Le Monde comme il va, vision de Babouc | Page 4

Voltaire
d?ner; et le directeur, homme ��loquent, lui parla dans ce cabinet avec tant de v��h��mence et d'onction, que la dame avait quand elle revint les yeux humides, les joues enflamm��es, la d��marche mal assur��e, la parole tremblante.
[8] L'��dition de 1750 porte: ?Cette veuve indulgente lorgnait vivement le magistrat tandis qu'elle tendait la main �� un jeune citoyen, etc.? B.
Alors Babouc commen?a �� craindre que le g��nie Ituriel n'e?t raison. Le talent qu'il avait d'attirer la confiance le mit d��s le jour m��me dans les secrets de la dame: elle lui confia son go?t pour le jeune mage, l'assura que dans toutes les maisons de Pers��polis il trouverait l'��quivalent de ce qu'il avait vu dans la sienne. Babouc conclut qu'une telle soci��t�� ne pouvait subsister; que la jalousie, la discorde, la vengeance, devaient d��soler toutes les maisons; que les larmes et le sang devaient couler tous les jours; que certainement les maris tueraient les galants de leurs femmes, ou en seraient tu��s; et qu'enfin Ituriel ferait fort bien de d��truire tout d'un coup une ville abandonn��e �� de continuels d��sordres.

V. Il ��tait plong�� dans ces id��es funestes, quand il se pr��senta �� la porte un homme grave, en manteau noir, qui demanda humblement �� parler au jeune magistrat. Celui-ci, sans se lever, sans le regarder, lui donna fi��rement, et d'un air distrait, quelques papiers, et le cong��dia. Babouc demanda quel ��tait cet homme. La ma?tresse de la maison lui dit tout bas: C'est un des meilleurs avocats de la ville; il y a cinquante ans qu'il ��tudie les lois. Monsieur, qui n'a que vingt-cinq ans, et qui est satrape[9] de loi depuis deux jours, lui donne �� faire l'extrait d'un proc��s qu'il doit juger demain; et qu'il n'a pas encore examin��. Ce jeune ��tourdi fait sagement, dit Babouc, de demander conseil �� un vieillard; mais pourquoi n'est-ce pas ce vieillard qui est juge? Vous vous moquez, lui dit-on; jamais ceux qui ont vieilli dans les emplois laborieux et subalternes ne parviennent aux dignit��s. Ce jeune homme a une grande charge, parceque son p��re est riche, et qu'ici le droit de rendre la justice s'ach��te comme une m��tairie[10]. O moeurs! ? malheureuse ville! s'��cria Babouc; voil�� le comble du d��sordre; sans doute, ceux qui ont ainsi achet�� le droit de juger vendent leurs jugements: je ne vois ici que des ab?mes d'iniquit��.
[9] Satrape de loi signifie ici conseiller au parlement. Il arrivait souvent aux conseillers-rapporteurs de charger quelque avocat de faire les extraits dos proc��s �� juger. B.
[10] Voltaire n'a cess�� de s'��lever contre la v��nalit�� des offices de judicature; et c'est la suppression de la v��nalit�� qui l'avait rendu partisan des mesures prises eu 1771. Voyez l'Histoire du parlement, chapitre LXIX, tome XXII, pages 366-67, dans les _M��langes_, ann��e 1771, diff��rentes pi��ces relatives au parlement Maupeou; dans la Correspondance, la lettre �� madame de Florian, du 1er avril 1771, et autres lettres. B.
Comme il marquait ainsi sa douleur et sa surprise, un jeune guerrier, qui ��tait revenu ce jour m��me de l'arm��e, lui dit: Pourquoi ne voulez-vous pas qu'on ach��te les emplois de la robe? j'ai bien achet��, moi, le droit d'affronter la mort �� la t��te de deux mille hommes que je commande; il m'en a co?t�� quarante mille dariques d'or cette ann��e, pour coucher sur la terre trente nuits de suite en habit rouge, et pour recevoir ensuite deux bons coups de fl��ches dont je me sens encore. Si je me ruine pour servir l'empereur persan que je n'ai jamais vu, M. le satrape de robe peut bien payer quelque chose pour avoir le plaisir de donner audience �� des plaideurs. Babouc indign�� ne put s'emp��cher de condamner dans son coeur un pays o�� l'on mettait �� l'encan les dignit��s de la paix et de la guerre; il conclut pr��cipitamment que l'on y devait ignorer absolument la guerre et les lois, et que, quand m��me Ituriel n'exterminerait pas ces peuples, ils p��riraient par leur d��testable administration.
Sa mauvaise opinion augmenta encore �� l'arriv��e d'un gros homme, qui, ayant salu�� tr��s famili��rement toute la compagnie, s'approcha du jeune officier, et lui dit: Je ne peux vous pr��ter que cinquante mille dariques d'or; car, en v��rit��, les douanes de l'empire ne m'en ont rapport�� que trois cent mille cette ann��e. Babouc s'informa quel ��tait cet homme qui se plaignait de gagner si peu; il apprit qu'il y avait dans Pers��polis quarante[11] rois pl��b��iens qui tenaient �� bail l'empire de Perse, et qui en rendaient quelque chose au monarque.
[11] Quarante est ce qu'on lit dans les ��ditions depuis 1756. Les ��ditions de 1748 et 1750 portent, soixante et douze. Le nombre des fermiers-g��n��raux a vari��. Louis XV, en 1765, avait cr���� vingt nouvelles places. Voyez, tome XXI, le chapitre XXXI du _Pr��cis du Si��cle de Louis XV_. B.

VI. Apr��s d?ner il alla dans
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