qui répondait au 
nom de dom Pedro était Portugais; onduleux et insinuant, il avait, je 
crois, fasciné Louise; quand il était là, sa voix prenait un charme 
saisissant; elle se jouait des vocalises les plus ardues et semblait une de 
ces fleurs n'ouvrant leur corolle embaumée qu'à la chaleur d'un soleil 
radieux, dont le Portugais semblait lui dispenser les rayons! Lui, fier de 
se voir ainsi apprécié, tranchait de tout en maître, lui faisant même 
quelquefois des observations sévères, autant qu'absurdes, mais qu'elle 
acceptait en esclave; son mari détestait dom Pedro, et pourtant je le 
trouvais là toujours!... Elle semblait même avoir un malin plaisir à lui 
parler comme en secret. 
Cet hiver-là, j'avais beaucoup entendu jaser sur Louise, mais à quoi bon 
attacher une importance quelconque aux bruits mondains? 
Les conversations vont leur train, elles se croisent et s'entre-croisent si 
bien que, souvent, dans une même soirée, une même personne soutient, 
en partant, le contraire de ce qu'elle affirmait à son arrivée; c'est ainsi 
que les uns disaient: «Avez-vous remarqué la baronne de X (c'était 
Louise) et dom Pedro? Ils se gênent peu.--Mais non, répondaient les 
autres, dom Pedro ne vit plus que pour la belle Mme de B. (c'était 
Matt)!» Quelquefois on se hasardait à me demander mon avis. Devant 
cette audace qui me révoltait, je répondais invariablement: «Louise est 
mon amie, je suis sûre d'elle comme de moi-même!» Et ils s'en allaient, 
les uns souriant, les autres me croyant. 
Un soir de bal, au printemps suivant, Mathilde m'entendit faire cette 
même réponse; elle me reprit d'un ton moqueur: 
--Oh! oh! fit-elle, vous croyez donc que dom Pedro a bien peu d'attaque, 
et Louise beaucoup de défense?
--Que voulez-vous dire, Mathilde? 
--Silence, suivez-moi. 
Nous étions chez un de ces richissimes banquiers avec lesquels toute 
l'Europe compte à présent. Un salon aux tentures bleu de ciel, 
qu'encadraient délicieusement des dorures d'une finesse admirable, 
conduisait à la salle de danse éblouissante de lumière. 
C'était, à ce moment, un spectacle exquis; les danses étaient fort gaies, 
il y avait beaucoup de jeunes gens: ces joues animées, ces épaules nues, 
chargées pour la plupart des pierreries les plus précieuses, les rires, la 
musique, tout cet ensemble entraînant forçait, en quelque sorte, la 
nature la plus calme à quelque agitation... Matt voulait me mener dans 
la serre sur laquelle donnait cette salle; il était impossible de songer 
alors à la traverser, mais on pouvait facilement la tourner en passant par 
un délicieux boudoir rempli d'objets d'une grande valeur. 
Rien ne peut dire le calme mystérieux de ce vaste jardin de cristal. Des 
plantes exotiques répandues à profusion tendaient leurs larges feuilles 
comme pour tamiser encore la pâle lumière qu'on y laissait pénétrer 
comme à regret... Un petit jet d'eau caché dans le parterre central 
couvrait de son bruit les conversations intimes!... un seul couple était 
assis, mais je ne pouvais distinguer les figures: 
--Louise et dom Pedro! murmura Mathilde à mon oreille, en me les 
désignant. 
Je me retournai vivement avec l'intention de lui donner, à tout hasard, 
un démenti formel... je me trouvai en face du mari de Louise: 
--Vous avez donc oublié, Madame, que vous m'aviez promis cette 
valse? 
--Non pas, je vous cherchais!... 
Et, me précipitant à son bras, je l'entraînai dans le tourbillon, plus vite 
que je ne mets de temps à l'écrire, et nous valsions, nous valsions... moi
m'efforçant de rire de tout, et lui cherchant à formuler quelque excuse 
sur la manière brutale dont, prétendait-il, il m'avait entraînée loin de ma 
causerie!... 
Longtemps la vision de la serre se représenta à mon esprit, mais je la 
chassais comme on chasse un mauvais rêve! Non, pensais-je, c'est 
impossible, Louise, si belle, si artiste, si intelligente! et dom Pedro si 
vulgaire, si... Non! 
Mais alors, cette intimité réelle ou feinte, pourquoi?... 
III 
Dom Pedro ne m'avait jamais tant déplu que la dernière fois que je 
l'avais vu. C'était le soir du dernier concert que Louise avait donné; et 
peu de temps après, les départs pour la campagne vinrent nous séparer 
tous, au moins pour quelque temps; je tâchai d'oublier cette impression. 
Dans ses lettres Louise ne faisait aucune allusion au Portugais, elle me 
demandait seulement, avec une insistance bien plus marquée que de 
coutume, d'aller la voir. Je finis par céder, le voyage n'était pas bien 
long; elle avait toujours chez elle d'agréables réunions; je me décidai et 
me mis en route. 
L'automne à V... était charmant; on y inventait parties sur parties, 
cavalcades pour les uns, chasses pour les autres, comédies plus ou 
moins bien jouées, etc... Louise savait intéresser tout son monde et 
donner à chacun sa distraction préférée, tandis qu'elle-même s'adonnait 
de plus en plus à la musique. Lorsque j'arrivai le château était plein. 
Le grand salon était disposé d'une façon délicieuse; les fenêtres 
couvertes d'une légère buée    
    
		
	
	
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