Le Tour du Monde; Les Yakoutes | Page 7

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toujours le soleil �� l'horizon. Ceux qui n'y sont pas habitu��s trouvent �� peine le temps de dormir.
Les eaux des environs de Djigansk sont sans ��gales tant pour la quantit�� que pour la qualit�� des poissons qu'elles nourrissent; on y prend des salmo nelma, des ablettes, des esturgeons, des sterlets, des tscher, des muksun, des omul, des salmo lavoretus.
On gaspille sans profit ces poissons excellents, et cela pour deux causes, d'abord parce que l'on manque de sel et ensuite parce que c'est l'habitude. Les Tongouses creusent, pr��s du lieu o�� ils p��chent, une fosse profonde d'une brasse environ, dont ils rev��tent d'��corce le fond et les parois. Les poissons y sont encaqu��s apr��s qu'on leur a ?t�� les intestins et les ar��tes. On les laisse consumer jusqu'�� ce qu'ils deviennent bleus et tombent en bouillie. Dans cet ��tat, ils sont un des mets favoris des Tongouses. J'avoue que dans mon enfance j'en mangeais tr��s-volontiers en public et en priv��, et que j'en mangerais encore si l'occasion s'en pr��sentait.
De grands m��decins ��crivent que l'usage des poissons morts depuis un jour cause un violent malaise. Mais comment pourrais-je croire que cette opinion soit vraie, moi qui sais que des milliers de personnes se nourrissent de ces poissons pourris et atteignent n��anmoins un age avanc��. Quoique j'en aie moi-m��me passablement mang��, je ne m'aper?ois pas que je m'en sois trouv�� plus mal. Que l'on dise au Tongouse: ?Ne mange pas de poisson pourri, c'est un aliment malsain;? il rira et r��pondra: ?Et le poisson que tu viens de tuer pour le manger ne se consume-t-il pas ��galement dans ton estomac??
Au milieu du si��cle dernier vivait �� Djigansk une Russe[9], nomm��e Agrippine (Ogr?p?n?), que ma grand'm��re connaissait de vue. Elle passait pour sorci��re: on estimait heureux ceux qu'elle aimait; ceux, au contraire, �� qui elle en voulait se tenaient pour infortun��s. Ses paroles ��taient respect��es, comme si elles fussent venues du ciel. S'��tant ainsi acquis la confiance des hommes, elle se batit, entre les rochers, �� quatre koes en amont de Djigansk, une hutte o�� elle se retira dans sa vieillesse. Personne ne passait pr��s de l�� sans lui aller demander sa b��n��diction et lui porter un pr��sent. Malheur �� qui manquait �� ce devoir! elle ne tardait pas �� l'en punir. Se m��tamorphosant en corbeau noir, elle soulevait contre lui de violents tourbillons de vent, faisait tomber ses bagages dans l'eau, et le privait de la raison. Maintenant m��me qu'elle est morte, les voyageurs continuent �� suspendre des dons dans les lieux o�� elle v��cut. Son nom est encore connu non-seulement des habitants de Djigansk, mais aussi de tous les Yakoutes des environs d'Yakoutsk. On dit d'une femme folle qu'elle a ��t�� frapp��e par Agrippine de Djigansk. La tradition rapporte que cette sorci��re atteignit l'age de quatre-vingts ans; qu'elle ��tait grosse, mais de taille peu ��lev��e; que son visage ��tait marqu�� de la petite v��role; que ses yeux ��taient brillants comme l'��toile du matin, et que sa voix avait un son clair, comme la glace que l'on frappe. Le souvenir d'Agrippine n'est pas effac�� dans les contr��es septentrionales.
[Note 9: Nutcha en yakoute.]
Mon premier voyage. -- Kill?m et ses environs. -- Malheurs. Les Yakoutes. -- La chasse et la p��che.
Ainsi que je l'ai d��j�� dit, j'��tais encore bien jeune lorsque notre famille quitta Djigansk pour aller s'��tablir �� Yakoutsk. J'emportai suivant l'usage, dans une bouteille, de la terre de mon lieu de naissance, pour la d��layer dans de l'eau et la boire quand je souffrirais du mal du pays; mais n'ayant jamais regrett�� Djigansk, je n'ai pas eu l'occasion de me remplir l'estomac de terre noire. Depuis je n'ai jamais revu cette ville, et Dieu sait si j'y retournerai jamais!
�� deux koes et demi au nord d'Yakoutsk est une contr��e appel��e Kill?m, o�� mon p��re et ma m��re avaient bati �� la russe une jolie maison qu'ils habitaient avant de s'��tablir �� Djigansk. Tout pr��s de l�� s'��levait la maison de mes a?euls maternels, qui ��taient fort avanc��s en age.
Ni �� Djigansk, ni dans le trajet, je n'avais vu de campagne ouverte, ou de plaine liquide qui se prolongeat �� perte de vue, ou de cha?ne de montagnes et de collines qui s'��tend?t le long d'un fleuve, et f?t du haut en bas couverte d'un fourr�� imp��n��trable. Mon oreille n'avait jamais ��t�� charm��e par les chants de l'alouette, ou les m��lodies des oiseaux musiciens; je n'avais entendu que le croassement du corbeau et de la corneille, ou la voix de la pivoine. En fait de plantes, je ne connaissais que le roseau sans parfum.
D'apr��s cela, jugez de mon ��tonnement lorsque j'arrivai �� Kill?m. �� mes yeux se d��ployait une immense prairie d'un koes de large et de plusieurs koes de long, couverte d'un tapis de verdure que l'air agitait, et aussi unie que la

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