par cette espèce 
de vitre, au travers de laquelle elle les voit sous elle, toute dépitée, toute 
colère de ne pouvoir les attraper. 
* * * * * 
Dimanche 24 janvier.--Devant ce vieux dévalé au bas d'un lit d'amour,
le cri de cette fille à sa bonne:--_Maria, vite, vite, l'eau de mélisse et un 
sapin!_» Ah! la féroce légende de Forain!... Non Gavarni, dans les 
légendes, n'a pas cette implacabilité, et les dires de Vireloque sont 
tempérés par une philosophie, à la fois bonhomme et haute. Oui, 
l'oeuvre de Garvani fait sourire la pensée, et ne fait pas froid dans le 
dos, comme le comique macabre de Forain. Vraiment, il y a dans le 
moment, en ce monde, trop de méchanceté, trop de méchanceté chez 
l'artiste, chez le jeune, chez l'homme politique, pour que ce ne soit pas 
la fin d'une société! 
* * * * * 
Mardi 26 janvier.--Aujourd'hui, Koning fait annoncer dans le Figaro, 
qu'il reçoit À BAS LE PROGRÈS, et que Noblet jouera le rôle du 
voleur. 
* * * * * 
Vendredi 29 janvier.--On parlait hier d'une Parisienne, morte à près de 
cent ans, ces jours-ci, et qui se rappelait le temps, où il passait sur les 
boulevards, à peine une voiture, tous les quarts d'heure. 
* * * * * 
Samedi 30 janvier.--Pour être connu en littérature, pour être 
universellement connu, on ne sait pas combien il importe d'être homme 
de théâtre, car le théâtre, pensez-y bien, c'est toute la littérature de 
nombre de gens, et de gens supérieurs, mais si occupés qu'ils n'ouvrent 
jamais un volume, n'ayant pas trait à leur profession: l'unique littérature 
en un mot des savants, des avocats, des médecins. 
* * * * * 
Mardi 2 février.--Le docteur M*** me disait hier qu'il avait souvent vu 
Musset prendre son absinthe au café de la Régence, une absinthe qui 
était une purée. Après quoi, un garçon lui donnait le bras, et le 
conduisait, en le soutenant, au fiacre qui l'attendait à la porte.
* * * * * 
Mercredi 3 février.--Ce soir, chez la princesse, mauvaises nouvelles de 
Maupassant. Toujours la croyance d'être salé.--Abattement ou 
irritation.--Se croit en butte à des persécutions de médecins, qui 
l'attendent dans le corridor, pour lui seringuer de la morphine, dont les 
gouttelettes lui font des trous dans le cerveau.--Obstination chez lui de 
l'idée qu'on le vole, que son domestique lui a soustrait six mille francs: 
six mille francs qui, au bout de quelques jours, se changent en soixante 
mille francs. 
* * * * * 
Jeudi 4 février.--En arrivant chez Daudet, en train de s'habiller pour le 
théâtre, je ne puis m'empêcher de lui dire, que j'aime beaucoup mieux 
la mort naturelle de la Menteuse, dans sa nouvelle, que sa mort par 
l'empoisonnement de la pièce. Oui, j'aurais voulu cette femme couchée 
dans son lit, ainsi que dans la nouvelle, couchée le nez dans le mur, ne 
répondant pas aux interrogations furieuses, à elle adressées par son 
mari, qui, alors pris d'un accès de brutalité, la retournerait violemment 
de son côté, mouvement dans lequel elle expirerait. 
Daudet me dit qu'il n'a plus l'émotion du théâtre, qu'il n'en a que la 
nervosité agacée. La pièce lui a semblé bien marcher à la répétition, 
mais son frère est venu lui dire, ce matin, que son fils lui avait rapporté, 
que les corridors étaient tout à fait hostiles à la pièce. 
Me voici au théâtre, derrière les dos émotionnés de Mme Daudet et 
Mme Hennique. Une salle contenant le dessus du panier du tout-Paris, 
au milieu duquel figure le jeune ménage Daudet-Hugo, et où Jeanne, 
qui a ressenti, dans la journée, les premières douleurs de l'enfantement, 
est accompagnée de son accoucheur. 
Un premier acte écouté sympathiquement, un second acte, où Burguet a 
un très grand succès. Ah diable! voilà le troisième acte, presque 
emboîté de suite, et le dramatique de la scène tué par les rires. Un 
médecin ridicule, une agonie trop compliquée, la phrase finale: «Ça... 
c'est ma femme!» mal dite. Toutefois, pour moi la cause de l'insuccès
n'est pas due à cela, elle est en ceci: c'est que le dramatique de l'acte, au 
milieu de détails d'une vérité absolue, ne s'appuie pas sur la vérité d'un 
être. 
* * * * * 
Dimanche 7 février.--Dîner chez Charpentier avec deux femmes, que 
j'étais curieux de voir de près: Séverine et la femme de Forain. 
Séverine, un ovale court, ramassé, dans lequel il y a de tendres yeux, 
une grande bouche aux belles dents, et de la bonté. 
J'ai à table, près de moi, la femme de Forain, un tout autre type, un nez 
pointu, des yeux clairs sous une forêt de cheveux blonds, couleur de 
chanvre, ressemblant un rien à une perruque de clown, mais d'un clown 
finement malicieux. Très câline, avec une note blagueuse dans la voix, 
elle commence    
    
		
	
	
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