les 
costumes de soie et de satin, et qui me rappelaient le costume en papier, 
que s'était peint, je ne sais quel peintre flamand du XVe siècle, et qui 
éclipsa tous les brocards de la fête. Ganderax, qui y figurait avec un 
bonnet d'âne et une blouse, ayant dans le dos le mot: Paresseux, me 
disait: «C'est singulier, la différence des races septentrionales et 
méridionales: moi, un septentrional, quand j'entre dans un bal, où il y a 
des masques, je suis pris d'une tristesse, d'une tristesse... tandis que ma
femme, qui est une Italienne, toute seule dans sa chambre, mais un 
costume sur le dos, se mettrait à danser. 
«... Maintenant, ajoutait-il, les peintres, qu'ils soient méridionaux ou 
septentrionaux, le travestissement les grise... Il y avait Detaille, très 
beau sous un costume de Philippe le Bel, qui, à l'entrée de Mme 
Munkacsy, s'est mis à danser, autour de la grosse femme, une 
étourdissante czarda, en donnant le branle le plus tempétueux à son 
manteau de papier.» 
* * * * * 
Samedi 5 mars.--Un journaliste, d'un petit journal, ne trouve pas les 
conversations, que donne mon JOURNAL, intéressantes. Saperlote, 
moi qui me crois aussi intelligent que ledit journaliste, je puis affirmer, 
que ce que j'ai entendu dire par Michelet, Gavarni, Montalembert, 
Théophile Gautier, Flaubert, est supérieur à ce qu'il entend, tous les 
jours. 
* * * * * 
Dimanche 6 mars.--Dîner chez Charpentier, avec un monde de 
musiciens, tous vieux, tous laids, tous ventrus, tous mâchonnant de la 
mauvaise humeur. 
Zola m'entretient de sa fatigue à finir LA DÉBACLE, de la copie 
énorme du bouquin qui aura six cents pages, disant que le manuscrit est 
en train d'avoir mille pages de trente-cinq lignes--les petites pages 
habituelles de sa copie, formées d'une feuille de papier écolier, coupée 
en quatre. 
Et comme quelqu'un lui demande, ce qu'il fera après les 
ROUGON-MACQUART, après LE DOCTEUR PASCAL, il hésite un 
moment, puis il confesse que le théâtre qui l'avait beaucoup séduit, un 
moment, ne le sollicite plus autant, depuis qu'il approche de l'heure, où 
il pourra en faire, disant que toutes les fois qu'il a pénétré dans une salle 
de spectacle, où on le jouait, il a eu le dégoût de la chose représentée. Il 
rappelle à ce sujet, qu'un soir, étant entré voir la représentation de
L'ASSOMMOIR, vers la dixième, Dailly grisé par son succès, 
chargeait son rôle d'une façon odieuse, ajoutait des mots au texte, si 
bien qu'il avait été au moment de faire dresser par huissier un 
procès-verbal de ses ajoutés, de ses enrichissements du rôle, et de les 
lui interdire au bas d'une assignation. 
Là, il s'interrompt pour nous apprendre, qu'il a été à Lourdes, et qu'il a 
été frappé, stupéfié, par le spectacle de ce monde de croyants hallucinés, 
et qu'il y aurait de belles choses à écrire sur ce renouveau de la foi, qui 
pour lui a amené le mysticisme en littérature et ailleurs, de l'heure 
présente. 
Et lâchant Lourdes, et toujours à sa littérature future, il avouait qu'il 
ferait volontiers, pendant un an, une chronique dans le Figaro, qu'il 
avait des idées à exprimer sur M. de Vogüé et les autres. 
* * * * * 
Samedi 12 mars.--Une représentation de GERMINIE LACERTEUX, 
où jamais Réjane n'a été plus grande actrice, plus acclamée, plus 
maîtresse d'un public complètement dompté. 
* * * * * 
Dimanche 13 mars.--Les bienfaits du régime actuel en France à l'heure 
présente: c'est d'être tantôt volé, tantôt assassiné, tantôt dynamité. 
* * * * * 
Mardi 15 mars.--Ce soir, dans la petite loge improvisée au fond de la 
scène, pour ses rapides changements de costumes, Réjane me contait 
qu'hier, à la représentation de GERMINIE LACERTEUX, Sarcey 
répondait à quelqu'un, lui faisant constater les applaudissements de la 
salle: «Oui, ils applaudissent, mais ils ne s'amusent pas!» 
* * * * * 
Jeudi 17 mars.--Conversation avec Alfred Stevens, qui est un vrai
magasin d'anecdotes, et ce qui est mieux, un extraordinaire garde-mots 
de toutes les phrases typiques des peintres de sa connaissance, dans le 
passé et dans le présent,--des phrases qui définissent mieux que vingt 
pages de critique, un moral, un caractère, un talent. 
Il dit Diaz un causeur éblouissant, et qui définissait ainsi la peinture de 
Delacroix: «Un bouquet de fleurs dans de l'eau croupie!» 
C'était encore lui qui répondait à Couture, lui conseillant 
blagueusement de s'en tenir à peindre sa forêt, et qu'il ne savait pas 
mettre une bouche sous un nez, et que voulant faire une vierge, il faisait 
un Turc--qui répondait: «oui, qu'il ne savait pas mettre une bouche sous 
un nez, mais qu'il lui arrivait quelquefois d'avoir la chance de mettre 
autour de ce nez et de cette bouche, qui n'étaient pas d'ensemble, de la 
vraie chair, et non pas du carton, comme Couture.» 
Puis Stevens me parle avec enthousiasme de Millet, me    
    
		
	
	
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