et bienveillante voix de la
famille. -- Oui, je vais vous le dire, répondit le parent pauvre secouant
la tête et regardant le feu, -- mon Château est un château en l'air[1].
John, notre estimable hôte, l'a deviné. Mon château est dans l'air. J'ai
fini, soyez indulgents pour mon histoire.
II -- L'HISTOIRE DE L'ENFANT.
Il y avait une fois un voyageur, il y a de cela bien des années, et le
voyageur partit pour un voyage. C'était un voyage magique, qui devait
sembler très long lorsqu'il le commença et très court lorsqu'il eut fait la
moitié du chemin.
Pendant quelque temps il voyagea le long d'un sentier assez sombre,
sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il aperçût un joli petit enfant; le
voyageur demanda à l'enfant: «Que fais-tu ici?» Et l'enfant répondit:
«Je suis toujours à jouer, viens jouer avec moi.»
Le voyageur joua avec cet enfant toute la journée, et ils menèrent
joyeuse vie tous les deux. Le ciel était si bleu, le soleil était si brillant,
l'eau était si étincelante, les feuilles étaient si vertes, les fleurs étaient si
fraîches, ils entendirent chanter tant d'oiseaux et virent tant de papillons,
que tout leur paraissait superbe. C'était la saison du printemps. Quand il
pleuvait, ils aimaient à regarder tomber les gouttes de la pluie et à
respirer les odeurs des plantes. Quand il ventait, c'était charmant
d'écouter le vent et d'imaginer qu'il se parlait à lui- même ou à ceux qui
pouvaient le comprendre. D'où vient-il ainsi? se demandaient le
voyageur et l'enfant, tandis qu'il sifflait, hurlait, poussait les nuages
devant lui, courbait les arbres, tourbillonnait dans les cheminées,
ébranlait la maison et soulevait les vagues d'une mer furieuse. Mais
neigeait-il? encore mieux, car ils n'aimaient rien tant que de regarder
descendre les flocons de neige semblables au duvet qui se détacherait
de la poitrine d'une myriade d'oiseaux blancs, et quel plaisir de voir
cette belle neige s'épaissir sur la terre, puis d'écouter le silence sur les
routes et les sentiers de la campagne!
Ils avaient en abondance les plus beaux joujoux du monde et les plus
admirables livres d'images, des livres qui étaient remplis de cimeterres,
de babouches et de turbans, de nains, de génies et de fées, de
Barbes-Bleues, de fèves merveilleuses, de trésors, de cavernes et de
forêts, de Valentins et d'Orsons... toutes choses nouvelles et bien
vraies!
Mais un jour, tout-à-coup, le voyageur perdit l'enfant. Il l'appela,
l'appela encore, et il n'obtint aucune réponse. Alors il reprit sa route et
chemina quelque temps sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il
aperçût un beau jeune garçon; à ce jeune garçon le voyageur demanda:
«Que fais-tu là?» Et le jeune garçon lui répondit: «Je suis toujours à
apprendre. Viens apprendre avec moi.»
Le voyageur apprit, avec ce jeune garçon, ce qu'étaient Jupiter et Junon,
les Grecs et les Romains, d'autres choses encore et plus que je n'en
pourrais dire, ni lui non plus, car il en eut bientôt oublié beaucoup.
Mais ils n'apprenaient pas toujours, ils avaient les jeux les plus
amusants qu'on ait jamais joués, ils ramaient sur la rivière en été, ils
patinaient sur la glace en hiver. Ils se promenaient à pied et ils se
promenaient à cheval; ils jouaient à la paume et à tous les jeux de balle,
aux barres, au cheval fondu, à saute-mouton, à plus de jeux que je n'en
puis dire, et personne n'était plus fort qu'eux à ces jeux-là; ils avaient
aussi des congés et des vacances, des gâteaux du jour des Rois, des bals
où ils dansaient jusqu'à minuit, et de vrais théâtres où ils voyaient de
vrais palais en vrai or et en vrai argent sortir de la terre; bref ils y
voyaient tous les prodiges du monde en quelques heures. Quant à des
amis, ils avaient de si tendres amis et un si grand nombre de ces amis
que le temps me manque pour les compter. Ils étaient tous jeunes
comme le jeune garçon et se promettaient de ne jamais rester étrangers
l'un à l'autre pendant tout le reste de la vie.
Cependant, un jour, au milieu de tous ces plaisirs, le voyageur perdit le
jeune garçon, comme il avait perdu l'enfant, et après l'avoir appelé en
vain, il poursuivit son voyage. Il chemina pendant un peu de temps sans
rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il vît un jeune homme. Il demanda
donc au jeune homme: «Que faites-vous ici?» Et le jeune homme
répondit: «Je suis toujours à faire l'amour. Viens faire l'amour avec
moi.»
Le voyageur alla avec ce jeune homme, et ils s'en furent auprès d'une
des plus jolies filles qu'on ait jamais vues, juste comme Fanny, là dans
le coin, -- elle avait les yeux comme Fanny, des cheveux comme Fanny,
des fossettes aux joues comme Fanny, et elle riait et rougissait juste
comme

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