Correspondance, 1812-1876 - Tome 1 | Page 7

George Sand
se porte bien. C'est de vous, chère madame, qu'il convient de
s'occuper; veuillez nous tenir au courant de votre précieuse santé.
J'ai eu mon frère pendant quelques jours. Il est reparti pour Paris, où des réparations à sa
maison le forcent à la surveillance. J'ai obtenu qu'il nous laissât sa femme et sa fille, à qui
la campagne conviendra mieux.
Adieu, chère madame; écrivez-nous souvent, peu à la fois, si cela vous fatigue, mais ne
nous laissez pas ignorer comment vous êtes. Casimir et moi vous embrassons tendrement.
AURORE D.
Veuillez me rappeler au bon Larnaude [2]; j'ose presque me regarder comme un de ses
confrères. Je me suis lancée dans la médecine, ou, pour parler plus humblement, dans
l'apothicairerie. M. Delaveau [3], qu'il connaît bien, est mon professeur. C'est lui qui
ordonne et consulte, c'est moi qui prépare les drogues, qui pose les sangsues, etc. Nous
avons déjà opéré des cures fort heureuses. Smith [4], avec son jalap, me serait ici d'un
grand secours.

Maurice n'a point oublié Guillery. Il y revient sans cesse, il sait les noms de tout le monde
et parle surtout du gros Totor. Il a trouvé ici de quoi se consoler de l'absence de sa poule
_favorite_, qu'il se rappelle aussi _à ce qu'il prétend_.
[1] La mort du baron Dudevant, beau-père de George Sand. [2] Pharmacien à Barbaste
(Lot-et-Garonne). [3] Charles Delaveau, médecin à la Châtre, puis député, de 1846 à
1876. [4] Domestiques de la baronne Dudevant.

IX
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 13 juillet 1826.
Ma chère maman,
J'ai reçu votre aimable lettre il y a quelque temps, et j'ai vu depuis M. Duvernet, qui m'a
dit vous avoir trouvée bien portante, et avoir passé la journée avec vous et l'ami Pierret[1].
Il m'a beaucoup parlé de vous. Vous savez que c'est une de vos conquêtes les plus
dévouées. Il m'a dit que vous viendriez sans la crainte de nous voir partir au premier
moment et d'avoir fait un voyage inutile. Ce serait une crainte bien mal fondée; car, outre
que le plaisir d'être près de vous nous ôterait l'envie de courir, nous n'avons pas le
moindre projet de voyage d'ici à bien longtemps.
Quand je dis _nous_, je parle de moi et de mon enfant; car mon mari n'a pas fait voeu de
réclusion. Il est à Bordeaux dans ce moment pour une affaire indispensable: le payement
d'une maison qu'il a vendue l'hiver dernier et dont l'échéance était le 10 de ce mois. Je
pense qu'il reviendra par Nérac et qu'il passera quelques jours auprès de madame
Dudevant. Je ne sais au juste quand il sera de retour. Il voulait assister à sa moisson. I1
faudra qu'il se dépêche; car les blés sont mûrs, et je vais les faire mettre à terre.
Quand il se sera reposé un peu de son voyage, il sera forcé de faire celui de Paris pour le
placement de ses fonds. Alors il plaidera notre cause de vive voix auprès de vous, et
peut-être vous décidera-t-il à revenir avec lui!
Vous avez dû voir Hippolyte[2] souvent. Il vous aura dit qu'il m'a laissé sa petite, dont je
prends soin et qui se porte très bien. Nous avons eu des jours très brillants: d'abord la fête
de Maurice, à l'occasion de laquelle j'ai régalé une centaine de paysans. Les danses, les
coups de fusil, le carillon des cloches, le son de la cornemuse et les chansons des buveurs,
auxquels se mêlaient les hurlements des chiens contrariés, out célébré avec bruit
l'anniversaire de notre jeune homme, qui était charmé de ce tapage et de ces honneurs.
Nous avons eu ensuite mademoiselle George à la Châtre. Elle y a donné deux
représentations qui ont fait courir tout le pays a mis la ville et les environs sens dessus
dessous. Je vous conterais bien d'autres fêtes antérieures; mais Hippolyte vous aura conté
notre chasse au sanglier; il vous aura dit que Nohant devenait chaque jour plus brillant.
Nous serions bien heureux si cela pouvait vous donner l'envie d'y venir.
Adieu, ma chère maman; je vous embrasse tendrement et vous prie de me donner de vos
nouvelles. Pardonnez-moi le long temps que j'ai mis à vous donner des nôtres. Je suis si
occupée en l'absence de mon mari, que je suis forcée de remplacer, que je n'ai pas le
courage d'écrire le soir, et que je vais me coucher bien lasse.
Vous saurez que je m'occupe beaucoup de médecine, non pas pour moi, car j'aime peu à y
songer, mais pour mes paysans. J'ai fait de très heureuses cures; mais l'état a aussi ses
désagréments.
[1] Pierret, ami de la famille. [2] Hippolyte Chatiron, frère de George Sand.

X
A LA MÊME
Nohant, 9 octobre 1826.
Ma chère petite maman,
Pardonnez-moi d'avoir été si longue à vous remercier des
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