de notre maison de Kill?m et la fit reconstruire dans un bon emplacement qu'elle avait choisi; j'entrai au service de l'empereur, en qualit�� de copiste au tribunal sup��rieur de Yakoutsk. Nous avions pour sup��rieur un M. N..., homme de petite naissance et m��diocre ��crivain, mais qui passait pour indispensable. Se trouvant dans une belle position, il n'appr��ciait pas la peine de ses subordonn��s. Nous ��tions occup��s chaque jour �� ��crire sans interruption, depuis le grand matin jusqu'�� la nuit, en tout dix-sept heures, et nos appointements s'��levaient �� deux roubles de cuivre[11] par mois. Apr��s avoir ainsi travaill�� durant deux ans, je devins chef de mon bureau, et trois ou quatre ans plus tard j'eus la direction de sept bureaux. Peu apr��s je fus nomm�� chancelier priv�� du gouverneur et l'on mit sous mes ordres dix personnes pour m'aider dans mes p��nibles fonctions. Mais comme la moiti�� de mes subordonn��s ��taient des ivrognes accomplis et le reste de petits enfants que j'avais �� instruire, toute la besogne me restait sur les bras. Je travaillais vingt heures par jour, et je ne gagnais que cinq roubles de cuivre par mois. Mais l'affection de mes sup��rieurs, la consid��ration publique, et surtout la satisfaction de ma m��re, me donnaient des forces, et j'avais en outre la conscience d'��tre utile.
[Note 11: Le rouble de cuivre ou d'assignation vaut 1 fr. 14 c.]
Ayant perdu son mari et ses douze enfants, �� l'exception d'un seul, ma m��re ne vivait plus que pour moi. Mais voil�� qu'au temps o�� elle aurait pu jouir du repos, elle fut atteinte d'une maladie mortelle, qui s'aggrava de jour en jour. Je restai pr��s d'elle, sans sortir et sans dormir, les neuf jours et les neuf nuits qui pr��c��d��rent sa mort. Les derni��res paroles d'adieu qu'elle m'adressa furent nombreuses, tr��s-nombreuses. La veille de son tr��pas elle me dit:
?Ne reste pas �� Yakoutsk; cette ville est remplie de Russes qui te portent envie. Les indig��nes te conserveront sans doute leur affection; mais c'est pr��cis��ment ce qui excitera la jalousie de tes ennemis. Tu ne pourras t'��viter de r��pondre �� leurs provocations, tu perdras ta libert�� et tu tomberas dans l'infortune. Vends ta maison et tes biens, et pars pour la Russie. L�� tu verras l'empereur; ce sera ton bonheur. Je vais te laisser seul sur la terre; mais tu connais mes principes, ne les abandonne pas, ils feront ta consolation dans l'adversit��. Ne manque pas d'assister ton prochain de tes biens, de tes conseils, de ton travail. C'est le devoir de tout homme. Je mourrai demain; au lever du soleil envoie chercher le pr��tre, et fais appeler tous nos parents et toutes mes connaissances.?
C'��tait un jour d'automne; l'eccl��siastique ��tant arriv�� d��s l'aurore, ma m��re confessa ses p��ch��s, re?ut l'eucharistie, et fit ses adieux �� toutes les personnes qui s'��taient rendues �� son appel. Ensuite elle m'embrassa; je sentis sur mes ��paules le froid de son haleine, et peu apr��s tous les assistants s'��cri��rent: ?Elle est morte!? Ma m��re venait de rendre subitement le dernier soupir.
Avec elle, je perdis tout ce qui faisait mon bonheur sur terre. N'ayant plus ni fr��re ni soeur, et n'ayant jamais ��t�� mari��, je n'ai eu personne pour me consoler dans mes jours d'abattement, ou pour se r��jouir avec moi dans mes moments d'expansion. Je suis pour tout le monde un ��tranger; quelque part que j'aille, je ne suis qu'un h?te!
La contr��e de Yakoutsk n'avait plus de charmes �� mes yeux; ce qui m'avait paru beau ne r��veillait en moi que des id��es tristes. Et puis la prosp��rit�� des Yakoutes d��croissait d'ann��e en ann��e, par suite de la faiblesse des administrateurs. Toutes ces circonstances r��unies m'affermirent dans la r��solution de quitter ce pays. Mais je fus quelque temps retenu par le gouverneur, dont je dirigeais la chancellerie et qui m'aimait comme un fils.
Irkoutsk. -- Voyage. -- Oudsko?. -- Mes bagages. -- Campement.
D��s que le chancelier fut mort, je vendis ma maison et mes biens, je payai mes dettes et je me rendis �� Irkoutsk[12], o�� je fus plac�� dans la chancellerie du gouverneur, avec quatre-vingts roubles d'appointements par mois. J'y passai tranquillement un an et demi, n'ayant d'autres soucis que de remplir mon facile emploi.
[Note 12: En yakoute Ourkouskai.]
Je me proposais de partir pour la Russie, lorsque arriva un M. X..., qui avait ��t�� nomm�� gouverneur de Yakoutsk. Ayant appris que j'��tais vers�� dans la langue des Yakoutes et familiaris�� avec leurs moeurs, il me proposa de m'emmener avec lui. Je n'avais gu��re envie d'accepter; pourtant comme ce personnage ��tait un homme de t��te, je me d��cidai �� l'accompagner, dans l'int��r��t des Yakoutes plut?t que dans le mien; car je pr��sumais bien que mes nouvelles fonctions me donneraient plus de peines que de profits; et la suite montra que je ne m'��tais pas tromp�� dans ces pr��visions.
D��s que
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