Fanny pendant que je parle d'elle. Alors le jeune homme devint
tout de suite amoureux, -- juste comme quelqu'un que je ne veux pas
nommer, la première fois qu'il vint ici, devint amoureux de Fanny. Eh
bien! il était taquiné quelquefois, juste comme quelqu'un était taquiné
par Fanny; ils se querellaient quelquefois, juste comme quelqu'un et
Fanny; puis ils se raccommodaient, allaient chuchoter dans les coins,
s'écrivaient des lettres toute la journée, se disaient malheureux quand
ils étaient loin l'un de l'autre, se cherchaient sans cesse en prétendant ne
pas se chercher. Noël vint, ils furent fiancés, s'assirent l'un à côté de
l'autre auprès du feu, et ils devaient bientôt se marier... exactement
comme quelqu'un que je ne veux pas nommer et Fanny.
Mais le voyageur les perdit de vue un jour, comme il avait perdu
l'enfant et le jeune garçon: il les appela, ils ne revinrent ni ne
répondirent, et il reprit son chemin. Il voyagea donc pendant un peu de
temps sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'il aperçût un homme d'un âge
mûr, et il demanda à cet homme: «Que faites-vous ici!» Et la réponse
fut: «Je suis toujours occupé, venez vous occuper avec moi.»
Il alla donc travailler avec cet homme, et, pour cela, ils se rendirent à la
forêt. La forêt qu'ils parcoururent était longue; au commencement, les
arbres étaient verts comme ceux d'un bois printanier; puis Ie feuillage
s'épaissit comme un bois d'été; quelques-uns des petits arbres les plus
pressés de verdir brunissaient aussi les premiers. L'homme n'était pas
seul; il avait une femme du même âge que lui, qui était sa femme, et ils
avaient des enfants qui étaient aussi avec eux. C'est ainsi qu'ils s'en
allèrent tous ensemble à travers le bois, abattant les arbres, se frayant
des sentiers entre les branches et les feuilles abattues, portant des fagots
et travaillant sans cesse.
Quelquefois ils arrivaient à une longue avenue qui aboutissait à des
taillis plus sombres, et alors ils entendaient une petite voix qui leur
criait de loin: «Père, père, je suis un autre enfant, attendez-moi.» Et, au
même instant, ils apercevaient une petite créature qui grandissait à
mesure qu'ils avançaient et qui courait pour les rejoindre. Quand le
nouveau-venu était auprès d'eux, ils s'empressaient tous autour de lui, le
baisaient, le caressaient, et tous se remettaient en marche.
Quelquefois ils s'arrêtaient à quelque carrefour de la forêt d'où partaient
différentes avenues, et l'un des enfants disait: «Père, je vais à la mer;»
un autre: «Père, je vais aux Indes;» un autre: «Père, je vais aller
chercher fortune où je pourrai;» un autre enfin: «Père, je vais au ciel.»
C'est ainsi qu'après bien des larmes au moment de la séparation, chacun
des ces enfants prenait une des avenues et il s'éloignait solitaire; mais
l'enfant qui avait dit: «Je vais au ciel,» s'élevait dans l'air et y
disparaissait.
Chaque fois qu'avait lieu une de ces séparations, le voyageur regardait
le père qui levait les yeux au-dessus des arbres où le jour commençait à
décliner et le soleil à descendre sur l'horizon. Il remarquait aussi que
ses cheveux grisonnaient; mais ils ne pouvaient s'arrêter longtemps, car
ils avaient un long voyage devant eux, et il leur fallait travailler sans
cesse.
À la fin, il y avait eu tant de séparations qu'il ne restait plus un seul des
enfants. Le père, la mère et le voyageur se trouvèrent seuls à continuer
leur route. Le bois était devenu jaune, puis il avait bruni et déjà les
feuilles tombaient d'elles-mêmes.
Ils arrivaient à une avenue plus sombre que les autres, et ils pressaient
le pas sans y jeter un regard, quand la femme s'arrêta.
-- Mon mari, dit-elle, on m'appelle.
Ils écoutèrent, et entendirent dans la sombre avenue une voix qui criait
de loin: «Mère, mère!»
C'était la voix du premier enfant qui avait dit; «Je vais au ciel.» Et le
père lui répondit: «Pas encore, je vous prie, pas encore; le soleil va se
coucher, pas encore.»
Mais la voix répétait: «Mère, mère!» sans faire attention à ce qu'avait
dit le père, quoique ses cheveux fussent alors tout à fait blancs, et
quoiqu'il versât des larmes.
Alors la mère qui, déjà enveloppée à moitié des ombres de l'avenue,
tenait encore son mari embrassé, lui dit: «Mon ami, il faut que je parte,
je suis appelée.» Et elle partit, et le voyageur resta seul avec le père.
Ils reprirent leur chemin ensemble jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés
presque à la limite de la forêt, de manière à apercevoir, au-delà, le
soleil qui colorait l'horizon de sa flamme mourante.
Là encore, cependant, tandis qu'il s'ouvrait une voie à travers les
branches, le voyageur perdit son compagnon. Il appela, il appela...
point de réponse, et lorsqu'il eut franchi l'extrême lisière du bois, au
moment où du soleil couchant il ne restait

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