Le Monde comme il va, vision de Babouc | Page 3

Voltaire
cette partie de la ville se ressentait du temps o�� elle avait ��t�� batie; car, malgr�� l'opiniatret�� des hommes �� louer l'antique aux d��pens du moderne, il faut avouer qu'en tout genre les premiers essais sont toujours grossiers.
[3] Pers��polis ��tant Paris, l'entr��e toute barbare est celle du faubourg Saint-Marceau: voyez le chapitre XXII de Candide. B.
Babouc se m��la dans la foule d'un peuple compos�� de ce qu'il y avait de plus sale et de plus laid dans les deux sexes. Cette foule se pr��cipitait d'un air h��b��t�� dans un enclos vaste et sombre. Au bourdonnement continuel, au mouvement qu'il remarqua, �� l'argent que quelques personnes donnaient �� d'autres pour avoir droit de s'asseoir, il crut ��tre dans un march�� o�� l'on vendait des chaises de paille; mais bient?t, voyant que plusieurs femmes se mettaient �� genoux, en fesant semblant de regarder fixement devant elles, et en regardant les hommes de c?t��, il s'aper?ut qu'il ��tait dans un temple. Des voix aigres, rauques, sauvages, discordantes, fesaient retentir la vo?te de sons mal articul��s, qui fesaient le m��me effet que les voix des onagres quand elles r��pondent, dans les plaines des Pictaves[4], au cornet �� bouquin qui les appelle. Il se bouchait les oreilles; mais il fut pr��s de se boucher encore les yeux et le nez, quand il vit entrer dans ce temple des ouvriers avec des pinces et des pelles. Ils remu��rent une large pierre, et jet��rent �� droite et �� gauche une terre dont s'exhalait une odeur empest��e; ensuite on vint poser un mort dans cette ouverture, et on remit la pierre par-dessus. Quoi! s'��cria Babouc, ces peuples enterrent leurs morts dans les m��mes lieux o�� ils adorent la Divinit��! Quoi! leurs temples sont pav��s de cadavres! Je ne m'��tonne plus de ces maladies pestilentielles qui d��solent souvent Pers��polis. La pourriture des morts, et celle de tant de vivants rassembl��s et press��s dans le m��me lieu, est capable d'empoisonner le globe terrestre. Ah! la vilaine ville que Pers��polis! Apparemment que les anges veulent la d��truire pour en rebatir une plus belle, et la peupler d'habitants moins malpropres, et qui chantent mieux. La Providence peut avoir ses raisons; laissons-la faire.
[4] Les Pietaves sont les Poitevins, habitants du Poitou. B.

III. Cependant le soleil approchait du haut de sa carri��re. Babouc devait aller d?ner �� l'autre bout de la ville, chez une dame pour laquelle son mari, officier de l'arm��e, lui avait donn�� des lettres. Il fit d'abord plusieurs tours dans Pers��polis; il vit d'autres temples mieux batis et mieux orn��s, remplis d'un peuple poli, et retentissant d'une musique harmonieuse; il remarqua des fontaines publiques, lesquelles, quoique mal plac��es[5], frappaient les yeux par leur beaut��; des places o�� semblaient respirer en bronze les meilleurs rois[6] qui avaient gouvern�� la Perse; d'autres places o�� il entendait le peuple s'��crier: Quand verrons-nous ici le ma?tre que nous ch��rissons? Il admira les ponts magnifiques ��lev��s sur le fleuve, les quais superbes et commodes, les palais batis �� droite et �� gauche, une maison immense[7] o�� des milliers de vieux soldats bless��s et vainqueurs rendaient chaque jour graces au Dieu des arm��es. Il entra enfin chez la dame, qui l'attendait �� d?ner avec une compagnie d'honn��tes gens. La maison ��tait propre et orn��e, le repas d��licieux, la dame jeune, belle, spirituelle, engageante, la compagnie digne d'elle; et Babouc disait en lui-m��me �� tout moment: L'ange Ituriel se moque du monde de vouloir d��truire une ville si charmante.
[5] C'est de Paris que Voltaire parle, sous le nom de Pers��polis: les fontaines mal plac��es sont la fontaine de la rue de Grenelle, faubourg Saint Germain, et la fontaine des Innocents, qui ��tait alors au coin des rues aux Fers et de Saint-Denis. C'est de 1788 que date la construction de cette derni��re fontaine telle qu'elle est aujourd'hui. Voyez, dans le tome XIX, la liste des _Artistes c��l��bres du Si��cle de Louis XIV_ (apr��s l'article MANSARD). B.
[6] Les seuls rois qui eussent des statues ��taient Henri IV, Louis XIII, Louis XIV. La statue de Louis XV ne Fut ��rig��e que beaucoup plus tard, en 1763; elle avait ��t�� vot��e, en 1748, par le pr��v?t des marchands et les ��chevins de la ville de Paris. B.
[7] L'H?tel des Invalides. B.

IV. Cependant il s'aper?ut que la dame, qui avait commenc�� par lui demander tendrement des nouvelles de son mari, parlait plus tendrement encore, sur la fin du repas, �� un jeune mage. Il vit un magistrat qui, en pr��sence de sa femme, pressait avec vivacit�� une veuve; et cette veuve indulgente[7] avait une main pass��e autour du cou du magistrat, tandis qu'elle tendait l'autre �� un jeune citoyen tr��s beau et tr��s modeste. La femme du magistrat se leva de table la premi��re, pour aller entretenir dans un cabinet voisin son directeur qui arrivait trop tard, et qu'on avait attendu ��
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