surface d'un lac. Les innombrables fleurs dont elle ��tait parsem��e lui donnaient l'aspect d'un tissu vert et jaune. On voyait ?a et l�� des bosquets de m��l��ze et de bouleau dispos��s comme par une main d'artiste. Au milieu de cette prairie serpentaient les eaux claires d'un fleuve rapide, qui coulait sur le sable pur entre des rives noires et escarp��es. Sur la rive oppos��e croissait du foin touffu et nourrissant, o�� couraient une centaine de faux, dont les lames brillaient comme de l'argent aux rayons du soleil. Dans cette plaine paturaient un grand nombre de b��tes �� cornes et de chevaux, qui prenaient leurs ��bats en toute s��curit�� et erraient �� leur gr��. De distance en distance ��taient r��unies, par groupes de cinq ou de dix, les maisons des Yakoutes, enduites de terre grasse, ou leurs yourtes d'��t��, coniques et blanches, qui avaient l'air d'��tre peintes. Les crois��es, en verre ou en pierre sp��culaire, reluisaient comme des pierres pr��cieuses. Au fond de ce paysage s'��levait, comme une haute colline, notre maison batie sur une ��minence.
La beaut�� de ce tableau, jointe �� son immensit��, ravissait mon esprit d'enfant qui ne s'��tait jamais rien repr��sent�� de semblable. Je me figurais que cette contr��e n'avait pas de limites, et la joie que j'��prouvais �� ces pens��es ��tait si grande qu'il est impossible de l'exprimer par des paroles.
�� peine ��tions-nous dans le pays, que le malheur visita notre maison. Un jour, en sortant de table, mon p��re, qui jusqu'�� l'age de soixante-douze ans n'avait jamais ��t�� malade, s'affaissa sans connaissance sur le banc fix�� au mur, et au bout de quelques instants rendit son ame �� Dieu.
Cette perte inopin��e causa �� ma m��re un extr��me chagrin. Apr��s les fun��railles, elle se trouva dans une situation tout �� fait pr��caire; mon p��re laissait des dettes pour huit ou neuf cents roubles[10], ce qui passait alors pour une grosse somme. Apr��s avoir v��cu neuf ans �� Djigansk, mes parents n'avaient retrouv�� �� Kill?m qu'une minime partie de leur b��tail; tout le reste ��tait pass�� de diff��rentes fa?ons dans des mains ��trang��res. Notre maison avait ��t�� d��vast��e jusqu'�� la d��solation.
[Note 10: Le rouble vaut quatre francs.]
Lorsque sa douleur se fut un peu calm��e, ma m��re songea �� mettre de l'ordre dans nos affaires, et par ses soins notre b��tail s'am��liora beaucoup pendant les cinq ann��es de notre s��jour �� Kill?m.
La vie que nous y menions manquait de toute esp��ce d'agr��ment: la rigueur du froid ne permettait pas que l'on sort?t dans la campagne d��sol��e; nous ��tions cinq mois sans quitter la maison.
[Illustration: Une sorci��re tongouse.--Dessin de Victor Adam d'apr��s le comte de Rechberg.]
Pendant que nous vivions ainsi, je fis connaissance avec un grand nombre de Yakoutes, qui m'aimaient comme leur enfant, et je leur rendais bien leur affection. J'appris �� fond leur langue, et je me familiarisai avec leur mani��re de vivre et de penser. J'��coutais avec plaisir leurs contes, leurs chansons, leurs vieilles traditions; j'aimais �� prendre part �� leurs solennit��s, �� leurs festins, et aux jeux qu'ils c��l��brent en ��t��. Je me conciliai ainsi l'affection non-seulement des Yakoutes, mais aussi de leurs femmes, de leurs filles et de leurs enfants. Ils avaient tant de confiance en moi, que je n'aurais pu agir �� l'encontre de leur mani��re de voir, quand m��me je l'aurais voulu.
Les divertissements ne me manquaient pas. Les lacs de la contr��e sont remplis en ��t�� de diverses esp��ces de canards; et les bois, de li��vres, de coqs de bruy��re, de lagop��des et de perdrix. Au printemps, apr��s la d��bacle des glaces, et en automne, lorsque les nouvelles couv��es sont en ��tat de voler et partent pour les pays chauds, on est troubl�� dans son sommeil par les cris des oies, des canards, des cygnes, des grues, des cigognes et d'une foule de petits oiseaux. Pendant bien des ann��es j'ai fait une si rude guerre aux b��tes fauves, que peu d'hommes en ont tu�� plus que moi. Lorsque j'avais envie de chasser, les distances n'��taient rien pour moi; je ne m'effrayais pas de passer trois jours sans dormir, je ne connaissais pas la fatigue. En automne, je me couchais sur le flanc, sans autre oreiller qu'un tronc d'arbre, et n'ayant pas m��me une fourrure ou une couverture pour me garantir de la neige ou de la pluie. Lorsque je p��chais, je pataugeais toute la nuit dans l'eau froide, o�� les filets ��taient tendus. L'habitude que j'avais contract��e d��s mon enfance de supporter les plus rudes fatigues, me fut tr��s-utile dans la suite.
[Illustration: Port d'Okhotsk (voy. la note 1. p. 162).--Dessin de Victor Adam d'apr��s l'atlas du Voyage dans la Russie asiatique command�� par le commodeur Billings.]
Yakoutsk. -- Mon premier emploi. -- J'avance. -- Derni��res recommandations de ma m��re.
Lorsque nous f?mes forc��s d'habiter Yakoutsk, ma m��re fit transporter dans cette ville chacune des pi��ces

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