tyrannie de toutes sortes, les 
Acadiens avaient été forcés de s'organiser militairement pour mettre un 
terme aux infâmes déprédations de leurs ennemis. 
L'histoire avait enregistré antérieurement plusieurs hauts faits éclatants 
du leur bravoure. Ces faits démontrent ce que peut une poignée 
d'hommes héroïques, ne comptant que sur leurs seules ressources, qui 
s'arment vaillamment sans s'occuper de la force pécuniaire ou 
numérique de ceux qu'ils ont à combattre, mais qui ont résolus de 
défendre jusqu'à la fin, leur religion, leurs foyers et leurs droits, 
Combien n'y eut-il pas de luttes sanglantes et désespérées où le lion 
anglais dût s'avouer battu par le moucheron acadien, et pour ainsi dire, 
obligé de fuir honteusement devant lui. Mais l'orgueil britannique 
s'insurgeait et écumait de rage, en voyant ces quelques braves tenir tête 
à ses nombreuses armées! Le gouverneur Lawrence crut plus prudent et 
plus sûr, là où la force avait échouée, d'employer la ruse et la perfidie. 
Le plan fut traîtreusement combiné et habilement exécuté. 
Vers la fin d'août 1755, cinq vaisseaux de guerre, chargés d'une 
soldatesque avide de pillage, mirent à la voile et vinrent jeter l'ancre en 
face d'un poste florissant par son commerce, la fertilité de ses terres et 
l'industrie de ses habitants. On fit savoir à plusieurs des cantons voisins 
qu'ils eussent à se rendre à un endroit indiqué pour entendre une 
importante communication, qui devait leur être donnée de la part du 
gouverneur. Plusieurs soupçonnant un piège prirent la fuite et se 
sauvèrent dans les bois, en entendant cette proclamation. Mais le 
plus-grand nombre, avec un esprit tout chevaleresque, se confiant à la 
loyauté anglaise, se rendit à l'appel. 
Chaque année, M. St.-Aubin était obligé de faire un voyage aux Mines, 
endroit important de commerce pour y transiger les affaires de son 
négoce. Le trajet était long et les chemins n'étaient pas toujours sûrs
dans ce temps-là. Par une malheureuse fatalité, il y arriva le cinq 
septembre au matin, jour fixé par la proclamation pour la réunion des 
acadiens. Jean Renousse et le fidèle terre-neuve lui avaient servi de 
gardes de corps pendant le voyage. 
M. St.-Aubin comme les habitants du lieu, se rendit à l'appel. Ce fut là 
qu'on leur signifia qu'ils étaient prisonniers de guerre, qu'à part de leur 
argent et de leurs vêlements, tout ce qu'ils possédaient appartenait 
désormais au roi, et qu'ils se tinssent prêts à être embarqués pour être 
déportés et disséminés dans les colonies anglaises. L'ordre était formel, 
on ne leur accordait que quatre jours de répit. Il est impossible de 
peindre Ici stupeur et le désespoir que produisit cette nouvelle; 
plusieurs refusèrent de croire qu'on exécutât jamais un acte d'aussi 
lâche et exécrable tyrannie, mais le plus grand nombre s'enfermèrent 
dans leurs maisons et passèrent dans les larmes et les sanglots, les 
quelques heures qui précédèrent leur séparation. D'autres essayèrent de 
fuir, mais vainement. Des troupes avaient été disposées dans les bois, 
ils se trouvèrent cernes de toute part et furent donc ramenés au camp, 
après avoir essuyé toutes sortes d'avanies et de mauvais traitements. 
Ce fut à grand'peine que le vénérable curé obtint du commandant la 
permission de les réunir le neuf septembre, veille du départ, dans la 
vieille église pour y célébrer le saint sacrifice et leur adresser quelques 
paroles de consolation et d'adieu. Personne ne fut jamais témoin, 
peut-être, d'une scène plus déchirante. Tous les visages étaient inondés 
de larmes. L'église retentissait des sanglots et des sourds gémissements 
des malheureuses victimes. Lorsqu'avant la communion, le bon prêtre 
voulut leur dire quelques mots, il y eut une véritable explosion de 
plaintes et de cris de désespoir. Il fut lui-même longtemps avant que de 
pouvoir dominer son émotion, et ce fut après de longs et pénibles 
efforts qu'il put, d'une voix brisée par la douleur, leur faire entendre ces 
paroles: 
"C'est peut-être pour la dernière fois, mes bons frères, que vous allez 
partager le pain des anges dans ce lieu saint. C'est lui qui donne le 
courage et la force de braver les tourments et les persécutions des 
méchants. C'est lui qui sera votre soutien, votre consolation dans les
temps malheureux que nous traversons. Dieu seul connaît ce que 
l'avenir nous réserve à tous, mais rappelons-nous que nous avons au 
ciel un bras tout-puissant, qui saura déjouer les complots des méchants: 
que ceux qui pleurent seront consolés et qu'ils recevront avec usure la 
récompense des larmes qu'ils auront versées. Car qu'est-ce que la terre 
que nous habitons, sinon un lieu d'exil et de misères, mais le ciel, voila 
notre patrie, vers laquelle doivent tendre nos désirs et nos aspirations. 
Séparés sur la terre, c'est là où nous serons ensemble réunis, c'est là que 
nous pourrons défier les persécutions des hommes. Recevez donc, mes 
chers frères, et encore une dernière fois, la bénédiction d'un prêtre qui, 
le coeur navré d'appréhensions pour l'avenir de ses    
    
		
	
	
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