la donnerez-vous ?
- Mascarille -
Belle demande ! Aux grands comédiens ; il n'y a qu'eux qui soient capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on parle ; il ne savent pas faire ronfler les vers, et s'arrêter au bel endroit : eh ! le moyen de conna?tre où est le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par là qu'il faut faire le brouhaha ?
- Cathos -
En effet, il y a manière de faire sentir aux auditeurs les beautés d'un ouvrage ; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir.
- Mascarille -
Que vous semble de ma petite oie (13) ? La trouvez-vous congruente à l'habit ?
- Cathos -
Tout à fait.
- Mascarille -
Le ruban en est-il bien choisi ?
- Madelon -
Furieusement bien. C'est Perdrigeon tout pur (14).
- Mascarille -
Que dites-vous de mes canons (15) ?
- Madelon -
Ils ont tout à fait bon air.
- Mascarille -
Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier de plus que ceux qu'on fait.
- Madelon -
Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de l'ajustement.
- Mascarille -
Attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat.
- Madelon -
Ils sentent terriblement bon.
- Cathos -
Je n'ai jamais respiré une odeur mieux conditionnée.
- Mascarille -
Et celle-là ?
(Il donne à sentir les cheveux poudrés de sa perruque.)
- Madelon -
Elle est tout à fait de qualité ; le sublime en est touché délicieusement.
- Mascarille -
Vous ne me dites rien de mes plumes ! Comment les trouvez-vous ?
- Cathos -
Effroyablement belles.
- Mascarille -
Savez-vous que le brin me co?te un louis d'or ? Pour moi, j'ai cette manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus beau.
- Madelon -
Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une délicatesse furieuse pour tout ce que je porte ; et, jusqu'à mes chaussettes, je ne puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse.
- Mascarille -
(s'écriant brusquement.)
Ahi ! ahi ! ahi ! doucement. Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal en user ; j'ai à me plaindre de votre procédé ; cela n'est pas honnête.
- Cathos -
Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous ?
- Mascarille -
Quoi ! toutes deux contre mon coeur en même temps ! M'attaquer à droite et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas égale, et je m'en vais crier au meurtre.
- Cathos -
Il faut avouer qu'il dit les choses d'une manière particulière.
- Madelon -
Il a un tour admirable dans l'esprit.
- Cathos -
Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on l'écorche.
- Mascarille -
Comment, diable ! il est écorché depuis la tête jusqu'aux pieds.
-----------
SCèNE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte.
- Marotte -
Madame, on demande à vous voir.
- Madelon -
Qui ?
- Marotte -
Le vicomte de Jodelet.
- Mascarille -
Le vicomte de Jodelet ?
- Marotte -
Oui, Monsieur.
- Cathos -
Le connaissez-vous ?
- Mascarille -
C'est mon meilleur ami.
- Madelon -
Faites entrer vitement.
- Mascarille -
Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de cette aventure.
- Cathos -
Le voici.
-----------
SCèNE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte, Almanzor.
- Mascarille -
Ah ! vicomte !
- Jodelet -
(Ils s'embrassent l'un l'autre.)
Ah ! marquis !
- Mascarille -
Que je suis aise de te rencontrer !
- Jodelet -
Que j'ai de joie de te voir ici !
- Mascarille -
Baise-moi donc encore un peu, je te prie.
- Madelon -
(à Cathos.)
Ma toute bonne, nous commen?ons d'être connues ; voilà le beau monde qui prend le chemin de nous venir voir.
- Mascarille -
Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci : sur ma parole, il est digne d'être connu de vous.
- Jodelet -
Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes.
- Madelon -
C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la flatterie.
- Cathos -
Cette journée doit être marquée dans notre almanach comme une journée bien heureuse.
- Madelon -
(à Almanzor.)
Allons, petit gar?on, faut-il toujours vous répéter les choses ? Voyez-vous pas qu'il faut le surcro?t d'un fauteuil ?
- Mascarille -
Ne vous étonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pale comme vous le voyez.
- Jodelet -
Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre.
- Mascarille -
Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des vaillants hommes du siècle ? C'est un brave à trois poils (16).
- Jodelet -
Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez faire aussi.
- Mascarille -
Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion.
- Jodelet -
Et dans des lieux où il faisait fort chaud.
- Mascarille -
(regardant Cathos et Madelon.)
Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai,

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.