et c'est là que se 
trouve la seconde erreur du mécanisme géométrique. 
Lorsqu'un corps en repos est rencontré par un autre corps en 
mouvement, il se meut à son tour. Il faut donc qu'il ait été actionné de 
quelque manière; et, par conséquent, il faut aussi qu'il ait agi lui-même; 
car «tout ce qui pâtit doit agir réciproquement[21]». Ainsi chaque 
mouvement, si léger qu'il soit, accuse la présence d'une source 
d'énergie et dans le moteur et dans le mobile qu'il suppose; et ce même 
principe d'activité se manifeste également dans la manière dont les 
corps se choquent les uns les autres. 
[Note 21: LEIBNIZ, _Si l'Essence du corps consiste dans l'étendue, _p. 
113a.] 
«Nous remarquons dans la matière une qualité que quelques-uns ont 
appelée l'inertie naturelle, par laquelle le corps résiste ea quelque façon 
au mouvement; en sorte qu'il faut employer quelque force pour l'y 
mettre (faisant même abstraction de la pesanteur) et qu'un grand corps 
est plus difficilement ébranlé qu'un petit.» Soit, par exemple, la figure: 
[Illustration: A] [Illustration: B] 
où l'on suppose que le corps A en mouvement rencontre le corps B en 
repos. «Il est clair que, si le corps B était indifférent au mouvement ou 
au repos, il se laisserait pousser par le corps A sans lui résister et sans
diminuer la vitesse, ou changer la direction du corps A. Et, après le 
concours, A continuerait son chemin et B irait avec lui de compagnie 
en le devançant. Mais il n'en est pas ainsi dans la nature. Plus le corps 
B est grand, plus il diminuera la vitesse avec laquelle vient le corps A, 
jusqu'à l'obliger même de réfléchir, si B est beaucoup plus grand 
qu'A[22].» Et rien ne prouve mieux que l'inertie à laquelle on s'arrête 
n'est que de l'énergie déguisée. 
[Note 22: LEIBNIZ, Si l'essence du corps..., p. 112{a et b}.] 
On peut remarquer aussi qu'il y a dans les corps comme une tension 
perpétuelle, une sorte d'élan continu vers quelque autre chose que ce 
qu'ils sont déjà. Les blocs énormes qui couronnent les pyramides 
tombent d'eux-mêmes, dès qu'on enlève la base qui les soutient; un arc 
tendu part tout seul, lorsqu'on en délivre la corde[23]; et nous avons 
dans notre organisme une multitude indéfinie «de ressorts» qui se 
débandent à chaque instant, sans que nous l'ayons voulu et même à 
l'encontre de notre vouloir[24]. La nature corporelle implique un effort 
incessant. Or l'effort n'est plus seulement de la puissance; c'est aussi de 
l'action. «Omnis autem conatus actio.» 
[Note 23: LEIBNIZ, De Vera Methodo..., p.111b.] 
[Note 24: LEIBNIZ, De Vera Methodo..., p. 111b.] 
Et cette conclusion ne s'impose pas seulement au nom de l'expérience; 
elle se fonde aussi sur les exigences de la raison. On veut que l'être 
n'enveloppe que des puissances à l'état nu. Et l'on n'observe pas que 
c'est «une fiction, que la nature ne souffre point». On ne remarque pas 
qu'une simple faculté n'est qu'une «notion incomplète», «comme la 
matière première» séparée de toute forme; «une abstraction» vide de 
réalité, «comme le temps, l'espace et les autres êtres des mathématiques 
pures[25]». Il est bon de supprimer une telle équivoque et de donner 
des choses une notion plus compréhensive et plus exacte. Le vrai, c'est 
que tout est déterminé: le vrai, c'est que chaque substance «a toujours 
une disposition particulière à l'action et à une action plutôt qu'à telle 
autre»; «qu'outre la disposition», elle enveloppe «une tendance à 
l'action, dont même il y a toujours une infinité à la fois dans chaque
sujet»; et que «ces tendances ne sont jamais sans quelque effet[26]». 
Tout être est une force qui se bande, un «conatus» qui passe de 
lui-même au succès, «si rien ne l'empêche»: toute substance est action 
et tendance à l'action[27]. Et de là une interprétation nouvelle du 
devenir. D'après Aristote, tout se meut par autre chose. Au gré de 
Leibniz, tout se meut par soi-même. Chaque être est gros de sa destinée 
et la réalise en vertu d'un principe qui lui est interne. C'est le règne de 
l'autonomie, qui se substitue à celui de l'hétéronomie. 
[Note 25: LEIBNIZ, N. Essais, p. 222b, 2 et p. 223b, 9.] 
[Note 26: Ibid.; v. aussi p. 248a, 4.] 
[Note 27: LEIBNIZ, Théod., p. 526b, 87; _Syst. nouv. de la nature, _p. 
125a, 3.] 
L'effort, qui fait le fond de la substance, n'est pas purement physique. Il 
enveloppe toujours quelque degré de perception; il est produit et 
maintenu par la connaissance: c'est une véritable appétition[28]. 
[Note 28: LEIBNIZ, Monadol., p. 706, 14-15; Epist. ad Wagnerum, p. 
466, II.] 
«L'expérience interne» nous atteste qu'il y a au-dedans de nous-mêmes 
«Un Moi qui s'aperçoit» des changements corporels, et qui ne peut être 
expliqué ni par les figures ni par les mouvements[29]. C'est sur ce type 
qu'il faut concevoir tous les autres êtres[30]. Ainsi le veulent et les lois 
de    
    
		
	
	
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