conter telles
Les
belles Muses immortelles
De Ronsard, le grand Vendomois.
Sachez
seulement que la Reine
Et le Roi n'oublièrent pas
De faire prier au
repas
La malicieuse Marraine.
MORALITÉ
Ce chemin de fleurs peut montrer,
Si ma fable vous embarrasse,
Qu'Amour laisse après soi sa trace;
Et d'où je veux encor tirer
Qu'Amour est chose si fleurie.
Qu'il ne se peut longtemps cacher,
Ni ses belles fleurs empêcher
D'être telles qu'on s'en récrie.
SAUGE-FLEURIE
I
COMMENT SAUCE-FLEURIE AIMA LE FILS
DU ROI
Alors vivait sans crédit ni richesse
Une Fée humble et seule; car il est
Des rangs parmi ces Dames, s'il vous plaît,
Comme, chez nous, de
vilaine à duchesse.
Bien qu'elle n'eût ni renom ni pouvoir
Et qu'elle
fut pauvre en sa confrérie,
Pauvre jusqu'au besoin, Sauge-Fleurie
--Tel est son nom--était charmante à voir.
Au bord d'un lac tout fleuri
de jonquilles,
Elle habitait le tronc d'un saule creux
Et ne quittait
son réduit ténébreux
Plus que ne font les perles leurs coquilles.
Mais un beau jour que, chassant par le bois
Avec sa meute un superbe
équipage,
Le fils du Roi menait à grand tapage
Du bois au lac un
dix cors aux abois,
Pour voir les chiens et la belle poursuite
Et les
pourpoints brillants des cavaliers,
Elle quitta son arbre, et des halliers
Voyait passer le Prince avec sa suite.
Le Fils du Roi, qui saluait
déjà
(Car c'est de Fée à Prince assez l'usage)
En voyant mieux un si
charmant visage,
S'arrêta court et la dévisagea.
Sauge, sans plus se
cacher dans les branches,
En le voyant si beau, de son côté
Le
regardait devant elle arrêté,
Droit dans les yeux de ses prunelles
franches.
Naïf amour par pudeur s'enhardit:
Le Fils du Roi baissa les yeux par
contre;
Chacun s'en fut méditant la rencontre:
--Tous deux
s'aimaient et ne s'étaient rien dit.
II
COMMENT UNE MAITRESSE-FÉE CONDAMNA
SAUGE-FLEURIE
Or tout se sait: une Maîtresse-Fée
Fit donc venir Sauge à son tribunal.
Vêtue ainsi que l'oiseau cardinal,
La Vieille était d'aspics
ébouriffée:
Elle était vieille, et par cela j'entends
Que de jeunesse
elle était ennemie.
--On le va voir:--«Je veux, Sauge, ma mie,
«Te
corriger, s'il en est encor temps,»
Lui dit la Vieille aigrement. «Sans
mon zèle,
Vous nous l'alliez donner belle à ravir
Et par ma foi vous
nous alliez servir
Un joli plat d'amour, Mademoiselle.
Passe un
beau Sire et, sans plus de façons,
Voilà mes gens amoureux face à
face!
Pardieu! plutôt que la chose se fasse
Je ferai pendre ici dix
beaux garçons.»
Et ce disant en parut si méchante
Qu'elle eût fait
peur même au Roi Très Chrétien
Par sa beauté, sa grâce et son
maintien,
Sauge-Fleurie était pourtant touchante.
Mais rien ne fait
contre haine et pouvoir.
--«Il faudra bien que ton beau bec réponde,
Car, sans chanter, il n'est poule qui ponde,
Sauge ma mie--et je te vais
pourvoir!»
Je vous dirai, sans tarder davantage,
Si votre coeur s'intéresse à son
sort,
Qu'aimer un homme était un cas de mort
Pour Sauge, esprit
n'ayant chair en partage:
Ce que prouva la Vieille en un latin
Qui
dépassait l'intellect en puissance,
Et distingua des cas de quintessence
A dérouter Sauge et l'abbé Cotin.
Sauge, pourtant, demeurait bouche close
Et de cela ne voulait
seulement
Qu'aimer le Prince et mourir en l'aimant
Comme disait la
Vieille avec sa glose.
Sans moi déjà vous avez pu songer
Qu'en
cette affaire ayant la loi formelle
Et des aveux, notre juge femelle
Condamna Sauge, et sans rien ménager.
Et pensez bien que la Fée
amoureuse
Ne marchanda son immortalité,
Et que du coup, comme
on me l'a conté,
Elle s'en fut-plus que vivante heureuse![1]
[Note 1: Voir la note à la fin du volume.]
III
COMMENT SAUGE-FLEURIE ALLA TROUVER LE PRINCE
EN SON CHATEAU
Or nul pouvoir ne pouvait s'opposer,
Malgré l'arrêt de notre Vieille en
rage,
Au libre emploi de son gentil courage
Non plus qu'au choix de
son premier baiser.
--Sauge, à pied donc comme en pèlerinage,
Alla
trouver le Prince en son château,
Et tout le long de la route un
manteau
Rude et grossier cacha son personnage.
Elle arriva par la
pluie et le vent,
Sur elle ayant laissé crever la nue;
Et, si d'abord fut
des gens méconnue,
Ne surprit point le Prince en arrivant.
--«Mon coeur, dit-il, vous attendait, Princesse;
Du bois au lac, je vous
cherchais, ma Fleur,
Et fatiguais du cri de ma douleur
L'onde et le
ciel, n'ayant repos ni cesse.»
--Et ce disant, il se prit à baiser
A deux genoux sa main mignonne et
fine,
Et puis voulut sur l'heure à la Dauphine
Présenter Sauge avant
de l'épouser:
Il lui fit faire un peu de belle flamme
Pour la sécher
d'abord. Tant de beauté,
De naturel et de simplicité
En cet état le
touchait jusqu'à l'âme.
Il fit venir perles, saphirs, rubis,
Bijoux
montés et beaux luths de Vérone.
Il fit de même apporter la couronne
Et préparer des merveilleux habits.
IV
COMMENT SAUGE-FLEURIE FIT AU PRINCE UN NOBLE
ET TOUCHANT DISCOURS
Sauge admira ces objets sans envie
Et dit:
«Seigneur, les beaux jours sont comptés.
Aimez-moi bien, et jamais
ne doutez
Du bel amour dont j'ai l'âme ravie.
Est-il pour moi besoin
de tant d'apprêt?
N'aimez-vous point la belle solitude,
Et des amants
n'est-ce plus l'habitude
De mieux s'aimer quand l'amour est secret?
Restons ici sans plus, si bon vous semble;
Nos yeux pourront se
parler à loisir,
Et nous n'aurons de si charmant plaisir
Que seul à
seul à demeurer ensemble.
Auprès de vous,

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