partage ce sentiment et sais combien il est pénible! Il 
continue à porter le nom qu'il avait inscrit au moment où j'étais si près de le pincer, il y a 
neuf mois: «James Walker»; c'est aussi celui qu'il avait adopté en fuyant Silver Gulch. Il 
ne fait pas d'effort d'imagination et a décidément peu de goût pour les noms de fantaisie. 
Il m'a été facile de reconnaître son écriture très légèrement déguisée. 
On m'assure qu'il vient de partir en voyage sans laisser d'adresse et sans dire où il allait; 
qu'il a pris un air effaré lorsqu'on le questionnait sur ses projets; il n'avait, paraît-il, 
qu'une valise ordinaire pour tout bagage et il l'a emportée à la main. «C'est un pauvre 
petit vieux, a-t-on ajouté, dont le départ ne fera pas grand tort à la maison.»
Vieux! Je suppose qu'il l'est devenu maintenant, mais n'en sais pas plus long, car je ne 
suis pas resté assez longtemps. Je me suis précipité sur sa trace; elle m'a conduit à un quai. 
Mère! La fumée du vapeur qui l'emportait se perdait à l'horizon! J'aurais pu gagner une 
demi-heure en prenant dès le début la bonne direction; mais il était même trop tard pour 
fréter un remorqueur et courir la chance de rattraper son bateau! Il est maintenant en 
route pour Melbourne! 
* * * * * 
Hope Canyon, Californie. 
3 octobre 1900. 
Vous êtes en droit de vous plaindre. Une lettre en un an: c'est trop peu, j'en conviens; 
mais comment peut-on écrire lorsqu'on n'a à enregistrer que des insuccès? Tout le monde 
se laisserait démonter; pour ma part, je n'ai plus de coeur à rien. 
Je vous ai raconté, il y a longtemps, comment je l'avais manqué, à Melbourne, puis 
comment je l'avais pourchassé pendant des mois en Australie. Après cela, je l'ai suivi aux 
Indes, je crois même l'avoir aperçu à Bombay; j'ai refait derrière lui tout son voyage, à 
Baroda, Rawal, Pindi, Lucknow, Lahore, Cawnpore, Allahabad, Calcutta, Madras, 
semaine par semaine, mois par mois, sous une chaleur torride et dans une poussière! Je le 
traquais de près, et croyais le tenir; mais il s'est toujours échappé. Puis, à Ceylan, puis à... 
Mais je vous raconterai tout cela en détail. Il m'a ramené en Californie, puis à Mexico, et 
de là il retourna en Californie. Depuis ce moment-là, je l'ai pourchassé dans tous les pays, 
depuis le 1er janvier jusqu'au mois dernier. Je suis presque certain qu'il se tient près de 
Hope Canyon. J'ai suivi sa trace jusqu'à trente milles d'ici, mais je l'ai perdue; pour moi, 
quelqu'un a dû l'enlever en voiture. 
Maintenant je me repose de mes recherches infructueuses. Je suis éreinté, mère! 
découragé et bien souvent près de perdre mon dernier espoir. Pourtant, les mineurs de ce 
pays sont de braves gens; leurs manières affables que je connais de longue date et leur 
franchise d'allures sont bien faites pour me remonter le moral et me faire oublier mes 
ennuis. Voilà plus d'un mois que je suis ici. Je partage la cabane d'un jeune homme 
d'environ vingt-cinq ans, «Sammy Hillyer», comme moi fils unique d'une mère qu'il 
idolâtre et à qui il écrit régulièrement chaque semaine (ce dernier trait me ressemble 
moins). Il est timide, et sous le rapport de l'intelligence... certes... il ne faudrait pas lui 
demander de mettre le feu à une rivière; à part cela, je l'aime beaucoup; il est bon 
camarade, assez distingué, et je bénis le ciel de me l'avoir donné pour ami; je peux au 
moins échanger avec lui mes impressions; c'est une grande satisfaction, je vous assure. Si 
seulement «James Walker» avait cette compensation, lui qui aime la société et la bonne 
camaraderie. Cette comparaison me fait penser à lui, à la dernière entrevue que nous 
avons eue. Quel chaos que tout cela, lorsque j'y songe! 
A cette époque, je luttais contre ma conscience pour m'attacher à sa poursuite! Le coeur 
de Sammy Hillyer est meilleur que le mien, meilleur que tous ceux de cette petite 
république, j'imagine; car il se déclare le seul ami de la brebis galeuse du camp, un
nommé Flint Buckner. Ce dernier n'adresse la parole à personne en dehors de Sammy 
Hillyer. 
Sammy prétend qu'il connaît l'histoire de Flint, que c'est le chagrin seul qui l'a rendu aussi 
sombre et que pour ce motif on devrait être pour lui aussi charitable que possible. Un 
coeur d'or seul peut s'accommoder du caractère de Flint Buckner, d'après tout ce que 
j'entends dire de lui. Le détail suivant vous donnera d'ailleurs une idée plus exacte du bon 
coeur de Sammy que tout ce que je pourrais vous raconter. Au cours d'une de nos 
causeries, il me dit à peu près ceci: 
«Flint est un de mes compatriotes et me confie tous ses chagrins; il déverse dans mon 
coeur le trop plein de    
    
		
	
	
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