ne 
cherchez pas le mystère
De la racine sous la terre! 
LA STATUE 
Le sculpteur modèle l'argile;
Puis, prenant le marbre indocile,
Le 
pétrit dans sa main habile
Avec un patient effort; 
Ou bien sous sa fière tutelle
Il soumet le bronze rebelle:
Si la 
matière en est moins belle,
Pour vaincre le temps il est fort; 
Et contre ce temps qui le tue
L'Homme en vain lutte et s'évertue,
Quand, bronze ou marbre, la statue
Immobile, impassible, voit 
De son oeil fixe et sans prunelle
Passer les siècles devant elle
Et 
s'avancer l'ombre éternelle
Qui sur le passé toujours croît. 
Tristes autels où se consume
Un reste de tison qui fume,
Enfoncez-vous dans cette brume
Où le soleil ne luira plus! 
Les dieux meurent: leurs temples vides
Sont comme ces déserts 
arides
Où frissonnaient jadis les rides
Des grands océans disparus; 
Mais l'Art a conservé l'image
Du dieu que vénérait le mage
Et que 
le fou comme le sage
Venait adorer en tremblant: 
Ce n'est plus le dieu qu'on adore;
C'est sa forme vivante encore,
C'est la Beauté, divine aurore
Sortant, pure, du marbre blanc! 
MORS 
Pourquoi craindre la mort? pourquoi s'effrayer d'elle? 
La mort est chose naturelle:
Naître, vivre et mourir, c'est tout 
l'homme en trois mots. 
Comme aux flots succèdent les flots,
Comme un clou chasse l'autre, 
un homme prend la place
De celui qui vivait hier, et qui n'est plus; 
On s'en va sans laisser de trace.
C'est la loi. Les derniers venus 
Reprennent le fardeau qui tombe de l'épaule
Des anciens fatigués par 
le rude chemin 
Qui va de l'un à l'autre pôle.
Ils ont marché longtemps; le repos vient 
enfin.
On devrait le bénir, et comme une caresse
Accueillir le baiser 
de l'obscure déesse.
Ah! dit l'homme, autrefois, quand on avait l'espoir
D'un bonheur 
éternel, en s'endormant au soir
De la vie, on croyait que sous la froide 
pierre 
S'ouvrait un gouffre de lumière;
La mort était alors un bien.
Mais 
quoi! songer, en mon destin morose,
Qu'après avoir vécu je ne serai 
plus rien... 
--Crois-tu donc être quelque chose? 
LE PAYS MERVEILLEUX 
_À M. Albert Périlhou._ 
Lorsqu'on a cheminé bien longtemps dans la plaine.
Que les pieds 
sont lassés du chemin parcouru,
On voit surgir au loin, vision 
surhumaine,
Le mont géant. Il est brusquement apparu,
Enveloppé 
d'azur et baigné de lumière;
Plus haut que la nuée aux contours 
éclatants
Il élève sa cime; on dirait qu'à la Terre
Il est extérieur: ses 
pics étincelants
Se dressent radieux dans un monde de gloire;
C'est 
le pays rêvé, c'est l'Olympe des Dieux
Qui boivent le nectar sur des 
trônes d'ivoire,
C'est l'Idéal! montons, allons vivre en ces lieux
Enchantés! gravissons la montagne, courage!
Encor! montons encor! 
toujours! élevons-nous
Au-dessus des forêts, au-dessus de l'orage
Qui pour nous arrêter roule d'effrayants coups
De tonnerre, et 
soufflant ses bruyantes rafales
Brise et disperse au loin les branches 
des sapins;
Là-haut plus de tempête, et plus de brouillards pâles
Qui 
voilent le soleil! les vigoureux alpins
Bravant sans hésiter fatigues et 
vertiges
Auront pour récompense un séjour merveilleux
Interdit à 
jamais aux faibles; des prodiges
Attendent le regard de ces audacieux
Qui méprisent le sol où rampent les timides.
En route vers les cieux, 
loin des plaines humides,
En avant! 
--Mais le roc a déjà remplacé
La terre verdoyante et les pentes 
fleuries;
Malgré l'ardent soleil, c'est un souffle glacé
Qui tombe sur
nos fronts; nos mains endolories
S'écorchent au contact de la muraille 
à pic
Qu'il faut escalader au risque de la chute.
Plus un être vivant: 
le scorpion, l'aspic.
Habitants des déserts, abandonnent la lutte
Avec une nature implacable. Voici
La neige immaculée, et voici dans 
la glace
Perfide qui se fend, s'entr'ouvre, et sans merci
Nous 
engloutit, l'affreux piège de la crevasse.
Enfin l'air manque, et l'on 
respire avec effort...
Le pays merveilleux est celui de la mort. 
 
Et c'est la plaine alors, la plaine dédaignée,
Déroulant à nos pieds des 
tableaux inconnus,
Qui dans l'azur et dans la lumière baignée
Oppose sa richesse aux rochers froids et nus.
La vie à sa surface est 
partout répandue:
Confondant sa limite avec celle du ciel,
L'oeil ne 
peut mesurer son immense étendue... 
 
O mirage qui fais d'un calice de fiel
La coupe dont l'éclat fascinant 
nous attire,
Tu nous trompes toujours! l'inassouvissement
De l'âme 
des humains est l'éternel martyre,
Et de leur fol orgueil l'éternel 
châtiment. 
BOTRIOCÉPHALE 
BOUFFONNERIE ANTIQUE 
PERSONNAGES: 
BOTRIOCÉPHALE. FAUNE. 
ALECTON. FURIE. 
BOTRIOCÉPHALE 
_À M. Coquelin Cadet._ 
SCÈNE PREMIÈRE
Un bois. BOTRIOCÉPHALE, seul. Il est très jeune, adolescent, d'une 
grosseur énorme et d'une laideur repoussante. 
BOTRIOCÉPHALE. 
En vain j'en ai douté longtemps... je suis fort laid.
Un Faune n'est 
jamais très joli; mais il est
Des laideurs... vous savez bien ce que je 
veux dire,
Et ce n'est pas du tout mon cas. J'apprête à rire!
Aussi 
large que haut, disgracieux, ventru,
Si je parle d'amour je suis un 
malotru.
--Une Nymphe s'enfuit: c'est pour qu'on la rattrape
Dans 
les saules; sa fuite est l'amoureuse trappe
Où se prend la candeur des 
Faunes ingénus
Immolés par Éros à sa mère Vénus. 
On adresse en passant une parole osée
Aux belles dont les pieds 
s'étoilent de rosée:
Les belles font semblant d'avoir peur. Avec moi
C'est différent: j'excite un redoutable émoi,
Car je n'ai jamais fait mes 
frais. Sort misérable!
J'attendrirais plutôt le chêne ou bien l'érable
Au coeur dur, le rocher par Sisyphe roulé,
L'enclume de Vulcain,    
    
		
	
	
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