calle et son 
quai, construits en bois sur pilotis, et qui donnent accès dans la rue par 
un passage sous la maison. 
* * * 
Maintenant que je vous ai traîné par tous les chemins de la ville, 
laissez-moi croire, pauvre ami! que je ne vous ai pas trop ennuyé, et 
venez que je vous montre l'intérieur des principaux endroits où ils vous 
mènent, en vous contant ce qui s'y passe........ ................................... 
Voilà donc, sauf quelques modifications, la lettre que j'avais 
commencée le 1er mars 1883. Ainsi que je m'y attendais, elle n'a jamais 
eu de fin. Aujourd'hui, je la reprends pour l'adresser au grand public. 
Tiendrai-je mieux mes engagements vis-à-vis de lui? Je l'ignore. 
Essayons pourtant, et puissent mes efforts, s'ils aboutissent, me mériter
de sa part des encouragements pour l'avenir! 
 
DEUXIÈME PARTIE 
LE MONDE ET LA VIE. 
Pendant les derniers mois de mon séjour à Terre-Neuve, énervé par la 
monotonie de mon existence, je me suis rendu coupable d'une sorte de 
journal. 
Bien des pages sont écrites avec une plume arrachée à l'aile de l'oiseau 
bleu de la rêverie. D'autres sont crayonnées de portraits pris sur le vif, 
entremêlés d'observations et de récits dont le mérite est d'être vrais. 
Par le choix que je ferai de toutes celles-ci, j'espère initier, en 
l'intéressant, mon lecteur au caractère des habitants de Saint-Jean et à 
leur façon de vivre. 
À ceux qui penseraient ouvrir un livre de profondes et solennelles 
études, il ne serait peut-être pas mal de dire que j'avais vingt ans 
lorsque j'ai débarqué sur les côtes d'Amérique, et qu'à l'heure où j'écris, 
je n'ai pas encore une moustache capable d'inspirer un effroi 
respectueux à quelques jolis bambins qui m'appellent leur oncle. 
Ceci est donc, avant tout, une page de la vie à l'étranger d'un Français 
jeune, artiste et poëte à son heure, comme tout homme bien né doit 
l'être par le temps qui court. 
Et du reste, si je mêle à mon récit quelques grains de poésie, ne sera-ce 
point le rendre plus semblable et plus conforme à la vérité?--N'y a-t-il 
pas plus de rêve et d'amour dans la vie que dans un roman? 
Et puis, quand je ne le voudrais pas, pourrais-je faire que les femmes ne 
soient là-bas très-supérieures aux hommes et n'obligent de la sorte à 
faire la part plus grande à l'étude de leur sexe?
CHAPITRE PREMIER 
Deux jours après mon arrivée à Terre-Neuve, j'entrai de plain-pied dans 
la société de Saint-Jean. Il y avait un bal au palais du gouverneur; je me 
trouvais faire partie du monde officiel, et je fus invité aussitôt. 
Quel pourrait bien être l'aspect de cette réunion? 
Je savais déjà, et c'était une des premières nouvelles que j'avais apprises 
en descendant à terre, qu'il y avait par la ville nombre de jolis minois. 
«Les femmes d'ici sont charmantes, me disait-on. Vous êtes sûr d'être 
fêté et accueilli par elles avec empressement.» 
Nous fendions la foule des curieux en station sur la «cale» de la 
Compagnie Allan. À notre passage, les yeux s'écarquillaient, les 
oreilles se tendaient sans rien comprendre. 
Derrière nous, des émigrants russes, allemands, irlandais, quittaient le 
pont, chargeant la passerelle de leur troupeau grouillant et misérable. 
Aussitôt, les poulies crièrent; les câbles agités s'élancèrent dans le 
ventre du vaisseau, et lentement, avec effort, un à un, ils en remontaient, 
entraînant après eux de lourds colis qu'ils ne lâchaient que pour se jeter 
sur une autre proie. Par groupes, ceux du navire et ceux de la ville 
évacuaient le plancher du quai. Au pied d'un mur, un rassemblement 
s'était formé. 
--Qu'est-ce? 
--Rien: deux matelots qui s'accommodent le visage à coups de poing. 
Je fus content; c'était couleur locale. 
Du reste, le ciel était bleu, le soleil presque chaud, et je vivais enfin, 
après un malaise de neuf jours, sur une mer froide. 
Le soir, de très-loin, on entendait encore le ronflement aigu du treuil 
qui s'acharnait sur le steamer à son travail de mineur. Il s'élançait, 
prompt et bruyant comme la foudre, et d'un coup sec s'arrêtait soudain.
La manoeuvre se faisait maintenant à la lueur rouge des fanaux. Je dus 
y aller, car une malle manquait à mon bagage. Une étroite échelle qui 
plongeait dans les ténèbres me conduisit à fond de cale. Là je rampai 
sur la surface houleuse des ballots de toute forme, heurtant de la tête 
contre la nuit des parois, et souvent obligé de rétrograder à reculons, 
faute d'espace pour me retourner. 
Dieu! que les étoiles me semblèrent éclatantes et l'obscurité lumineuse 
lorsque, allongé tout droit sur la petite échelle, les coudes au corps, la 
tête en vigilance, je sentis l'air libre autour de moi! 
* * * 
Non moins agréable fut la sensation que j'éprouvai à quelques soirs de 
là, quand je fis mon entrée dans les salons éblouissants de 
l'administrateur. 
Trouver à Terre-Neuve    
    
		
	
	
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