par me dire que le premier dessin qu'elle a fait, a été 
une copie d'un dessin de mon frère. Puis elle me confie,--j'en 
doute,--qu'elle est en train, dans ce moment, de déserter la peinture 
pour la cuisine, qu'elle fait des nouilles comme personne, qu'elle s'est 
même élevée à la confection des pâtés de foie gras, des pâtés de foie 
gras avec la croûte, et une croûte, s'il vous plaît, où elle peint des fleurs 
avec du jaune d'oeuf, et des feuilles avec je ne sais plus quoi: de la 
pâtisserie artistique. 
Après dîner je me rapproche de Séverine, et lui demande pourquoi elle 
ne fait pas un livre. Et la voilà avec son doux parlage gazouillant--elle a 
une voix harmonieuse, peut-être un peu factice--la voilà, avec ces 
renversements de figure en arrière, d'une petite fille qui vous parle de 
bas en haut, et qui montrent, dans son plaisant minois, la limpidité du 
bleu de ses yeux, l'émail de ses dents, la voilà, qui me dit que cela ne 
lui est pas possible; qu'à l'heure présente, elle publie six articles par 
semaine. Et elle ajoute qu'elle n'est pas attirée par le livre, mais bien par 
le théâtre, déclarant, du haut d'une vue assez profonde de l'époque, que 
dans ce moment, où tout se précipite, il est besoin du succès immédiat, 
qu'il n'y a pas pour les gens de l'heure présente, à attendre les revanches, 
que des oseurs, comme mon frère et moi, ont obtenues, que du reste, 
elle trouve, que le théâtre est un meilleur metteur en scène de la passion
que le livre. Comme je lui parle des obstacles, des empêchements qu'on 
rencontre au théâtre, elle m'affirme--et sa figure prend un caractère de 
résolution--qu'elle a une volonté, que rien ne décourage, que rien ne 
rebute, et qui arrive toujours au but qu'elle s'est fixé. 
* * * * * 
Jeudi 18 février.--Dîner chez Daudet avec les ménages Rodenbach, 
Jeanniot, Frédéric Masson, et Rollinat, et Scholl. 
Scholl a été vraiment, tout le dîner, avec une voix enrouée, me 
rappelant celle de Villemessant, verveux, drolatique, abondamment 
spirituel, et cela aujourd'hui, sans aucune férocité contre personne. Il a 
travaillé à séduire le monde d'ici, et il a tout à fait réussi. Et vraiment, 
quand on réfléchit à la dépense de substance cérébro-spirituelle, faite 
par cet homme de soixante ans, tout le long des heures des journées de 
tous les jours, on est étonné de la vitalité intelligente de ce puissant 
Bordelais. 
Il disait joliment, que je ne sais quel cercle de province lui avait fait 
écrire par son secrétaire, qu'un schisme s'était produit entre les 
membres, à propos de la manière, dont on devait prononcer son nom, et 
que de forts paris avaient été engagés... Interrogation à laquelle il 
répondait: «Comment prononce-t-on chez vous schisme?» 
* * * * * 
Jeudi 25 février.--Hier, j'ai passé la soirée avec Mme de..., cette 
célébrité de la beauté parisienne. 
Sous l'envolement de cheveux blonds d'une nuance adorable, des yeux 
étrangement séducteurs, des yeux qu'une cernure artificielle aide à faire 
apparaître, dans la nuit de l'arcade sourcilière, comme des diamants 
noirs, un petit nez du dessin le plus précieux, avec l'ensemble de traits 
et de contours délicats, délicats, et un cou frêle sortant d'une robe de 
velours rouge, enfin une figure réalisant le joli dans toute sa grâce 
menue. Elle évoque chez moi le souvenir du pastel de la Rosalba 
représentant cette svelte et mignonne femme de la Régence, un singe
sur le bras. 
Et dans le joli de ce visage, cependant quelque chose de fatal. La 
femme d'un de nos auteurs en vedette, un peu dépitée de l'admiration de 
son mari pour sa beauté, l'appelle «une héroïne de roman du Petit 
Journal». La dénomination est caricaturale, toutefois il faut reconnaître 
qu'il y a parfois de l'acier dans son regard, dans sa voix. 
* * * * * 
Dimanche 28 février.--Ce soir, chez Rodenbach, on causait valse, et je 
soutenais que les peuples qui sont des peuples valseurs, sont des 
peuples, où le patinage est une habitude. Les Françaises valsent, le 
corps tout droit, tandis que les Hollandaises et les autres femmes des 
pays du patinage, valsent avec ce penchement, cette courbe en dehors 
d'un corps courant sur la glace. 
Stevens parlait dans un coin du salon; de l'effrayant avalement de bière 
et d'alcool, de Courbet consommant trente bocks dans une soirée, et 
prenant des absinthes, où il remplaçait l'eau par du vin blanc. 
* * * * * 
Mardi 1er mars.--Une carte de Daudet me disant: que Porel sort de 
chez lui, et qu'on répète GERMINIE LACERTEUX dans deux jours. 
* * * * * 
Mercredi 2 mars.--Causerie sur un bal original, qui a eu lieu hier chez 
Mme Lemaire: un bal, où s'est faite l'inauguration de costumes en 
papier, costumes plus riches, plus brillants, plus claquants que    
    
		
	
	
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