Correspondance, 1812-1876 - Tome 2 | Page 3

George Sand
conna?tre la carte c��leste sans avoir recours �� la sph��re. Mais, quand je porte les yeux sur cette malheureuse boule peinte, et que je veux bien m'expliquer le grand m��canisme universel, je n'y comprends plus goutte. Je ne sais que des noms d'��toiles et de constellations. C'est toujours une tr��s bonne chose pour le sens po��tique.
On apprend �� comprendre la beaut�� des astres par la comparaison. Aucune ��toile ne ressemble �� une autre quand on y fait bien attention. Je ne m'��tais jamais dout��e de cela avant cet ��t��. Regardez, pour vous en convaincre, Antar��s au sud, de neuf �� dix heures du soir, et comparez-le avec Arcturus, que vous connaissez. Comparez Vega si blanche, si tranquille, toute la nuit, avec la Ch��vre, qui s'��lance dans le ciel vers minuit et qui est rouge, ��tincelante, _br?lante_ en quelque sorte. A propos d'Antar��s, qui est le coeur du Scorpion, regardez la courbe gracieuse de cette constellation; il y a de quoi se prosterner. Regardez aussi, si vous avez de bons yeux, la blancheur des Pl��iades et la d��licatesse de leur petit groupe au point du jour, et pr��cis��ment au beau milieu de l'aube naissante. Vous connaissez tout cela; mais peut-��tre n'y avez-vous pas fait depuis longtemps une attention particuli��re. Je voudrais mettre un plaisir de plus dans votre heureuse vie. Vous voyez que je ne suis point avare de mes d��couvertes. C'est que Dieu est le ma?tre de mes tr��sors.
��crivez-moi toujours �� la Chatre, poste restante. On me fera passer vos lettres �� Bourges. H��las! je quitte les nuits ��toil��es, et les pr��s de l'Arcadie. Plaignez-moi, et aimez-moi. Je vous embrasse de coeur tous deux et je salue respectueusement l'illustre docteur Ratissimo.
Vous m'avez fait de vous un portrait dont je n'avais pas besoin. En ce qu'il a de trop modeste, je sais mieux que vous �� quoi m'en tenir. En ce qu'il a de vrai, ne sais-je pas votre vie, sans que personne me l'ait racont��e? La fin n'explique-t-elle pas les ant��c��dents? Oui, vous ��tes une grande ame, un noble caract��re et un _bon coeur_; c'est plus que tout le reste, c'est rare au dernier point, bien que tout le monde y pr��tende.
Plus j'avance en age, plus je me prosterne devant la bont��, parce que je vois que c'est le bienfait dont Dieu nous est le plus avare. L�� o�� il n'y a pas d'intelligence, ce qu'on appelle bont�� est tout bonnement ineptie. L�� o�� il n'y a pas de force, cette pr��tendue bont�� est apathie. L�� o�� il y a force et lumi��re, la bont�� est presque introuvable; parce que l'exp��rience et l'observation ont fait na?tre la m��fiance et la haine. Les ames vou��es aux plus nobles principes sont souvent les plus rudes et les plus acres, parce qu'elles sont devenues malades �� force de d��ceptions. On les estime, on les admire encore, mais on ne peut plus les aimer. Avoir ��t�� malheureux, sans cesser d'��tre intelligent et bon, fait supposer une organisation bien puissante, et ce sont celles-l�� que je cherche et que j'embrasse.
J'ai des grands hommes plein le dos (passez-moi l'expression). Je voudrais les voir tous dans Plutarque. L��, ils ne me font pas souffrir du c?t�� humain. Qu'on les taille en marbre, qu'on les coule en bronze, et qu'on n'en parle plus. Tant qu'ils vivent, ils sont m��chants, pers��cutants, fantasques, despotiques, amers, soup?onneux. Ils confondent dans le m��me m��pris orgueilleux les boucs et les brebis. Ils sont pires �� leurs amis qu'�� leurs ennemis. Dieu nous en garde! Restez bonne, _b��te_ m��me si vous voulez. Franz pourra vous dire que je ne trouve jamais les gens que j'aime assez niais �� mon gr��. Que de fois je lui ai reproch�� d'avoir trop d'esprit! Heureusement que ce trop n'est pas grand'chose, et que je puis l'aimer beaucoup.
Adieu, ch��re; ��crivez-moi. Puissiez-vous ne pas partir! Il fait trop chaud. Soyez s?re que vous souffrirez. On ne peut pas voyager la nuit en Italie. Si vous passez le Simplon (qui est bien la plus belle chose de l'univers), il faudra aller �� pied pour bien voir, pour grimper. Vous mourrez �� la peine! Je voudrais trouver je ne sais quel ��pouvantail pour nous retarder.

CXLVII
A. M. SCIPION DU ROURE, AUX BAINS DE LUCQUES
Bourges, 18 juillet 1836.
Madame Sand a dit �� M. George tout ce que vous avez de bienveillance et de sympathie pour lui. Madame Sand est une b��te que je ne vous engage pas �� conna?tre et qui vous ennuierait mortellement; mais George est un excellent gar?on, plein de coeur et de reconnaissance pour ceux qui veulent bien l'aimer.
Il sera heureux de serrer la main d'un ami inconnu, et, comme il a assez bonne opinion de lui-m��me, il est tr��s dispos�� �� trouver parfaits ceux qui l'acceptent tel qu'il est. Il n'a pas eu dans sa vie d'autre bonheur que l'amiti��.
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