sur son front et rapprocha de moi son si��ge.
--Geoffroy, me dit-il d'une voix tremblante, Lucien n'est pas fou, je t'affirme cela sur mon honneur. Seulement ��coute bien: Jeanne ��tait son coeur, on le lui a arrach��. J'ai promis de lui rendre son coeur, ai-je encore bien fait, Geoffroy?
Ses yeux, de plus en plus inquiets, ��taient toujours fix��s sur moi.
--Tu as parfaitement fait! r��pliquai-je avec chaleur.
--Aurais-tu fait comme moi?
--Certes, et de toute mon ame!
Il me saisit la main et la secoua fortement.
--Je suis bien aupr��s de toi, Geoffroy, dit-il, je voudrais que tu fusses l�� toujours. Il y a des choses que tu ne sais pas, et peut-��tre trouverais-je le courage de te les apprendre.
--Ah! ah! se reprit-il tout �� coup en relevant la t��te et d'un air presque fanfaron, j'ai quelquefois de bonnes pens��es! le malheur, c'est que je n'ai pas confiance en moi-m��me.
--Tu as tort, pronon?ai-je au hasard.
--Ai-je tort? murmura-t-il.
--Pourquoi n'as-tu pas confiance en toi-m��me?
--Parce que... ne l'as-tu pas devin��?
Il s'arr��ta. Sa joue ��tait tr��s pale, et ses yeux se baissaient avec un redoublement de timidit��. Cette fois, n'ayant aucune id��e de ce qu'il voulait dire, je ne savais comment l'encourager. Il reprit bient?t de lui-m��me:
--Je crois que tu as raison, Geoffroy; c'est vrai, j'ai tort d'avoir d��fiance. Je ne suis pas encore mort. Puisque je pense, je puis agir... mais... mais.... Il s'interrompit de nouveau et finit par balbutier si bas que j'eus peine �� l'entendre:
--Geoffroy, c'est que je ne sais pas bien qui je suis.
Je me mis �� rire et je r��pliquai:
--Je vais te le dire, mon pauvre Lucien....
Il ne me laissa pas achever ce nom.
Ce fut avec une v��ritable violence qu'il sauta hors de son si��ge pour appuyer sur ma bouche sa main qui ��tait glac��e et qui tremblait.
--Tu mens! s'��cria-t-il. Je ne suis pas celui-l��!
Et il ajouta par trois fois, secou�� par une ��motion fi��vreuse:
--Non! non! non! je ne suis pas celui-l��! Celui-l�� a condamn�� une femme �� mort. Si j'��tais celui-l��, il me faudrait donc tuer cette femme!
V
Sommeil--Apparition
Lucien parlait-il encore de Jeanne P��ry? Et pourquoi Lucien aurait-il tu�� Jeanne P��ry qui ��tait son ame?
Je n'osais plus interroger parce que je le voyais en proie �� une surexcitation croissante. Ses l��vres tremblaient et ses cheveux s'agitaient sur son crane.
Tout �� coup sa t��te s'inclina si bas que ses deux mains crois��es sur ses genoux furent inond��es par les boucles de ses cheveux. Il dit d'un ton d'accablement:
--Condamner! tuer! une femme! Peut-��tre que Lucien Thibaut ne devrait pas se montrer si s��v��re. Il a eu des torts. Je sais qu'il a eu de grands torts. ��tes-vous encore l��, Geoffroy?
Ma main toucha la sienne.
--Merci, pronon?a-t-il tout bas et sans se redresser. Je n'aurais pas ��t�� surpris si vous m'aviez abandonn��. ��coutez-moi, Geoffroy: En un jour dans sa vie, un seul jour, il est vrai, et pr��cis��ment �� l'��gard de cette femme la conduite de Lucien Thibaut ne f?t pas celle d'un galant homme.
�� ces derniers mots, il s'arr��ta pour pr��ter l'oreille, puis il se redressa furieusement et me regarda en face, comme si l'accusation f?t venue de moi et non pas de lui-m��me.
Sa col��re ��tait si violente que tout son corps fr��missait. Sa main crisp��e s'agitait. Je crus qu'il allait me frapper au visage.
Mais il se contint par un effort puissant qui gonfla les veines de son front, et me dit avec amertume:
--Je n'ai pas �� d��fendre Lucien Thibaut. Ce sont des choses fatales. Il est juge, il a jug�� et il a condamn��. Pensez de lui ce que vous voudrez, il doit la tuer, il la tuera! voil��.
Sa t��te retomba lourdement et il ne bougea plus.
Je crus d'abord qu'il ��prouvait un spasme ou m��me un ��vanouissement, car son immobilit�� ne cessait point, mais je m'aper?us bient?t qu'il dormait tout simplement. La force de son ��motion l'avait bris�� comme il arrive aux enfants de tomber dans le sommeil apr��s la col��re ou les larmes.
Tant?t son souffle ��tait ��gal et doux, tant?t il subissait une oppression soudaine. Un r��ve lui rendait peut-��tre, non pas seulement l'��moi qui venait de secouer sa faiblesse engourdie, mais d'autres commotions plus anciennes et plus douloureuses aussi. Une fois il laissa ��chapper des paroles confuses, entrem��l��es de sanglots. Je crus distinguer deux noms, deux noms de femme: Jeanne, Olympe.... Mme la marquise de Chambray s'appelait Olympe. Je savais cela d��s le coll��ge. ��tait-ce cette Olympe qu'il avait condamn��e!
Il dormit longtemps. Je ne songeais ni �� l'��veiller ni �� me retirer. J'avais pris un livre que je tenais ouvert, mais je ne lisais pas.
�� peine puis-je dire que je pensais. Quelque chose de lourd pesait sur mon coeur et sur mon intelligence.
Quand cette id��e de me retirer me vint �� la fin, je la repoussai comme une impossibilit��.
Il me sembla que j'��tais ici �� mon devoir tout naturellement et que j'y devais rester jusqu'��

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