duquel il n'avait pas assez de confiance;
mais, afin de cacher son départ à Hannibal, qu'il avait lui-même en tête,
il prit dix mille hommes d'élite, et ordonna aux lieutenants qu'il laissait
d'établir les mêmes postes et les mêmes gardes, d'allumer autant de
feux, et de donner au camp la même physionomie que de coutume, de
peur qu'Hannibal, concevant des soupçons, ne fit quelque tentative
contre le peu de troupes qui restaient. Ensuite, étant arrivé par des
chemins détournés en Ombrie, près de son collègue, il défendit
d'étendre le camp, pour ne donner aucun indice de son arrivée au
général carthaginois, qui eût évité le combat, s'il se fût aperçu de la
réunion des consuls[20]. Ses forces ayant donc été doublées à l'insu
d'Hasdrubal, il attaqua celui-ci, le défit, et, plus prompt qu'aucun
courrier, revint en présence d'Hannibal. Ainsi, des deux généraux les
plus rusés de Carthage, le même stratagème trompa l'un et anéantit
l'autre.
10 Thémistocle avait exhorté ses concitoyens à reconstruire
promptement leurs murailles, que les Spartiates les avaient obligés à
démolir[21]. Ceux-ci ayant envoyé des députés pour s'opposer à
l'exécution d'un tel dessein, il leur répondit qu'il irait lui-même à Sparte,
pour détruire leurs soupçons, et il s'y rendit. Là, il simula une maladie,
dans le but de gagner un peu de temps; et, lorsqu'il s'aperçut qu'on se
défiait de ses lenteurs, il soutint aux Spartiates qu'on leur avait apporté
un faux bruit, et les pria d'envoyer à Athènes quelques-uns de leurs
principaux citoyens, auxquels ils pussent s'en rapporter sur l'état des
fortifications. Puis il écrivit secrètement aux Athéniens de retenir les
envoyés de Sparte jusqu'à ce que, les travaux terminés, il pût déclarer
aux Lacédémoniens qu'Athènes était en état de défense, et que leurs
députés ne pourraient revenir qu'autant qu'il serait lui-même rendu à sa
patrie. Les Spartiates acceptèrent facilement cette condition, pour ne
pas payer par la mort d'un grand nombre celle du seul Thémistocle.
11 L. Furius, s'étant engagé dans un lieu désavantageux, et voulant
cacher son inquiétude, pour ne point jeter l'alarme parmi ses troupes, se
détourna peu à peu en feignant de s'étendre pour envelopper l'ennemi;
puis, par un changement de front, il ramena son armée intacte, sans
qu'elle eût connu le danger qu'elle avait couru.
12 Pendant que Metellus Pius était en Espagne, on lui demanda un jour
ce qu'il ferait le lendemain; il répondit: «Si ma tunique pouvait le dire,
je la brûlerais,»[22]
13 Quelqu'un priait M. Licinius Crassus de dire quand il lèverait le
camp: «Craignez-vous, répondit-il, de ne pas entendre la
trompette?»[23]
II. Épier les desseins de l'ennemi.
1 Scipion l'Africain, ayant saisi l'occasion d'envoyer une ambassade à
Syphax, députa Lélius, et le fit accompagner de tribuns et de centurions
d'élite, qui, déguisés en esclaves, étaient chargés de reconnaître les
forces du roi. Afin d'examiner plus facilement la situation du camp, ils
laissèrent à dessein échapper un cheval, et, sous prétexte de chercher à
l'atteindre, parcoururent la plus grande partie des retranchements.
D'après le rapport qu'ils firent, on incendia le camp, et la guerre fut
ainsi terminée.
2 Pendant la guerre d'Étrurie, au temps où les généraux romains ne
connaissaient pas encore de moyens plus adroits pour observer l'ennemi,
Q. Fabius Maximus donna l'ordre à son frère Fabius Céson, qui
parlaient la langue des Étrusques, de prendre le costume de ce peuple,
et de s'avancer dans la forêt Ciminia, où nos soldats n'avaient point
encore pénétré. Il s'acquitta de sa mission avec tant de prudence et
d'habileté, que, parvenu de l'autre côté de la forêt, il sut amener à une
alliance les Camertes Ombriens, ayant reconnu qu'ils n'étaient pas
ennemis du nom romain.
3 Les Carthaginois ayant remarqué que la puissance d'Alexandre s'était
accrue au point de devenir inquiétante même pour l'Afrique, un des
leurs, homme résolu, nommé Hamilcar Rhodinus, alla, d'après leurs
ordres, se réfugier auprès de ce roi, comme s'il était exilé, et mit tous
ses soins à gagner sa confiance. Aussitôt qu'il y eut réussi, il fit
connaître à ses concitoyens les projets du monarque[24].
4 Les Carthaginois eurent à Rome des émissaires qui, sous le prétexte
d'une ambassade, devaient y séjourner longtemps et surprendre nos
desseins.
5 En Espagne, M. Caton, ne pouvant pénétrer les desseins de l'ennemi
par un autre moyen, ordonna à trois cents soldats de se précipiter
ensemble sur un poste espagnol, d'en enlever un homme, et de l'amener
au camp sain et sauf. Le prisonnier, mis à la torture, révéla tous les
secrets des siens.
6 Lors de la guerre des Cimbres et des Teutons, le consul C. Marius,
voulant éprouver la fidélité des Gaulois et des Liguriens, leur envoya
des lettres dont la première enveloppe leur défendait d'ouvrir, avant une
époque déterminée, l'intérieur, qui était scellé; puis il réclama ces
mêmes dépêches avant ce temps, et les ayant trouvées décachetées,

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