EU DE SA
MARRAINE
LE DON DE FAIRE NAITRE DES FLEURS
SOUS SES
PAS AUSSITOT QU'ELLE AIMERAIT
Sachez, sans aller plus avant,
Que Mignonne eut à sa naissance,
D'une Fée, unique en puissance,
En magie et charme savant,
Le joli
don de faire naître,
Sous ses pas, des fleurs à foison,
En tout temps
et toute saison,
Quand Amour se ferait connaître.
Notre Marraine
avait été
Malicieuse autant que bonne,
En cela contraire à Sorbonne,
Qui n'a malice ni bonté.
Il advint, comme bien on pense,
Qu'à son fait, petit à petit,
Leur
même désir aboutit,
Et qu'Amour eut sa récompense:
Le page reçut,
un beau jour,
Un message de sa maîtresse,
Qui lui mandait, par
lettre expresse,
De l'attendre au pied de sa tour,
Qu'elle descendrait
à sa vue,
Et que le soir même elle irait,
Avec le Page, où Dieu
voudrait.
Et de son seul amour pourvue.
Dans un pli de satin léger
L'Infante enferma son message,
Et quelque linot de passage
Fut
au Page bon messager.
La rencontre eut lieu, j'imagine.
Et, cette nuit-là, par les champs
Il
fut dit bien des mots touchants,
Et bien baisé deux mains d'hermine.
--Laissons-les, où qu'ils soient allés:
Dès l'aube, une route fleurie
Vers nos amants, en ma féerie,
Nous conduira, si vous voulez;
Car
le don que de sa Marraine
Eut Belle-Mignonne en naissant
Fit que
ses pieds allaient traçant
Un beau chemin de fleurs, sans graine.
Chacun de ses pas amoureux
Avait fait naître oeillets, pervenches,
Roses roses, rouges et blanches.
Pavots divers et lys nombreux,
Et
naître mauves, pâquerettes,
Herbe aux perles, reines des prés,
Hyacinthes, glaïeuls pourprés,
Folle avoine aux folles aigrettes,
Et
naître encore serpolets,
Muguets, sauges et véroniques,
Pivoines
aux rouges tuniques,
Soleils d'or, iris violets,
Et roselettes
centaurées,
Basilics aux parfums troublants,
Menthes, liserons bleus
ou blancs
Et belles-de-nuit azurées,
--Et, s'il fallait dire en tout
point
Les fleurs qu'elle avait fait éclore,
Pas plus que les jardins de
Flore,
Mon jardin n'y suffirait point.
III
COMMENT LE ROI ET LA COUR SUIVIRENT LES AMANTS
A LA TRACE ET DÉCOUVRIRENT UN CHATEAU
DE
FLEURS AU LIEU DE FORET
Quand les servantes éveillées
Virent jusqu'aux horizons bleus
Ce
beau chemin miraculeux,
Du haut des tours ensoleillées,
En hâte,
aux Dames du palais
Elles furent conter la chose,
Et les Princes,
pour même cause,
Furent cherchés par leurs valets.
Ce fut un grand
remue-ménage
Dans le château, jusqu'à ce point
Qu'ayant mis son
plus beau pourpoint,
Le Roi fut du pèlerinage.
La Cour entière par
les prés
Marchait en bel ordre à sa suite,
Suivant nos amants et leur
fuite
En tous ses détours diaprés.
La surprise était infinie
De ce que ce nouveau printemps
Foisonnât
de fleurs dans le temps
Qu'il n'est aux champs qu'herbe jaunie.
Or cet admirable chemin
Menait à la forêt prochaine:
Il n'était
charme, orme, if ou chêne
Qui ne fût tendu de jasmin,
De
chèvre-feuille, de glycine,
De vigne vierge et d'autres fleurs,
Mêlant
et tramant leurs couleurs,
D'une branche à l'autre voisine.
Tant et si
bien, qu'en ces beaux lieux
Ce n'est plus, comme en l'entourage,
Forêt d'automne sans ombrage,
Mais plutôt palais merveilleux,
Aux
murs faits de branches taillées,
Et bâtis de fleurs en arceaux
Où
chantaient de rares Oiseaux,
Sur des corniches de feuillées.
De leurs cent voix, l'écho chanteur
Salua le Roi dès l'entrée,
Dont
l'âme encor fut pénétrée
D'une même et fraiche senteur,
Laquelle
était si bien formée
De tant de parfums différents,
Qu'à mon
embarras je comprends
Qu'aucun auteur ne l'ait nommée.
Le Roi,
du portail, pas à pas
Poussa jusques aux galeries
Où figuraient ses
armoiries
De lys sur ne-m'oubliez-pas.
Il fut touché de cet
hommage
De Fée à Monarque, d'autant
Que les Oiseaux allaient
chantant
Ses hauts faits en humain ramage.
IV
COMMENT BELLE-MIGNONNE ET LE PAGE PARFAIT
FURENT TROUVÉS L'UN PRÈS DE L'AUTRE
ENDORMIS
Les Oiseaux avaient leur secret
Qui le précédaient par volée,
Le
menant d'allée en allée,
De salon en grotte et retrait.
Toute la noble
multitude
Cueillait des fleurs, chemin faisant,
Et l'on parvint, en
devisant
De solitude en solitude,
Jusqu'à l'Antre d'or où, parmi
Des fleurs plus blanches que nature,
Mignonne, en belle créature,
Dormait près du Page endormi.
Le Roi ne contint sa colère
Devant ce spectacle nouveau:
Tel cas à
son royal cerveau
Ne pouvait, vraiment, que déplaire.
Et tout, dans
le premier moment,
En voyant ce tableau coupable.
Il aurait bien
été capable
D'ordonner qu'on pendît l'amant.
N'était-ce point un
pauvre sire,
N'ayant sou, ni maille, ni nom,
Si mince et petit
compagnon
Qu'écuyer n'eut daigné l'occire!
Ils étaient pourtant beaux ainsi,
Tête contre tête penchée,
Chevelure
en blonde jonchée,
Et bras enlacés à merci.
Ils souriaient, et dans
leur rêve,
Aussi charmant qu'eux et léger,
Ils semblaient encor
prolonger
L'heure aux amants toujours trop brève;
Car ils
balbutiaient entre eux
Des mots si doux de voix si tendre,
Qu'aux
bois il n'est plus doux d'entendre
Ensemble ramiers amoureux.
--«Je
vous aime, Belle-Mignonne;»
--«Je vous aime, Page-Parfait;»
Redisaient-ils. Amour de fait
Autrement ni plus ne jargonne.
Le bel Amour n'a jamais tort.
Le Roi pouvait-il d'aventure
Empêcher que, contre nature,
Amant aimé fût le plus fort?
Contre
ouragan, feu, fer et flamme,
Contre vent, marée et fureurs,
Poisons,
serpents, rois, empereurs,
Prévaut force aimante de l'âme.
Notre Roi
donc, bien qu'à regret
Et bien qu'il perdit l'assurance
Des grands
présents qu'en espérance
Chaque Prince à sa fille offrait
(Ce dont il
faisait le décompte),
Consentit bien à les unir,
Ainsi qu'il devait
advenir
De la façon que je raconte.
Tout bon courtisan approuva,
Quoiqu'il en eût de jalousie.
Il n'est royale fantaisie
Qu'on ne suive
comme elle va:
Aussi fut-ce chants d'hymenée,
Fleurs en bouquets
et compliments
Autour du réveil des amants
Et de leur grand'joie
étonnée.
Les noces durèrent trois mois:
Il faudrait pour les

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