lui faire même serment,
Dans ce
même Castel de cire
Où, sans penser au lendemain,
Rose avait bien
promis sa main,
A n'en douter, à ce beau Sire.
Et Rose dit en même temps:
--«Allez vite, Abeilles fidèles.
Vite
autant que vous aurez d'ailes.
Dire à Myrtil que je l'attends!
Allez
du couchant à l'aurore,
Et ne revenez pas sans lui;
Allez, et dites à
celui
Que j'aime, au pays que j'ignore,
Lorsque vous l'aurez
rencontré,
Qu'approuvée ou que combattue,
Toute de blanc ainsi
vêtue,
En ce Castel je l'attendrai
Chaque jour, à cette même heure,
A chaque aube que Dieu fera,
Et que, s'il faut, l'on m'y verra
Venir jusqu'au jour que je meure!»
III
COMMENT LES ABEILLES ENTREPRIRENT UN LONG
VOYAGE
ET COMMENT ROSE-ROSE ATTENDIT LEUR
RETOUR
On ne pouvait pas, en effet,
Contredire en cette occurrence,
Car il
n'était pas même en France
De Prince en tout point si parfait:
Et les
Abeilles, à l'entendre,
D'une part avaient approuvé
Tout ce que
Rose avait rêvé
De beau, de sincère et de tendre,
Mais, d'autre part,
le pire était
Que par mainte et mainte contrée
Elles la savaient
séparée
De Myrtil, et qu'il habitait
Au delà des terres connues,
En
des pays si fort distants,
Qu'il leur faudrait bien bien longtemps
Avant que d'être revenues.
Car le monde est grand, ce dit-on.
Pourtant, nos bonnes confidentes,
Quoique très sages et prudentes,
N'objectèrent rien sur ce ton,
Sachant que l'amour ne raisonne
Et
n'en veut qu'à son bon plaisir,
N'ayant le goût ni le loisir
De croire
ou d'entendre personne.
--En rien donc ne contrariant
Son dessein,
l'ambassade ailée
Après s'être au ciel assemblée,
Tourna son vol
vers l'Orient:
Elle allait si fort admirée,
Comme un globe d'or dans
les cieux.
Et paraissait à tous les yeux
Si prompte, si belle et dorée,
Que telle ambassade, je crois,
N'alla du Louvre ou de Versailles
Négocier les fiançailles
D'aucune fille de nos rois!
Rose ainsi fit qu'aux messagères
Elle avait dit qu'elle ferait;
Chaque
jour, elle se parait
D'étoffes blanches et légères;
Les myrtes aux
roses mêlés
Ceignaient son front, et sûre d'elle
Et de son bel amour
fidèle,
Malgré bien des jours écoulés
Dans l'attente et la solitude,
En son Castel, chaque matin,
Elle attendait l'époux lointain
Sans
trouble et sans incertitude.
Et tel était son sentiment
Et sa foi, que la
longue attente
Ne la rendait que plus constante,
Et que l'on admirait
comment
Sa magnifique indifférence
Mettant la Cour en désarroi
Déconcertait maint fils de Roi
Venu dans une autre espérance,
Son
Père était tout déconfit
Et le pauvre homme en cette affaire
Ne
savait vraiment plus que faire:
Et que vouliez-vous bien qu'il fit?
Larmes, prières, étaient vaines;
Et ce fut tout de même en vain
Qu'il
s'enquit d'un fameux devin
Et qu'il ordonna des neuvaines.
Rose
n'entendait pas raison.
Et revenait, sans être lasse,
Chaque jour à la
même place
Consulter le pâle horizon
Dès l'aube.--Et la belle
songeuse
Ne songeait à rien qu'à l'amant,
Que lui ramenait
sûrement
Son ambassade voyageuse.
IV
COMMENT MYRTIL FIT A TRAVERS LE MONDE UN
VOYAGE
MERVEILLEUX QUI DURA CENT ET
CINQUANTE ANNEES.
Myrtil s'était mis en chemin,
Guidé par les bonnes Abeilles.
Lorsqu'il les eut de ses oreilles
Ouï, comme en langage humain,
Qui
contaient l'histoire suivie
De son beau songe trait pour trait,
Et
comment Rose l'attendrait
S'il le fallait, toute la vie,
Aussitôt le
Prince amoureux,
Malgré tout le noble entourage,
Qui ne craignait
que son courage
En ce départ aventureux,
Prit une belle et bonne
armée
Et se mit en marche à travers
Tant et tant de peuples divers,
Pour retrouver sa bien aimée,
Qu'il n'est Monarque ou Conquérant
Qui, pour de moins belles victoires
Et des travaux moins méritoires,
N'en ait reçu le nom de Grand.
L'Amant, dont la fortune heureuse
N'avait que des coups surprenants,
Par les mers et les continents
Promenait sa gloire amoureuse.
--Mais, si je tire du récit,
Dont j'ai suivi le commentaire,
Qu'il
venait du bout de la terre,
Notre monde se rétrécit
Et n'a plus la
même apparence;
Car, outre les pays connus
Dont bien des gens
sont revenus,
Tels que Chine, Inde, Egypte et France,
Il avait encor
parcouru
Bien des mers depuis ignorées
Et de fabuleuses contrées
Qui de ce monde ont disparu:
La mer où chantaient les Sirènes
Et
les vallons mélodieux
Peuplés de Héros et de Dieux
Encor chers
aux Muses sereines.
Le jardin d'Eden, où tomba
Adam et la race
insoumise
Des hommes, la Terre Promise
Et le Royaume de Saba,
La côte d'Ophir et, près d'elle,
L'or en montagne accumulé,
Le
Venusberg, l'île Thulé,
Où mourut le Vieux Roi fidèle,
Et les terres
des Paladins,
Et la Forêt où j'imagine
Que vivaient Morgane et
Brangine,
L'Ile d'Armide et ses jardins
Avant Renaud et la Croisade,
Et tout l'Orient enchanté,
En mille et une nuits conté
Par la bonne
Schéhérazade:
Et Myrtil allait à travers
Le monde, entrainant à sa
suite,
En son amoureuse poursuite,
Tous les peuples de l'Univers!
Car les Abeilles étaient Fées,
Et, dès que son glaive avait lui,
Les
rois vaincus dressaient pour lui
Des colonnes et des trophées.
Si le voyage fut si grand
Que je n'ai pu faire le compte
Des
merveilles qu'on en raconte,
Je puis, du moins, en comparant
Les
dates qui m'en sont données.
Conclure que, pour parcourir
L'Univers et le conquérir,
Il mit cent et cinquante années.[1]
[Note 1: Ce calcul est insuffisant,
Car alors la belle durée
Des longs
ans était mesurée
Autrement qu'elle est à présent.
(Note de l'auteur)]
V
COMMENT MYRTIL VIT LE PETIT CASTEL DE CIRE ET
LES ADMIRABLES CHANGEMENTS QUI S'ÉTAIENT
FAITS
DANS LA NATURE DU JARDIN
Il est clair qu'un si grand concours
De peuples en tel équipage
Ne se
meut point sans grand tapage.
Donc, par les

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