des comédies de quatre jours.
Enfin, pour dernier mal, tous les états de la société sont parvenus à se 
soustraire à la censure dramatique; on ne pourrait mettre au théâtre les 
Plaideurs de Racine, sans entendre aujourd'hui les Dandins et les 
Brid'oisons, même des gens plus éclairés, s'écrier qu'il n'y a plus ni 
moeurs, ni respect pour les magistrats. 
On ne ferait point le Turcaret sans avoir à l'instant sur les bras, fermes, 
sous-fermes, traites et gabelles, droits-réunis, tailles, taillons, le 
trop-plein, le trop-bu, tous les impositeurs royaux. Il est vrai 
qu'aujourd'hui Turcaret n'a plus de modèles. On l'offrirait sous d'autres 
traits, l'obstacle resterait le même. 
On ne jouerait point les Fâcheux, les Marquis, les Emprunteurs de 
Molière, sans révolter à la fois la haute, la moyenne, la moderne et 
l'antique noblesse. Ses Femmes savantes irriteraient nos féminins 
bureaux d'esprit; mais quel calculateur peut évaluer la force et la 
longueur du levier qu'il faudrait, de nos jours, pour élever jusqu'au 
théâtre l'oeuvre sublime du Tartuffe? Aussi l'auteur qui se compromet 
avec le public pour l'amuser, ou pour l'instruire, au lieu d'intriguer à 
son choix son ouvrage, est-il obligé de tourniller dans des incidens 
impossibles, de persifler au lieu de rire, et de prendre ses modèles hors 
de la société, crainte de se trouver mille ennemis, dont il ne connaissait 
aucun en composant son triste drame. 
J'ai donc réfléchi que, si quelque homme courageux ne secouait pas 
toute cette poussière, bientôt l'ennui des pièces françaises porterait la 
nation au frivole opéra-comique, et plus loin encore, aux boulevards, à 
ce ramas infect de tréteaux élevés à notre honte, où la décente liberté, 
bannie du théâtre français, se change en une licence effrénée, où la 
jeunesse va se nourrir de grossières inepties, et perdre, avec ses moeurs, 
le goût de la décence et des chefs-d'oeuvre de nos maîtres. J'ai tenté 
d'être cet homme, et si je n'ai pas mis plus de talent à mes ouvrages, au 
moins mon intention s'est-elle manifestée dans tous. 
J'ai pensé, je pense encore, qu'on n'obtient ni grand pathétique, ni 
profonde moralité, ni bon et vrai comique au théâtre, sans des situations 
fortes, et qui naissent toujours d'une disconvenance sociale dans le sujet 
qu'on veut traiter. L'auteur tragique, hardi dans ses moyens, ose
admettre le crime atroce: les conspirations, l'usurpation du trône, le 
meurtre, l'empoisonnement, l'inceste dans Oedipe et Phèdre; le 
fratricide dans Vendôme; le parricide dans Mahomet; le régicide dans 
Machbet, &c. &c. La comédie, moins audacieuse, n'excède pas les 
disconvenances, parce que ses tableaux sont tirés de nos moeurs, ses 
sujets de la société. Mais comment frapper sur l'avarice, à moins de 
mettre en scène un méprisable avare? démasquer l'hypocrisie, sans 
montrer, comme Orgon dans le Tartuffe, un abominable hypocrite, 
épousant sa fille et convoitant sa femme? un homme à bonnes fortunes, 
sans le faire parcourir un cercle entier de femmes galantes? un joueur 
effréné, sans l'envelopper de fripons, s'il ne l'est pas déjà lui-même? 
Tous ces gens-là sont loin d'être vertueux: l'auteur ne les donne pas 
pour tels; il n'est le patron d'aucun d'eux; il est le peintre de leurs vices. 
Et parce que le lion est féroce, le loup vorace et glouton, le renard rusé, 
cauteleux, la fable est-elle sans moralité? Quand l'auteur la dirige 
contre un sot que la louange enivre, il fait choir du bec du corbeau le 
fromage dans la gueule du renard; sa moralité est remplie: s'il la 
tournait contre le bas flatteur, il finirait son apologue ainsi: Le renard 
s'en saisit, le dévore; mais le fromage était empoisonné. La fable est 
une comédie légère, et toute comédie n'est qu'un long apologue: leur 
différence est que dans la fable les animaux ont de l'esprit; et que dans 
notre comédie les hommes sont souvent des bêtes; et qui pis est, des 
bêtes méchantes. 
Ainsi, lorsque Molière, qui fut si tourmenté par les sots, donne à 
l'Avare un fils prodigue et vicieux, qui lui vole sa cassette, et l'injurie 
en face; est-ce des vertus ou des vices qu'il tire sa moralité? Que lui 
importent ses fantômes? c'est vous qu'il entend corriger. Il est vrai que 
les afficheurs et balayeurs littéraires de son temps, ne manquèrent pas 
d'apprendre au bon public combien tout cela était horrible! Il est aussi 
prouvé que des envieux très-importans, ou des importans très-envieux 
se déchaînèrent contre lui. Voyez le sévère Boileau, dans son épître au 
grand Racine, venger son ami qui n'est plus, en rappelant ainsi les faits: 
L'Ignorance et l'Erreur à ses naissantes pièces, En habits de marquis, en 
robes de comtesses, Venaient pour diffamer son chef-d'oeuvre nouveau,
Et secouaient la tête à l'endroit le plus beau. Le commandeur voulait la 
scène plus exacte; Le vicomte, indigné, sortait au second acte; L'un, 
défendeur zélé des dévots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots, le 
condamnait au feu; L'autre, fougueux    
    
		
	
	
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