race
indienne. Ces métis parlent encore presque tous le français et
appartiennent à la religion catholique. Quant leur caractère ethnique,
c'est une moyenne entre le type caucasique et le type de la race rouge:
peau foncée, cheveux noirs, durs et abondants, os de la face
(principalement l'os et le cartilage nasal) très-proéminents. Ils n'ont pas,
il faut le dire, l'ardente activité des Yankees, leur aptitude à amasser et
à risquer les dollars, le génie du commerce, de l'industrie et de la
spéculation. Ils sont sédentaires bornés dans leurs désirs, timides,
mélancoliques, toujours prêts à céder la place aux autres [11]. C'est
bien là la descendance mélangée de deux races vaincues, isolées et
dédaignées au milieu des populations anglo-saxonnes. Elle a trop de
sang français pour devenir américaine. Elle n'en a pas assez pour
conserver et faire respecter sa nationalité!
[Note 10: Cette réflexion manque de justesse. Dans l'Amérique entière,
au sud comme au nord, sur les terrains nouvellement colonisés, les
maisons sont ainsi construites. Rien de plus logique: on a de la place,
on les espace; on est trop pressé de se mettre à l'abri pour songer à
élever un étage sur le rez-de-chaussée.--H.-E. C.].
[Note 11: Faux. Ils ne sont que dissimulés. L'auteur ne les a point
pratiqués. Je renvoie à Poignet-d'Acier.--H.-E. C.]
«Au milieu ou au-dessus de ce petit peuple de fermiers, manoeuvres,
pêcheurs et chasseurs, s'agite la colonie américaine, composée de
marchands de pacotilles, aventuriers, spéculateurs de terrains et de
mines, population d'une âpreté au gain et d'une mobilité extrême, qui
promène sur toute la ligne des bords du lac son existence nomade,
essayant de tout, fondant et abandonnant les villes avec une égale
facilité. Son activité se dépense à escompter, par tous les moyens et
sous toutes les formes possibles, les espérances de richesses que
l'exploitation d'une région presque vierge laisse entrevoir.
Tel se présentait, en 1856, le Sault-Sainte-Marie, tel à peu près il se
montre au moment où nous écrivons; voyons, maintenant, ce qu'il était
une vingtaine d'années auparavant,--à l'époque de notre récit.
CHAPITRE III
L'INGÉNIEUR FRANÇAIS
Comblez à demi le canal, supprimez le chemin de fer, et le paysage du
Sault-Sainte-Marie sera, aujourd'hui, à peu près semblable à ce qu'il
était en 1837.
Dans le village aussi, il nous faudra supprimer ces riantes maisonnettes
blanchies à la chaux, le Chippewa Hotel, un temple protestant construit
avec goût, une douzaine de magasins fort bien approvisionnés. Et quoi
encore? Ah! les trottoirs en planches qui bordent les rues, et le pavillon,
d'apparence quelque peu aristocratique, on se tient le mess [12] des
officiers de la garnison du fort Brady.
[Note: 12 Cantine ou pension.]
Au lieu et place de ces modernités, nous aurons des cabanes moins
élégantes, des voies passagères plus fangeuses ou plus poudreuses,
suivant la saison, et des groupes de wigwams, en peaux de bison, tout
autour de la localité.
Le nombre des Bois-Brûlés et des blancs ne sera pas aussi considérable;
mais la quantité des Peaux-Rouges sera double. La fanfare du coq
domestique ne réveillera point les habitants, mais, fréquemment encore,
les jappements du coyote, le beuglement du boeuf sauvage, le
gloussement de la poule des prairies, troubleront leur sommeil.
Si, sur la place publique, on voit déjà parader le soldat de l'Union
Fédérale, souvent, aussi, on y entend encore le terrible cri de guerre de
l'Indien.
Si, au pied des Rapides, la noire fumée des navires à vapeur se marie
rarement à la poussière argentée des ondes, des centaines de canots
d'écorce, dirigés par d'intrépides bateliers, sauteront journellement les
perfides écueils, au risque de se briser mille fois, et sans que leurs
conducteurs aient, un instant, souci du péril auquel ils s'exposent.
A présent, des milliers de touristes vont, chaque année, par trains de
plaisir, visiter le Sault-Sainte-Marie. La civilisation, la police, le luxe,
l'ont envahi; la crinoline, c'est tout dire, y a porté ses cerceaux.
Il existe,--qui l'eût cru, grand Dieu!--une gazette dans cette région
naguère si complètement ignorée, une gazette à prétentions spirituelles,
encore, le Lake Superior Journal. N'alléchait-elle pas, dernièrement, les
voyageurs, curieux de parcourir les merveilles de son site, par un
pompeux article, duquel nous détacherons cette ligne:
«As-tu jamais vogué sur une gondole à Venise?» n'est plus une
question. Maintenant, on demande sans cesse: «As-tu jamais sauté les
Rapides de Sainte-Marie, dans un canot d'écorce?» Quiconque est
capable de répondre affirmativement à cette intéressante question»,
peut se vanter d'avoir joui du plus agréable divertissement qu'il soit
possible de se procurer sur l'eau.»
Tout en faisant mes réserves pour la vanité de clocher qui a présidé à la
rédaction de cette réclame, j'avoue que le divertissement a quelque
chose de fascinateur comme l'abîme, et que la scène dont on jouit sur le
bord de la chute est fort émouvante. M. Pisani, qu'on ne saurait accuser
de partialité aveugle, en parle

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