des sciences qui ont
occupé sa vie, c'est toute la gloire qu'il ambitionne: il le déclare
lui-même. Ce qui le recommande surtout, c'est la netteté de ses idées, et
l'ordre méthodique auquel il sait les plier toutes. Ainsi, pour
commencer par ses Stratagèmes, l'antiquité ne nous a légué aucun
monument plus logique dans son ensemble. Recueillir dans l'histoire un
nombre aussi prodigieux de faits; les réunir selon leurs analogies, et les
séparer par leurs différences, abstraction faite des personnages, des
temps et des lieux; en un mot, se former un plan au milieu de ce dédale,
et y rester fidèle jusqu'à entier épuisement des matériaux, voilà qui
atteste une certaine puissance d'analyse, de la justesse et de la
profondeur dans les conceptions. Quant au style, il a ses mérites et ses
défauts. Quoique Frontin appartienne à l'époque de la décadence,
l'expression, chez lui, porte presque toujours le cachet de la bonne
latinité. Habituellement même sa phrase a du nombre et de l'harmonie;
mais elle se présente trop souvent sous la même forme: il y a de
longues séries de faits dont les récits, composés chacun de quelques
lignes, commencent et finissent par les mêmes constructions, et très
souvent par des termes identiques, ce qui en rend la lecture fastidieuse.
Un autre reproche qu'on peut lui faire, c'est qu'il affecte une brièveté
qui va parfois jusqu'à la sécheresse. Mais, nous le répétons, il n'a point
visé à la phrase; et on lui doit cette justice, que la concision l'a rarement
empêche d'être clair. Une fois qu'il s'est emparé d'un fait, il veut que
deux mots suffisent pour que ses lecteurs en saisissent comme lui toute
la portée, et qu'ils en fassent leur profit. Enfin, on trouve dans ce livre
de nombreuses erreurs à l'endroit de l'histoire et de la géographie. Mais
la plupart de ces fautes sont si grossières, qu'on ne peut
raisonnablement les attribuer qu'à l'ignorance des copistes, gens qui
n'ont épargné à notre auteur ni omissions, ni transpositions, ni
interpolations. C'est ce que n'a pas observé Schoell[7], quand il a
prétendu que l'ouvrage qui nous occupe était «une compilation faite
avec assez de négligence, surtout dans la partie historique.»
À ce jugement d'un érudit, nous opposerons avec confiance celui d'un
savant[8]: «Un contemporain des deux Pline, Jules Frontin composa
quatre livres de stratagèmes militaires: c'est un tissu d'exemples fournis
par les grands capitaines grecs, gaulois, carthaginois, romains et qui
correspondent aux différentes branches de l'administration et de la
direction des armées. L'art de cacher ses entreprises et de découvrir
celles de l'ennemi, de choisir et de disputer les postes, de dresser des
embûches et d'y échapper, d'apaiser les séditions et d'enflammer le
courage, de se ménager les avantages du temps et du lieu, de ranger les
troupes en bataille et de déconcerter les dispositions prises par son
adversaire, de dissimuler ses propres revers et de les réparer; l'habileté
nécessaire dans les retraites, dans les assauts, dans les sièges, dans le
passage des fleuves, dans les approvisionnements; la conduite à tenir à
l'égard des transfuges et des traîtres; enfin le maintien de la discipline,
et la pratique des plus rigoureuses vertus, justice, modération et
constance, au sein des camps, des combats, des désastres et des
triomphes: tel est le plan de ce recueil. On a douté aussi de son
authenticité; mais Poleni a exposé les raisons de croire que Jules
Frontin l'a réellement rédigé sous le règne de Domitien. Dans tous les
cas, il serait fort préférable à celui de Valère Maxime, et par la méthode,
quoiqu'elle ne soit pas toujours parfaite, et par la précision des idées, et
surtout par le choix des faits. C'est l'ouvrage d'un bien meilleur esprit:
en général, Frontin puise aux sources historiques les plus
recommandables; et lorsqu'il ajoute quelques notions à celles que
renferment les grands corps d'annales, elles sont claires, instructives,
propres à compléter ou à enrichir l'histoire militaire de l'antiquité.»
Le recueil des Stratagèmes, malgré quelques récits invraisemblables et
même absurdes qu'il renferme, et dont la plupart tiennent aux
superstitions des anciens, restera comme une oeuvre utile. Nous
pourrions dire tout le parti qu'en ont tiré les écrivains militaires des
temps modernes, Machiavel. Feuquières, Folard, Gessac, Santa-Cruz,
Jomini, etc. Le colonel Carion-Nisas, qui a fait une consciencieuse
étude de l'art stratégique chez les anciens, dit[9] que Frontin est,
comme écrivain, généralement homme de grand sens, quelquefois
homme de génie; et, ainsi que Daunou, il le place bien au-dessus de
Polyen, qui ne soumet à aucun ordre méthodique les huit cent
trente-trois faits qu'il rapporte, et n'offre à ses lecteurs aucun
enseignement, pas une seule induction.
Pour donner une idée juste du traité des Aqueducs dans son ensemble,
et du but que se proposait l'auteur, nous ne pouvons mieux faire que
d'emprunter quelques lignes à un mémoire publié par M. Naudet sur la
Police chez

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