m'étonner de la laideur des hommes, ici, quand je vis arriver 
quelque chose de connu; je tâchais de reconnaître, car il y a tant de 
monde, tant de figures... que les yeux faiblissent et deviennent hébétés 
au point de vue moral. La personne me salua et je vis s'épanouir la 
figure du stupide Em. 
Au second tour, le surprenant, mais stupide personnage, s'approche de 
la voiture et de sa voix stridente avec son accent niçois jette ces mots 
flamboyants de distinction:--Où donc êtes-vous logées?--Au 
Grand-Hôtel, répond ma tante.--À la bonne heure!--Quant à moi, je ne 
me tourne même pas de son côté. 
Je ne sais à quoi attribuer cette révolution intérieure, mais le fait est que
tout me paraissait noir avant, et tout me paraît rose à présent. Nous 
rentrons juste pour la table d'hôte. À gauche, sont ceux que je nomme 
les Brésiliens; à droite, au salon de lecture est le gentil Anglais qui, 
pour regarder, s'approche vingt fois du côté de la fenêtre, mais chaque 
fois je voyais son oeil droit se détourner de l'affiche qu'il avait l'air de 
lire, et se fixer sur moi. 
Oh! vraiment, je ne vaux pas cette peine, Je rentre chez moi et je me 
mets à écrire. On frappe; la femme de chambre me donne une carte. De 
M.... Faites entrer, c'est Remy seul, sans son père; je regarde son 
chapeau sur la table, ses cheveux noirs, et une idée 
m'illumine.--Asseyez-vous comme cela, tournez le dos à la porte et ne 
vous retournez pas quand ma tante entrera; je veux qu'elle vous prenne 
pour un autre.--Et tout le temps notre conversation est interrompue par 
nos éclats de rire; je me figure la face de ma tante. 
Remy m'assure qu'il n'a pas changé depuis quatre ans. 
De combien de demoiselles avez-vous été amoureux depuis?--De pas 
une seule, je vous jure!!! Je doute, il assure; je ris, il soupire. C'est 
agréable d'avoir des amitiés d'enfance. Alors, comme tu le sais, il était 
cent fois plus fort que moi en coquetterie; maintenant, je suis une 
vieille et lui, un enfant. Il se hasarde à demander si je suis changée. 
--Pas du tout, je suis toujours la même. Je ne suis pas amoureuse de 
vous, cela va sans dire... 
Je voulais dire que je ne l'ai jamais été. Mais pourquoi désillusionner 
les gens? (Il a encore trois ans pour finir ses études.) Il fait de la tête 
des signes et balbutie quelque chose qui veut dire: Oh, sans doute, non, 
je n'ose pas croire autrement.--Mais, ai-je continué, je suis votre amie. 
Entre ma tante, et j'éclate de rire en voyant sa figure surprise, souriante 
et en même temps sévère. Elle a fait une tête de circonstance, mais à 
l'instant Remy se retourne et la face change. Ah! ah! ah! je suis 
enchantée de la surprise. 
Au Bois[5], il y a tant de Niçois, qu'un moment il m'a semblé être à
Nice. 
C'est septembre, et c'est si beau Nice en septembre; je me souviens de 
l'année dernière, de mes promenades matinales avec mes chiens, de ce 
ciel si pur, de cette mer si argentée. Ici il n'y a ni matin, ni soir; le matin 
on balaie; le soir, ces innombrables lanternes m'agacent. Je me perds ici, 
je ne sais distinguer le levant du couchant, tandis que là, on se trouve si 
bien! On est comme dans un nid, entouré par des montagnes, ni trop 
hautes, ni trop arides. On est de trois côtés protégé comme par un 
manteau de Laferrière, gracieux et commode et, devant soi, on a une 
fenêtre immense, un horizon infini, toujours le même et toujours 
nouveau. Oh! j'aime Nice.--Nice, c'est ma patrie, Nice m'a fait grandir, 
Nice m'a donné la santé, les fraîches couleurs.--C'est si beau: on se lève 
avec le jour et on voit paraître le soleil, là-bas, à gauche, derrière les 
montagnes qui se détachent en vigueur sur le ciel bleu argent et si 
vaporeux et doux qu'on étouffe de joie. Vers midi, il est en face de moi, 
il fait chaud, mais l'air n'est pas chaud, il y a cette incomparable brise, 
qui rafraîchit toujours. Tout semble endormi. Il n'y a pas une âme sur la 
promenade, sauf deux ou trois vieux Niçois endormis sur les bancs. 
Alors je suis seule, alors je respire, j'admire, je suffoque. Qu'est-ce que 
je te raconte là? des choses que tu connais, mais comme je suis en train, 
je continue. 
Et le soir, encore le ciel, la mer, les montagnes. Le soir, c'est tout noir 
ou gros bleu. Et quand la lune éclaire ce chemin immense dans la mer, 
qui semble être un poisson aux écailles de diamants et que je suis à ma 
fenêtre, tranquille, seule, je ne demande rien et je me prosterne devant 
Dieu... Oh, non! Tu ne comprends pas ce que je    
    
		
	
	
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