le dos vo?t�� �� la mani��re des vieux officiers d'infanterie qui ont port�� le sac. Il en avait l'uniforme, et l'on entrevoyait une ��paulette de chef de bataillon sous un petit manteau bleu court et us��. Il avait un visage endurci mais bon, comme �� l'arm��e il y en a tant. Il me regarda de c?t�� sous ses gros sourcils noirs, et tira lestement de sa charrette un fusil qu'il arma, en passant de l'autre c?t�� de son mulet, dont il se faisait un rempart. Ayant vu sa cocarde blanche, je me contentai de montrer la manche de mon habit rouge, et il remit son fusil dans la charrette, en disant:
?Ah! c'est diff��rent, je vous prenais pour un de ces lapins qui courent apr��s nous. Voulez-vous boire la goutte?
--Volontiers, dis-je en m'approchant, il y a vingt-quatre heures que je n'ai bu.?
Il avait �� son cou une noix de coco, tr��s bien sculpt��e, arrang��e en flacon, avec un goulot d'argent, et dont il semblait tirer assez de vanit��. Il me la passa, et j'y bus un peu de mauvais vin blanc avec beaucoup de plaisir; je lui rendis le coco.
--?�� la sant�� du roi! dit-il en buvant; il m'a fait officier de la L��gion d'honneur, il est juste que je le suive jusqu'�� la fronti��re. Par exemple, comme je n'ai que mon ��paulette pour vivre, je reprendrai mon bataillon apr��s, c'est mon devoir.?
* * * * *
En parlant ainsi comme �� lui-m��me, il remit en marche son petit mulet, en disant que nous n'avions pas de temps �� perdre; et comme j'��tais de son avis, je me remis en chemin �� deux pas de lui. Je le regardais toujours sans questionner, n'ayant jamais aim�� la bavarde indiscr��tion assez fr��quente parmi nous.
Nous allames sans rien dire durant un quart de lieue environ. Comme il s'arr��tait alors pour faire reposer son pauvre petit mulet, qui me faisait peine �� voir, je m'arr��tai aussi et je tachai d'exprimer l'eau qui remplissait mes bottes �� l'��cuy��re, comme deux r��servoirs o�� j'aurais eu les jambes tremp��es.
--?Vos bottes commencent �� vous tenir aux pieds, dit-il.
--Il y a quatre nuits que je ne les ai quitt��es, lui dis-je.
--Bah! dans huit jours vous n'y penserez plus, reprit-il avec sa voix enrou��e; c'est quelque chose que d'��tre seul, allez, dans des temps comme ceux o�� nous vivons. Savez-vous ce que j'ai l��-dedans?
--Non, lui dis-je.
--C'est une femme.?
Je dis: ?Ah!? sans trop d'��tonnement, et je me remis en marche tranquillement, au pas. Il me suivit.
--?Cette mauvaise brouette-l�� ne m'a pas co?t�� bien cher, reprit-il, ni le mulet non plus; mais c'est tout ce qu'il me faut, quoique ce chemin-l�� soit un ruban de queue un peu long.?
Je lui offris de monter mon cheval quand il serait fatigu��; et comme je ne lui parlais que gravement et avec simplicit�� de son ��quipage, dont il craignait le ridicule, il se mit �� son aise tout �� coup, et, s'approchant de mon ��trier, me frappa sur le genou en me disant: ?Eh bien, vous ��tes un bon enfant, quoique dans les Rouges.?
Je sentis dans son accent amer, en d��signant ainsi les quatre Compagnies-Rouges, combien de pr��ventions haineuses avaient donn��es �� l'arm��e le luxe et les grades de ces corps d'officiers.
--?Cependant, ajouta-t-il, je n'accepterai pas votre offre, vu que je ne sais pas monter �� cheval et que ce n'est pas mon affaire, �� moi.
--Mais, commandant, les officiers sup��rieurs comme vous y sont oblig��s.
--Bah! une fois par an, �� l'inspection, et encore sur un cheval de louage. Moi j'ai toujours ��t�� marin, et depuis fantassin; je ne connais pas l'��quitation.?
Il fit vingt pas en me regardant de c?t�� de temps �� autre, comme s'attendant �� une question: et comme il ne venait pas un mot, il poursuivit:
?Vous n'��tes pas curieux, par exemple! cela devrait vous ��tonner, ce que je dis l��.
--Je m'��tonne bien peu, dis-je.
--Oh! cependant si je vous contais comment j'ai quitt�� la mer, nous verrions.
--Eh bien, repris-je, pourquoi n'essayez-vous pas? cela vous r��chauffera, et cela me fera oublier que la pluie m'entre dans le dos et ne s'arr��te qu'�� mes talons.?
Le bon chef de bataillon s'appr��ta solennellement �� parler, avec un plaisir d'enfant. Il rajusta sur sa t��te le shako couvert de toile cir��e, et il donna ce coup d'��paule que personne ne peut se repr��senter s'il n'a servi dans l'infanterie, ce coup d'��paule que donne le fantassin �� son sac pour le hausser et all��ger un moment de son poids; c'est une habitude du soldat qui, lorsqu'il devient officier, devient un tic. Apr��s ce geste convulsif, il but encore un peu de vin dans son coco, donna un coup de pied d'encouragement dans le ventre du petit mulet, et commen?a.
CHAPITRE V
HISTOIRE DU CACHET ROUGE
Vous saurez d'abord, mon enfant, que je suis n�� �� Brest; j'ai commenc�� par ��tre enfant de troupe, gagnant ma

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