bonne maman m'avait 
instruite qu'il se bornait à être prêtre habitué dans la même paroisse où 
je l'avais vu débuter; en conséquence je dis à ma seconde mère: 
«Permettez-moi d'aller entendre sa seconde messe; je suis curieuse 
d'apprendre s'il est un peu revenu de cette révolution qu'il éprouva en
montant pour la première fois à l'autel.» Ma bonne maman me répondit: 
«Va, mon enfant, suis ton bon naturel; tu es née sensible: quoiqu'on en 
dise, c'est être né heureusement.» 
J'allai donc le lendemain de la première messe, en entendre une 
seconde. Saint-Almont me sembla remis de son émotion de la veille. Il 
s'acquitta avec dignité de son ministère. C'est aux Dominus vobiscum 
que je l'attendais pour lire sur sa physionomie. J'y remarquai une 
grande sensibilité, et un fond de chagrin que le temps aura, je pense, 
beaucoup de peine à dissiper. 
Ô ma chère Zoé! il faut que je compte beaucoup sur ton indulgence 
pour t'ajouter ce que tu vas lire. 
Croirais-tu que je désirai être homme, pour avoir le droit de servir la 
messe à Saint-Almont? J'enviai au jeune enfant de choeur qui l'assistait, 
le plaisir que je supposais à cet enfant, en versant quelques gouttes 
d'eau sur les doigts de Saint-Almont, en portant à ses lèvres l'extrémité 
de la chasuble de Saint-Almont. Qu'il est heureux, me disais-je! 
Zoé! tu penses peut-être que je rougis, en te transmettant ces détails. Eh 
bien! non. Ce que j'éprouve est sans doute une folie d'une espèce 
nouvelle; mais du moins, ce n'est pas une faute. Si mon esprit est 
délirant, mon coeur moins calme n'en est pas moins pur, moins digne 
de toi. 
Pour ne te rien cacher, sache que tous les jours, sans y manquer une 
seule fois, je vais entendre la messe de Saint-Almont, qui se dit à onze 
heures. 
 
VI. 
ZOÉ À AGATHE. 
Agathe! vous m'êtes et me serez toujours chère; mais vous n'êtes plus 
sage. Comment un clin d'oeil a-t-il pu vous changer à ce point? Agathe 
éprise d'un prêtre! Où prétends-tu aller? quel est ton but? Fille aimable
et sensible, où vas-tu placer tes premières affections? L'infortune a des 
droits sur nous. Il est beau, il est louable, il est tout naturel de verser 
une larme sur le malheur de ses semblables; mais un homme qui vient 
d'élever un mur d'éternelle séparation entre lui et les femmes, parce 
qu'il a été le jouet de l'une d'elles, peut-il devenir un objet d'attachement? 
Mais je me trompe, mon Agathe a voulu s'amuser un moment, et son 
esprit me tranquillise sur son coeur. C'est un roman que tu m'as fait: 
n'est-ce pas? Agathe va venir voir sa Zoé, restera avec elle plusieurs 
jours; elle continuera d'être les délices de la société. Si l'amitié me 
donne quelques droits sur Agathe, j'en profiterai pour te guérir de cette 
surprise faite à tes sens, et tu attendras paisiblement l'heure marquée 
par le destin, où tu dois rencontrer l'homme qui te convient, et avec 
lequel tu puisses t'unir, à mon exemple. Viens, mon Agathe, c'est assez 
te faire illusion: prends-y garde, l'imagination quelquefois est perfide. 
L'amitié vraie qui m'unit à toi ne l'est point. Prends de ses conseils. 
Viens, et laisse-toi un moment conduire par la main de ta Zoé. 
Tu penses bien que je n'ai point communiqué tes dernières lettres à mon 
mari. Viens nous voir, ou j'irai te chercher. 
 
VII. 
AGATHE À ZOÉ. 
Ta lettre est sévère, mais j'en reconnais toute la justice. Le sentiment 
qui l'a dictée serait bien capable de me guérir, si ma maladie n'était 
point incurable. Oui! la foudre n'est pas plus prompte que ce qui vient 
de se passer dans mon coeur, et il en est d'autant plus blessé qu'il s'y 
attendait moins. Tu as recours aux lois de la raison; mais que peut la 
raison contre le premier élan de la sympathie? Va! la sympathie n'est 
point une chimère; tu l'éprouves toi-même tous les jours dans ton 
heureux ménage. C'est elle qui t'unit à l'époux que tu aimes. Moins 
heureuse que toi, les circonstances me font rencontrer l'objet qu'il me 
faut dans un homme qui ne peut être à moi. Ne me blâme point; 
contente-toi de me plaindre, et permets-moi de te confier tout ce qui 
m'arrive. Est-on le maître de sa destinée? Mais si tu ne te rebutes point,
si tu ne me désavoues point pour ton amie, je sens que je ne puis être 
tout à fait malheureuse. 
Sans doute j'aime; en vain je voudrais me le dissimuler. Mais si j'en fais 
l'aveu à d'autres qu'à moi, ce ne sera jamais qu'à mon amie. Je me 
respecterai en elle; je la respecterai en moi: et le sentiment qui nous lie 
me préservera des fautes, s'il ne me préserve pas des chagrins 
inséparables d'une passion avouée par la nature, mais contrariée par les 
convenances sociales. 
Ne    
    
		
	
	
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