Le dernier vivant | Page 3

Paul H. C. Féval
quel m��tier. Qu'est-ce qu'il y a pour votre service?
--On m'a fait esp��rer, r��pondis-je, que vous me pr��teriez votre aide pour trouver l'adresse d'un ami �� moi que je cherche vainement.
--On a eu raison, r��pliqua M. Louaisot. Aucune personne vivante n'��chappe �� l'organisation de mes bureaux. Pour les personnes d��c��d��es, j'indique non seulement le cimeti��re, mais la position exacte du monument. Quel est le nom de votre ami?
--Lucien Thibaut, juge... peut-��tre ne l'est-il plus... mais tr��s certainement ancien juge au tribunal de premi��re instance d'Yvetot.
M. Louaisot de M��ricourt avait fait un brusque mouvement qui ��tait tomb�� juste sur le mot juge, et c'��tait l�� ce qui m'avait port�� �� me reprendre. J'eus lieu de penser plus tard que ce n'��tait pas le mot juge, mais bien le nom lui-m��me qui avait troubl�� un instant le calme olympien de sa physionomie, au moment m��me o�� il venait de me laisser entrevoir la toute-puissance de son organisation. Il s'agita sur son fauteuil, piqua du doigt l'armature de ses lunettes et fit mine de chercher quelque chose sur son bureau. Je ne sais s'il le trouva, mais sa tranquillit�� ��tait revenue quand il ramena sur moi le regard clair et affil�� de ses grands yeux en pronon?ant cette phrase laconique:
--Pas d'autres d��tails?
Je lui passai une note pr��par��e �� l'avance et qui contenait toutes les indications qu'il m'��tait possible de fournir.
Il d��pensa un peu plus de temps que de raison �� prendre connaissance de ma note.
Pendant qu'il lisait, je l'entendis fredonner tr��s bas, de fa?on �� ne point manquer aux convenances, la romance bien connue:
Ah! vous dirais-je maman Ce qui cause mon tourment?
Ses paupi��res ��taient �� demi ferm��es et sa petite bouche s'arrondissait comme pour lancer un vigoureux coup de sifflet, mais c'��tait une pure apparence.
Il me remit le papier et demanda:
--Pourquoi voulez-vous conna?tre l'adresse de ce monsieur?
L'��tonnement dut se peindre sur mes traits, car il s'empressa d'ajouter:
--Vous savez, la conscience! Sans la conscience, autant abandonner la profession pour se faire agent de change ou m��me pr��fet. Suivez bien mon raisonnement si vous avez eu tant de peine �� trouver ce monsieur, depuis le temps, c'est qu'il se cache, hein? Toutes les probabilit��s portent �� le croire. Or, en principe, il a le droit imprescriptible de se cacher. Parall��lement, vous avez le droit ��galement indiscutable de le chercher. Ce sont les deux c?t��s de la question. Mais moi, plac�� entre ces deux droits....
J'interrompis cette argumentation qui vous para?tra comme �� moi reculer les bornes de la d��licatesse, en lui tendant tout ouverte la derni��re lettre de mon pauvre Lucien.
Elle ��tait ainsi con?ue:
?Mon cher Geoffroy.
J'ai grand besoin de toi. Tu m'entends: besoin, besoin! Viens tout de suite ou ��cris-moi un mot qui me dise o�� je pourrai te trouver. La chose presse malheureusement. Viens vite.?

II
Pourboire de P��lagie--Maison du Dr Chapart
M. Louaisot de M��ricourt lut ces quatre lignes attentivement.
Il me dit en me rendant le papier:
--Il y a la conscience, Monsieur, et sans elle la profession serait raval��e ind��finiment. Je n'ai pas �� vous faire subir d'interrogatoire; murons la vie priv��e, mais la lettre a sept semaines de date: pourquoi ce temps perdu?
Au moment o�� j'allais r��pondre, il m'arr��ta par un de ces regards coupants qui modifiaient si ��trangement l'expression d��bonnaire de sa physionomie et reprit:
--Je vous prie de vouloir bien m'excuser et surtout me comprendre. La conscience implique la minutie dans la d��licatesse. C'est la profession qui demande cela. Ma question a pour but de savoir si je puis me m��ler de cette histoire sans contrevenir aux lois de la d��licatesse la plus exag��r��e. Je suis un assez dr?le de corps, hein? Je me flanquerais �� l'eau pour ma conscience: c'est la profession.
--Votre conscience, r��pondis-je, sans trop montrer l'impatience qui d��cid��ment me gagnait, n'a rien �� voir en ceci et peut dormir tranquille. Quand j'ai re?u cette lettre, en Irlande, dans la campagne de Galway, elle avait d��j�� plus d'un mois de date: le temps de courir apr��s moi par les chemins du Connaught, qui sont terriblement capricieux. Et il y a loin de mon entresol de la rue du Helder jusqu'aux bords du lac Corrib.
--Un pays bien frais, fit observer M. Louaisot de M��ricourt que l'explication sembla satisfaire. Connu! J'ai eu occasion de pousser une petite pointe jusque dans la ?verte Erin?, comme dit Lamartine. Quel po��te! ah! si j'avais sa lyre! J'ai suivi un banqueroutier frauduleux jusqu'au sommet du Mamturk. Jolie vue, ?a m'avait essouffl��; mais mon homme fut pinc�� �� 700 m��tres au-dessus du niveau de la mer: je poss��dais un mandat du lord chef-juge. Il y a aussi des antiquit��s celtiques en quantit��; mais ce n'est pas un pays fortun��, par exemple, et des quantit��s de coqueluches.
Ici, M. Louaisot mangea une bonne bouch��e de veau r?ti en ��bauchant �� bas bruit la m��lodie c��l��bre qui accompagne le second distique de la romance.
...Depuis
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