de femme; et quand
on pense que c'est avec cette petite main-là qu'il a donné le fameux
coup de sabre au beccaïo; car vous lui avez donné un fameux coup de
sabre, allez!
Salvato sourit.
Michele regarda autour de lui.
--Que cherches-tu? demanda Luisa.
--Je cherche le sabre, maintenant que j'ai vu la main; ce doit être une
fière arme.
--Il t'en faudrait un comme celui-là quand tu seras colonel, n'est-ce pas,
Michele? dit en riant Luisa.
--M. Michele sera colonel? demanda Salvato.
--Oh! ça ne peut plus me manquer maintenant, répondit le lazzarone.
--Et comment cela ne peut-il plus te manquer? demanda Luisa.
--Non, puisque la chose m'a été prédite par la vieille Nanno, et que tout
ce qu'elle t'a prédit, à toi, se réalise.
--Michele! fit la jeune femme.
--Voyons: ne t'a-t-elle pas prédit qu'un beau jeune homme qui
descendait du Pausilippe courait un grand danger, qu'il était menacé par
six hommes, et que ce serait un grand bonheur pour toi s'il était tué par
ces six hommes, attendu que tu devais l'aimer et que cet amour serait
cause de ta mort?
--Michele! Michele! s'écria la jeune femme en écartant son fauteuil du
lit, tandis que Giovannina avançait sa tête pâle derrière le rideau rouge
de la fenêtre.
Le blessé regarda attentivement Michele et Luisa.
--Comment! demanda-t-il à Luisa, on vous a prédit que je serais cause
de votre mort?
--Ni plus ni moins! dit Michele.
--Et, ne me connaissant pas, ne pouvant par conséquent prendre aucun
intérêt à moi, vous n'avez pas laissé les sbires faire leur métier?
--Ah bien, oui! dit Michele répondant pour Luisa, quand elle a entendu
les coups de pistolet, quand elle a entendu le cliquetis des sabres, quand
elle a vu que moi, un homme, et un homme qui n'a pas peur, je n'osais
pas aller à votre secours parce que vous aviez affaire aux sbires de la
reine, elle a dit: «Alors, c'est à moi de le sauver!» Et elle s'est élancée
dans le jardin. Si vous l'aviez vue, Excellence! elle ne courait pas, elle
volait.
--Oh! Michele! Michele!
--Tu n'as pas fait cela, petite soeur? tu n'as pas dit cela?
--Mais à quoi bon le redire? s'écria Luisa en se cachant la tête entre ses
deux mains.
Salvato étendit le bras et écarta les mains dans lesquelles la jeune
femme cachait son visage rouge de honte et ses yeux humides de
larmes.
--Vous pleurez! dit-il; avez-vous donc regret maintenant de m'avoir
sauvé la vie?
--Non; mais j'ai honte de ce que vous a dit ce garçon; on l'appelle
Michele le Fou, et, à coup sûr, il est bien nommé.
Puis, à la camériste:
--J'ai eu tort, Nina, de te gronder de ne point l'avoir laissé entrer; tu
avais bien fait de lui refuser la porte.
--Ah! petite soeur! petite soeur! ce n'est pas bien, ce que tu fais là, dit le
lazzarone, et, cette fois, tu ne parles pas avec ton coeur.
--Votre main, Luisa, votre main! dit le blessé d'une voix suppliante.
La jeune femme à bout de forces, brisée par tant de sensations
différentes, appuya sa tête au dossier du fauteuil, ferma les yeux et
laissa tomber sa main frissonnante dans la main du jeune homme.
Salvato la saisit avec avidité; Luisa poussa un soupir: ce soupir
confirmait tout ce qu'avait dit le lazzarone.
Michele regardait cette scène à laquelle il ne comprenait rien, et qu'au
contraire comprenait trop Giovannina debout, les mains crispées, l'oeil
fixe, et pareille à la statue de la Jalousie.
--Eh bien, sois tranquille, mon garçon, dit Salvato d'une voix joyeuse,
c'est moi qui te donnerai ton sabre de colonel; pas celui avec lequel j'ai
houspillé les drôles qui m'attaquaient, ils me l'ont pris, mais un autre et
qui vaudra celui-là.
--Eh bien, voilà qui va pour le mieux, dit Michele; il ne me manque
plus que le brevet, les épaulettes, l'uniforme et le cheval.
Puis, se retournant vers la camériste:
--N'entends-tu pas, Nina? on sonne à arracher la sonnette!
Nina sembla s'éveiller.
--On sonne? dit-elle; et où cela?
--A la porte, il faut croire.
--Oui, à celle de la maison, dit Luisa.
Puis, rapidement et tout bas à Salvato:
--Ce n'est pas mon mari, ajouta-t-elle, il rentre toujours par celle du
jardin. Va, dit-elle à Nina, cours! je n'y suis pas, tu entends?
--Petite soeur n'y est pas, tu entends, Nina? répéta Michele.
Nina sortit sans répondre.
Luisa se rapprocha du blessé; elle se sentait, sans savoir pourquoi, plus
à l'aise sous la parole du bavard Michele que sous le regard de la
muette Nina; mais cela, nous le répétons, instinctivement, sans qu'elle
eût rien scruté des bons sentiments de son frère de lait, ou des mauvais
instincts de sa camériste.
Au bout de cinq minutes, Nina rentra, et, s'approchant mystérieusement
de sa maîtresse:
--Madame, lui

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