Hier, et avant-hier nous fûmes au Bois--une foule immense et élégante 
comme toujours. Ton frère, belle Euphrosine, a une voiture et un cheval 
adorables et fait le beau ici. Il a fait un soubresaut en m'apercevant. Ce 
singe de L. est également ici et une quantité d'autres, tous ceux qui 
étaient à Nice, etc., etc. Seulement, je manque d'argent. C'est le 
principal. Qui, diable, a inventé cette vile chose. Comme on était 
heureux à Sparte d'avoir de l'argent en cuir, en peau de boeuf! 
J'économise admirablement, mais malgré ma belle économie, l'argent 
deficit 
Je fais mieux mes affaires que je ne le pensais, il faut bien m'habituer. 
On est très malheureux quand on ne sait rien faire soi-même. 
Mon plus grand tourment, c'est d'aller rôder avec la tante Marie. Ils 
viennent tous de sortir pour aller au Bon-Marché; je reste à la maison, 
enfermée chez moi, ce qui me plaît cent fois plus que de courir dans 
tous ces magasins.
À sa cousine. Paris, Grand-Hôtel, 1875. 
Chère Dina, 
Voilà une aventure! je m'étais mise sur le balcon du salon de lecture, 
attendant ma tante, quand j'entendis derrière moi un choeur 
d'admiration sur ma personne, ma taille. Ce choeur partait d'un groupe 
de messieurs assis derrière moi. Il est vrai, qu'en ma robe de batiste 
grise, tout unie, j'ai une taille divine, c'est le mot (tu l'as dit toi-même); 
mes cheveux dorés sont coiffés simplement. Je ne sais comment, mais 
les torsades tombent jusqu'au milieu du dos. Ce n'est pas tout: entre ces 
gens il y a des Brésiliens qui me regardent et me suivent. Ce n'est pas 
tout: il y a un charmant jeune Anglais blond, qui a l'air de soupirer; ce 
n'est pas tout: il y a un affreux blond Russe qui me poursuit. Ce n'est 
pas tout: et si même je croyais que cette fois c'est tout, il y a bien 
encore d'autres fous, mais je ne prends pas la peine d'en parler; même 
les femmes me regardent et admirent mes toilettes d'une simplicité 
étonnante et d'un chic surprenant. Lis ma lettre à maman, ça lui fera 
plaisir, ça la guérira. Pauvre maman! 
On nous amène une victoria à deux chevaux et nous sortons. 
Au Bois il y a quatre rangées de voitures, on s'écrase presque. J'étais en 
train de    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
