je sens mon coeur léger;
Légère est l'heure aussi qui me convie
Et là, tout beau! je vous
donne ma vie.
Prenez-la donc, mais sans m'interroger.»
Elle lui fit un généreux sourire
Ne regrettant ce qu'elle avait bien fait,
N'y songeant même.--Et son bonheur parfait
En mots humains ne
se pourrait décrire.
--Amour et Mort sont toujours à l'affût:
Ne
croyez pas que celle que je pleure
Fut épargnée.
Elle sécha sur l'heure
Comme une fleur de sauge qu'elle fut.
MORALITÉ
Je compte peu qu'une femme ainsi m'aime
Jusqu'à mourir: ceci
montre, pourtant,
Que pour aimer, ne fût-ce qu'en instant,
L'on
brave tout, Madame, et la Mort même.
LES TROIS PETITES PRINCESSES
COMMENT TROIS BONNES FEES FIRENT TROIS BEAUX
DONS A TROIS PETITES PRINCESSES
Trois filles d'un Roi sarrazin,
Le même jour, furent priées
Et le
même jour mariées
Aux trois fils d'un Prince voisin.
Elles eurent
mêmes grossesses:
Au bout de neuf mois mêmement,
Il leur naquit,
pareillement,
Trois petites princesses.
Le Roi maure, dit le Conteur,
Fit proclamer leur délivrance
En Inde, en Perse et jusqu'en France,
Et dépêcha son enchanteur
Auprès de trois gentilles Fées
Qui,
dans trois chars tendus d'orfrois,
Se présentèrent toutes trois,
D'aurore et de lune attiffées.
Après qu'il fut fait maint salut
Et que
luth et lyre eurent cesse,
Chaque Fée à chaque Princesse
Fit le plus
beau don qu'il lui plut.
A sa Princesse, la Première
Donna pour don qu'elle serait
Faite
comme elle, trait pour trait,
Et plus Belle que la lumière.
--«Bien que soit richesse en honneur
Chez les mortels, dit la Seconde,
Mon don n'est perle de Golconde
Mais belle perle de Bonheur.»
Vint la Troisième.--«Il est encore,
Dit-elle, un don plus précieux!»
En couvrant l'enfant jusqu'aux yeux
D'un suaire tissé d'aurore.
En
faisant ce don, elle était
Si bonne, si douce et si tendre,
Qu'on ne se
lassa pas d'attendre
Le grand bien qu'elle promettait.
Grand bien
n'est pas ce qu'on présente
Souvent pour tel; car là, tout beau!
On
mit la petite au tombeau,
Qui mourut à l'aube naissante.
MORALITÉ
Mieux que Bonheur et Beaux Appas
Vaut la Mort, pour ce qu'est la
Vie:
Ne la plaignez: Qui ne l'envie
Ne vécut et ne m'entend pas.
LE PETIT CASTEL DE CIRE
I
COMMENT ROSE-ROSE AVAIT LE DON D'ENTENDRE LE
LANGAGE DES ABEILLES, CE QU'EXPOSE L'AUTEUR
EN
MANIÈRE D'INTRODUCTION
Parmi tous les dons de vertu.
De beauté, de grâce et décence
Que
Rose-Rose, à sa naissance,
Eut d'une Fée, elle avait eu
Le don
d'entendre sans étude
Les Abeilles en leurs fredons,
Aussi bien que
nous entendons
Le bon français par habitude.
Et grâce à ce rare
savoir,
Elle avait sur le Roi, son père,
Pour gouverner l'État
prospère,
Tout crédit, conseil et pouvoir:
L'hiver n'empêchait pas
les roses
D'éclore en ces temps merveilleux,
Et les Abeilles en tous
lieux
En savaient long sur toutes choses.
Ceci n'est qu'un conte amoureux
Que je dédie aux coeurs fidèles.
Aimez seulement mes modèles
Aussi bien que je fais pour eux.
II
COMMENT ROSE-ROSE ET MYRTIL EURENT UN SONGE
SEMBLABLE, ET DES PROPOS QUE ROSE-ROSE EUT
AVEC LES ABEILLES
Rose-Rose, à peine éveillée,
Dès la première aube appela
Ses
femmes, et ce matin-là,
De blanc voulut être habillée:
Elle fut donc
vêtue ainsi
Que sont les blanches fiancées.
Mais nul ne savait ses
pensées.
L'amour n'avait pu jusqu'ici
Troubler une dame aussi sage.
On assurait qu'il n'était point
De prétendant qui, sur ce point,
Eût
vu rougir son beau visage.
Quand on eut peigné ses cheveux,
Plus
blonds qu'une moisson dorée,
Et qu'elle fut ainsi parée
Et belle
assez selon ses voeux,
Elle fit, contre l'habitude,
Éloigner ses
Dames d'honneur,
Comme si son secret bonheur
S'augmentait de sa
solitude.
Elle s'en fut seule au jardin
Pour causer avec les Abeilles.
--Des
parterres et des corbeilles,
Des bosquets, des gazons, soudain
Toutes s'empressèrent vers elle,
Et par mille souhaits charmants,
Grâces, bonjours et compliments,
Lui témoignèrent de leur zèle.
Après tous ces gentils discours,
Prenant sa voix la plus menue,
Rose leur dit:--«Je suis venue
Vous demander aide et secours;
Et
tout d'abord je vous rends grâce
De ce que vous ne m'avez fait
Encor défaut d'aucun bienfait:
Voici le cas qui m'embarrasse.
«J'aime un Prince que je n'ai vu
Qu'en songe encor, cette nuit même;
Rien ne m'est plus, sinon qu'il m'aime
Et qu'il m'a prise au
dépourvu.
Amour donc jamais ne nous laisse
Sans aimer, car je ne
suis plus,
Malgré mes dédains résolus,
Que joie, espoir, trouble et
faiblesse!
--«Le lieu de mon songe était tel,
Que je vis en cette aventure
Ce
même jardin en peinture,
Ces fleurs et ce petit Castel
Que vous
m'avez sur la colline
Tout bâti de cire, au dessus
Du petit lac aux
bords moussus
Et de ce jardin qui décline.
Ce fut là qu'il me vint
chercher
Et me put expliquer sa flamme
En mots si vrais, que
jusqu'à l'âme
Son bel amour me sut toucher:
Et comme en un miroir
immense
Je me voyais lui souriant
Et lui de même me priant
Tout
obtenir de ma clémence.
--«Je suis fils de Roi, disait-il,
Et je veux
vous aimer sans cesse.
Vous pouvez, sans honte, Princesse,
M'aimer aussi! J'ai nom Myrtil.
--«Mon nom, lui dis-je, est
Rose-Rose,
--«Et, dans l'instant, nos jeunes fronts
Furent, ainsi que
nous serons,
Couronnés de myrte et de rose.
En me voyant si belle
ainsi,
Et lui plus beau que la lumière,
Je donnai mon amour
première
Au beau Prince que j'ai choisi.»
Songe alors n'était pas mensonge,
Car Myrtil eut, de son côté,
Comme on l'a depuis rapporté,
Cette même nuit même songe:
Il vit,
dans le même moment,
Au même lieu, sa même image
A
Rose-Rose rendre hommage.
Et

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