des lacs innombrables, des forêts et 
des montagnes rocheuses. Sur la côte ouest, il y a, assure-t-on, de riches 
mines de charbon, de cuivre, d'argent et d'autres minerais, et des 
carrières de marbre. 
Il n'existe pas de route traversant l'île. Mais il est à croire que, dans un 
avenir prochain, des lignes de chemins de fer, aboutissant à différents 
points des côtes, permettront aux habitants de Terre-Neuve de se faire
une idée mieux définie du pays qu'ils habitent. 
On prétend que les régions du centre sont composées de larges étendues 
de terre cultivable, et que les beaux arbres, pins ou sapins, fourniraient 
un vaste champ à l'exploitation. 
De tout cela, nous n'avons ici qu'un bien médiocre échantillon. Tant pis 
pour l'amour-propre et le patriotisme des Terre-Neuviens, mais je dois 
déclarer qu'aussi loin que s'étendent les environs de Saint-Jean, la 
nature végétale est d'une pauvreté lamentable. 
Les bois sont formés de pins aux proportions mesquines, excepté dans 
le creux de quelques vallées. Quant aux autres essences d'arbres, elles 
ne sont représentées que par des bouleaux, et du reste elles ne gardent 
leurs feuilles que pendant trois mois environ. 
En revanche, les petites gens de la végétation sont ici tout à fait chez 
elles. Elles couvrent la terre de leur menu peuple gracieux et délicat, 
jetant sous vos pieds un tapis de fleurs, comme si le chemin qu'elles 
encombrent conduisait à la demeure de quelque bonne fée. Et il y mène, 
réellement: chaque vallon, chaque clairière a la sienne qui est une 
source d'eau limpide et abondante. À la fin de juin, par un beau jour de 
soleil, tout s'épanouit à la fois: la couronne blanche du fraisier, la 
pourpre timide de la violette, les clochettes nuancées du myrtil, le lotus 
embaumé et mélancolique pareil à un coquillage de nacre, les buissons 
chargés de grappes roses ou blanches, et mille autres fleurs couleur 
d'aurore ou de midi, et qui ne disent pas leur nom. 
Mais, hélas! il s'en faut de beaucoup qu'il y ait un papillon pour chaque 
fleur, un oiseau pour chaque buisson. 
Ici, la faune est en contradiction avec la flore. Les insectes y sont 
représentés d'une façon malheureuse par les moustiques. Les merles 
noirs au ventre rouge y tiennent fonctions de moineaux. 
Les hirondelles n'y viennent pas! 
Par contre, le gibier à plume et à poil occupe la place en maître, bien
qu'il soit rare aux alentours de Saint-Jean. Les bécassines pullulent dans 
ce pays à moitié submergé. La perdrix, avec ses pattes emplumées, 
devient blanche en hiver, et les canards de toutes sortes sont, comme 
partout, l'escorte obligée de la saison froide. 
Dans les taillis, les lapins poudrés à frimas broutent les mousses sous la 
neige. Le lièvre arctique, le caribou, le renard argenté, l'ours, la loutre, 
et autres animaux à fourrures, habitent les bois de l'intérieur. 
Vous voyez donc qu'au contraire de la végétation, ce sont les petites 
espèces qui sont en minorité. 
Quant au chien de Terre-Neuve, j'aime mieux ne pas vous en parler, 
doutant fort jusqu'ici de son existence. Nous en avons un tout jeune 
prétendant: nous verrons bien ce que cela deviendra. Toujours est-il que, 
depuis neuf mois que je suis ici, je n'en ai point encore découvert qui 
répondissent à l'idée que je m'en étais faite. 
Neuf mois?... Eh! oui! neuf mois, presque un an, que j'ai, pour la 
première fois, débarqué de l'autre côté de l'Océan! 
Au mois de mai, je vous disais adieu sous les ombrages du parc, et 
j'arrivais le 1er juin dans une contrée où l'hiver, après avoir dévoré le 
printemps, commençait à peine à battre en retraite devant les menaces 
de l'été. 
Durant les derniers jours de la traversée, il ventait en mer une bise 
glaciale. De longues et moites traînées de brume rampaient d'un 
horizon à l'autre. Et il se produisait alors un étrange phénomène de 
réfraction qui faisait paraître les vagues hautes comme des montagnes. 
C'était vraiment l'image de l'infini. 
Enfin, le matin de notre arrivée, le ciel était pur. Bientôt nous 
rencontrâmes des icebergs que le courant entraînait vers le sud, et, tout 
au loin, surgissant devant nous, les falaises bleuâtres de Terre-Neuve. 
J'étais sur la passerelle, auprès du capitaine. On eût dit que le vaisseau 
attendait là, et que c'était l'île qui venait à notre rencontre. Les contours 
nuageux s'accentuaient de plus en plus; les flots, la terre et les cieux
cessaient de se confondre dans la même teinte bleutée. Bientôt, les 
rochers de la côte se détachèrent en arêtes vives et toujours plus 
sombres sur la pâleur de l'air. L'Océan, presque noir, entourait d'éclats 
métalliques les montagnes de glace coupées çà et là de fissures de la 
plus belle émeraude. Un des plus énormes de ces icebergs flottait 
devant l'étroit goulet qui donne accès dans le port de Saint-Jean. À 
notre passage, un pan de glace    
    
		
	
	
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