Correspondance, 1812-1876 - Tome 2 | Page 2

George Sand
il en joue. J'ai la fibre tr��s forte et je ne trouve jamais des instruments assez puissants. Il est, au reste, le seul artiste du monde qui sache donner l'ame et la vie �� un piano. J'ai entendu Thalberg �� Paris. Il m'a fait l'effet d'un bon petit enfant bien gentil et bien sage. Il y a des heures o�� Franz, en s'amusant, badine comme lui sur quelques notes pour d��cha?ner ensuite les ��l��ments furieux sur cette petite brise.
Attendez-moi, pour l'amour de Dieu! Je n'ose pourtant pas vous en prier; car l'Italie vaut mieux que moi. Et je suis un triste personnage �� mettre dans la balance pour faire contre-poids �� Rome et au soleil. J'esp��re un peu que l'excessive chaleur vous effrayera et que vous attendrez l'automne.
��tes-vous bien accabl��e de cette canicule? Peut-��tre ne menez-vous cas une vie qui vous y expose souvent. Moi, je n'ai pas l'esprit de m'en pr��server. Je pars �� pied �� trois heures du matin, avec le ferme propos de rentrer �� huit; mais je me perds dans les trames, je m'oublie au bord des ruisseaux, je cours apr��s les insectes et je rentre, �� midi dans un ��tat de torr��faction impossible �� d��crire.
L'autre jour, j'��tais si accabl��e, que j'entrai dans la rivi��re tout habill��e. Je n'avais pas pr��vu ce bain, de sorte que je n'avais pas de v��tements ad hoc. J'en sortis mouill��e de pied en cap. Un peu plus loin, comme mes v��tements ��taient d��j�� secs et que j'��tais encore baign��e de sueur, je me replongeai de nouveau dans l'Indre. Toute ma pr��caution fut d'accrocher ma robe �� un buisson et de me baigner en peignoir. Je remis ma robe par-dessus, et les rares passants ne s'aper?urent pas dela singularit�� de mes draperies. Moyennant trois ou quatre bains par promenade, je fais encore trois ou quatre lieues �� pied, par trente degr��s de chaleur, et quelles lieues! Il ne passe pas un hanneton que je ne courre apr��s. Quelquefois, toute mouill��e et v��tue, je me jette sur l'herbe d'un pr�� au sortir de la rivi��re et je fais la sieste. Admirable saison qui permet tout le bien-��tre de la vie primitive.
Vous n'avez pas d'id��e de tous les r��ves que je fais dans mes courses au' soleil. Je me figure ��tre aux beaux jours de la Gr��ce. Dans cet heureux pays que j'habite, on fait souvent deux lieues sans rencontrer une face humaine. Les troupeaux restent seuls dans les paturages bien clos de haies magnifiques. L'illusion peut donc durer longtemps. C'est-un de mes grands amusements, quand je me prom��ne un peu au loin dans des sentiers que je ne connais pas, de m'imaginer que je parcours un autre pays avec lequel je trouve de l'analogie. Je me souviens d'avoir err�� dans les Alpes et de m'��tre crue en Am��rique durant des heures enti��res. Maintenant, je me figure l'Arcadie en Berry. Il n'est pas une prairie, pas un bouquet d'arbres qui, sous un si beau soleil, ne me semble arcadien tout �� fait.
Je vous enseigne tous mes secrets de bonheur. Si quelque jour (ce que je ne vous souhaite pas et ce �� quoi je ne crois pas pour vous) vous ��tes _seule_, vous vous souviendrez de mes ?promenades? _ess��niennes_. Peut-��tre trouverez-vous qu'il vaut mieux s'amuser �� cela qu'�� se br?ler la cervelle, comme j'ai ��t�� souvent tent��e de le faire en entrant au _d��sert_. Avez-vous de la force physique? C'est un grand point.
Malgr�� cela, j'ai des acc��s de spleen, n'en doutez pas; mais je r��siste et je prie. Il y a mani��re de prier. Prier est une chose difficile, importante: C'est la fin de l'homme moral. Vous ne pouvez pas prier, vous. Je vous en d��fie, et, si vous pr��tendiez que vous le pouvez, je ne vous croirais pas. Mais j'en suis au premier degr��, au plus faible, au plus imparfait, au plus mis��rable ��chelon de l'escalier de Jacob; Aussi je prie rarement et fort mal. Mais, si peu et si mal que ce soit; je sens un avant-go?t d'extases infinies et de ravissements semblables �� ceux de mon enfance quand je croyais voir la Vierge, comme une tache blanche, dans un soleil qui passait au-dessus de moi. Maintenant, je n'ai que des visions d'��toiles; mais je commence �� faire des r��ves singuliers.
A propos, savez-vous le nom de toutes les ��toiles de notre h��misph��re? Vous devriez bien apprendre l'astronomie pour me faire comprendre une foule de choses que je ne peux pas transporter de notre sph��re �� la vo?te de l'immensit��. Je parie que vous la savez �� merveille, ou que, si vous voulez, vous la saurez dans huit jours.
Je suis d��sesp��r��e du manque total d'intelligence que je d��couvre en moi pour une foule de choses, et pr��cis��ment pour des choses que je meurs d'envie d'apprendre. Je suis venue �� bout de bien
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