et pour dire au 
monde le crime révoltant qu'a commis Antiochus. Que ce prince meure 
donc, et que sa mort sauve mon honneur. Holà! quelqu'un! 
(Thaliard entre.) 
THALIARD.--Votre Majesté m'appelle-t-elle? 
ANTIOCHUS.--Thaliard, tu es de ma maison et le confident des secrets 
de mon coeur: ta fidélité fera ton avancement.--Thaliard, voici du 
poison et voici de l'or; nous haïssons le prince de Tyr, et tu dois le tuer. 
Il ne t'appartient pas de demander le motif de cet ordre. Dis-moi, cela 
suffit-il? 
THALIARD.--Sire, cela suffit. 
(Entre un messager.)
ANTIOCHUS.--Un instant! reprends haleine, et dis-nous pourquoi tu te 
hâtes tant. 
LE MESSAGER.--Sire, le prince Périclès a pris la fuite. 
(Il sort.) 
ANTIOCHUS.--Si tu veux vivre, vole après lui, et, comme un trait 
lancé par un archer habile, atteins le but que ton oeil a visé. Ne reviens 
que pour nous dire: Le prince Périclès est mort. 
THALIARD.--Seigneur, si je puis le voir seulement à la portée de mon 
pistolet, je le tiens pour mort. Adieu donc. 
(Il sort.) 
ANTIOCHUS.--Thaliard, adieu; jusqu'à ce que Périclès soit mort, mon 
coeur ne pourra secourir ma tête. 
(Il sort.) 
SCÈNE II 
Tyr.--Un appartement du palais. 
PÉRICLÈS, HÉLICANUS et autres seigneurs. 
PÉRICLÈS.--Que personne ne nous interrompe. Pourquoi ce poids 
accablant de pensées? Triste compagne, la sombre mélancolie est chez 
moi une chose si habituelle qu'il n'est aucune heure du glorieux jour ou 
de la nuit paisible (tombe où devrait dormir tout chagrin) qui puisse 
m'apporter le repos. Ici les plaisirs courtisent mes yeux, et mes yeux les 
évitent, et le danger que je craignais est près d'Antiochus dont le bras 
semble trop court pour m'atteindre ici. Ni le plaisir ne peut ici charmer 
mon âme, ni l'éloignement du péril ne peut me consoler. Telles sont ces 
passions qui, nées d'une fatale terreur, sont entretenues par l'inquiétude. 
Ce qui n'était jadis qu'une crainte de ce qui pouvait arriver s'est changé 
en précaution contre ce qui peut arriver encore. Voilà ma position. Le 
grand Antiochus (contre lequel je ne puis lutter, puisque vouloir et agir
sont pour lui même chose) croira que je parlerai lors même que je lui 
jurerai de garder le silence. Il ne me servira guère de lui dire que je 
l'honore, s'il soupçonne que je puis le déshonorer; il fera tout pour 
étouffer la voix qui pourrait le faire rougir; il couvrira la contrée de 
troupes ennemies et déploiera un si terrible appareil de guerre que mes 
États perdront tout courage; mes soldats seront vaincus avant de 
combattre, et mes sujets punis d'une offense qu'ils n'ont pas commise. 
C'est mon inquiétude pour eux et non une crainte égoïste (je ne suis que 
comme la cime des arbres qui protège les racines qui l'avoisinent), qui 
fait languir mon corps et mon âme. Je suis puni même avant 
qu'Antiochus m'ait attaqué. 
PREMIER SEIGNEUR.--Que la joie et le bonheur consolent votre 
auguste coeur. 
SECOND SEIGNEUR.--Conservez la paix dans votre coeur jusqu'à 
votre retour. 
HÉLICANUS.--Silence, silence, seigneurs, et laissez parler 
l'expérience. Ils abusent le roi, ceux qui le flattent. La flatterie est le 
soufflet qui enfle le crime. Celui qu'on flatte n'est qu'une étincelle à 
laquelle le souffle de la flatterie donne la chaleur et la flamme, tandis 
que les remontrances respectueuses conviennent aux rois; car ils sont 
hommes, et peuvent se tromper. Quand le seigneur Câlin vous annonce 
la paix il vous flatte, et déclare la guerre à votre roi. Prince, 
pardonnez-moi, ou flattez-moi si vous voulez, mais je ne puis me 
mettre beaucoup plus bas que mes genoux. 
PÉRICLÈS.--Laissez-nous tous; mais allez visiter le port pour 
examiner nos vaisseaux et nos munitions, et puis revenez. (Les 
seigneurs sortent.)--Hélicanus, toi, tu m'as ému. Que vois-tu sur mon 
front? 
HÉLICANUS.--Un air chagrin, seigneur redoutable. 
PÉRICLÈS.--Si le front courroucé des princes est si redouté, comment 
as-tu osé allumer la colère sur le mien?
HÉLICANUS.--Comment les plantes osent-elles regarder le ciel qui les 
nourrit? 
PÉRICLÈS.--Tu sais que je suis maître de ta vie. 
HÉLICANUS, fléchissant le genou.--J'ai moi-même aiguisé la hache, 
vous n'avez plus qu'à frapper. 
PÉRICLÈS.--Lève-toi; je t'en prie, lève-toi; assieds-toi. Tu n'es pas un 
flatteur, je t'en remercie; et que le ciel préserve les rois de fermer 
l'oreille à ceux qui leur révèlent leurs fautes. Digne conseiller et 
serviteur d'un prince, toi qui, par ta sagesse, rends le prince sujet, que 
veux-tu que je fasse? 
HÉLICANUS.--Supportez avec patience les maux que vous vous 
attirez vous-même. 
PÉRICLÈS.--Tu parles comme un médecin. Hélicanus, tu me donnes 
une potion que tu tremblerais de recevoir toi-même. Écoute-moi donc: 
je fus à Antioche, où, comme tu sais, au péril de ma vie, je cherchais 
une beauté célèbre qui pût me donner une postérité, cette arme des 
princes qui fait la joie des sujets. Son visage fut pour mes yeux 
au-dessus de toutes les merveilles; le reste, écoute bien, était aussi noir 
que l'inceste. Je découvris le sens    
    
		
	
	
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