Poésies choisies de André Chénier | Page 3

André Chénier
André connut là les peintres Cazes, Mme Vigée
Lebrun et David--et André s'essaiera à peindre; Florian, Mencievicz,
Alfieri, avec qui il aura commerce de vers ou de lettres; Brunck, à
l'anthologie de qui il doit tant; l'abbé Barthélémy; Guys, qui inséra dans
son ouvrage sur la Grèce deux lettres de Mme Chénier sur les
enterrements et sur les danses en Grèce, parues d'abord dans le Mercure
de France; Le Brun enfin, Le Brun-Pindare, dont l'influence sur son
futur émule n'est malheureusement que trop palpable.
On ne sait où André Chénier fit ses premières études. On sait seulement
que, tout enfant, il fit de longs séjours dans le Languedoc, chez une
tante maternelle. Des notes de lui nous le montrent pieux--il sera plus
tard athée 'avec délices'--et recevant une impression profonde de certain
paysage de montagne.
Vers 1773, c'est-à-dire vers l'âge de quinze ans, il est au collège de
Navarre, où il fait de brillantes études, obtenant un premier prix de
discours français au concours général en 1778, où, de plus, il forma
d'ardentes et solides amitiés, plus tard inspiratrices de mâles vers, avec
Abel de Malartic, les frères de Pange et les frères Trudaine.
Dès le collège il dut savoir par coeur les plus beaux passages des
auteurs anciens. Déjà il rimait, et ses premiers vers, imités de l'Iliade,
sont, par leurs enjambements, par une certaine hardiesse de langue, déjà
caractéristiques de sa manière:
Faible, à peine allumé, le flambeau de ses jours
S'éteint: dompté
d'Ajax, le guerrier sans secours
Tombe, un sommeil de fer accable sa

paupière;
Et son corps palpitant roule sur la poussière.
En 1781 (on ne sait s'il quitta le collège en 1780 ou 1781) il avait
commencé à couvrir de commentaires les marges de son Malherbe. En
1782 une note d'une élégie datée du 23 avril 1782 nous le montre ayant
déjà adopté sa manière d'imiter l'antiquité. Il déclare en effet que le
fond de son élégie est dû à Properce: 'mais, ajoute-t-il, je ne me suis
point asservi à le copier. Je l'ai souvent abandonné pour y mêler, selon
ma coutume, tout ce qui me tombait sous la main, des morceaux de
Virgile, et d'Horace et d'Ovide--Et quels vers! (s'écrie-t-il, en citant
Virgile) et comment ose-t-on en faire après ceux-là!'
Il lui fallut penser à une profession. De ses trois frères, l'aîné,
Constantin, était entré dans les consulats. Comme ses deux autres frères,
Sauveur et Marie-Joseph, on le fit entrer, lui, dans l'armée. Il partit
donc en 1783 pour Strasbourg en qualité de cadet-gentilhomme attaché
à un régiment d'infanterie, le régiment d'Angoumois. Au bout de six
mois il abandonnait le service. A Strasbourg un commun amour des
lettres l'avait rapproché du marquis de Brazais, capitaine au régiment
de Dauphin-Cavalerie, à qui il adressa une de ses premières productions,
l'_Épître sur l'Amitié_ (p. 78). Revenu à Paris, souffrant déjà d'un mal
qui lui arrachera des plaintes fréquentes (p. 61, l. 19--p. 66. ll. 33-4), la
gravelle, très affecté même (p. 51, III, p. 65, XI), il saisit avec joie une
offre qui vient l'arracher à lui-même, l'offre que lui font ses amis les
Trudaine de l'emmener faire un voyage de deux années. Il dit en effet
dans ses adieux aux frères de Pange:
Si je vis, le soleil aura passé deux fois
Dans les douze palais où
résident les mois,
D'une double moisson la grange sera pleine

Avant que dans vos bras la voile me ramène
On devait visiter la Suisse, l'Italie et la Grèce, André vit la Suisse. Il fit
un long séjour à Rome. Sinon la Rome chrétienne, du moins la Rome
antique l'émerveilla. Les Romaines, s'il avait prolongé ce séjour,
auraient pu, à en croire ses vers (p. 72, XV), tout comme les
Parisiennes, lui inspirer des élégies amoureuses. Il pousse de là jusqu'à
Naples, puis brusquement, souffrant sans doute, il interrompt son

voyage, sans aller voir la Grèce, et reprend le chemin de Paris.
Ici se placent trois années selon le coeur d'André Chénier, trois années
de vie intense, faites d'alternatives de solitude studieuse et de plaisirs.
Ces trois années, 1785, 1786, 1787, il les passe à Paris, coupées de
séjours à la campagne, à Montigny (p. 58, l. 16) chez les Trudaine, ou à
Maroeuil (p. 68, ll. 17-18) chez les de Pange. Il fait de sa vie deux parts,
l'une donnée au travail, l'autre à la société, à la politique, aux plaisirs. Il
se mêle au milieu intellectuel de son temps. Il est par conséquent
encyclopédiste et philosophe, il a le culte de la raison; il est athée--et
c'est là l'inspiration de son _Hermès_ et de son _Amérique_. Il
mène--et c'est là, avec l'imitation des élégiaques de l'antiquité, l'origine
de ses élégies qui sont ses confessions amoureuses--la vie dissipée et
voluptueuse de cette société licencieuse et sceptique du XVIIIe siècle.
Il fut des soupers joyeux de Grimod
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