Il scandalisait le quartier par sa d��bauche, et le voisinage par les mauvais traitements inflig��s �� sa femme, une pauvre patiente laborieuse qui ne criait que sous les coups par trop vifs, et ne se plaignait jamais. Entre les branches d'un magnolia au feuillage rare, Mlle Cloque vit Loupaing accoud�� ce soir, �� la fen��tre de sa chambre, c?te �� c?te avec sa femme. Il ��tait en gilet de flanelle rouge, sans manches; les gros muscles de sa chair nue formaient d'��paisses saillies. Il regardait fixement, sans que l'on s?t jamais o��, de son oeil incertain. Sa femme ��tait tranquille et muette, pr��s de lui, en camisole blanche.
--Para?t qu'il a promis de ne plus sortir le soir, d'ici l'��lection, dit Mariette; c'est Mme Loupaing qui est contente!...
--La malheureuse! elle veut donc qu'il ait le temps de la couper en morceaux? Cet homme-l�� me fait peur. Tenez, je rentre; vous arroserez vous-m��me, Mariette; et que je vous reprenne �� bavarder!...
--Mademoiselle aimerait donc mieux ne pas apprendre ce qui se passe?
--Ce qui se passe? Ah! on l'apprend toujours bien assez t?t!
Mlle Cloque remonta �� sa chambre, et se pencha un instant �� la fen��tre sur la rue de la Bourde. L'air de juillet ��tait lourd, la nuit tombait doucement. On entendait sans le voir le marteau de l'infatigable savetier. A chaque porte, des femmes ��taient assises ou debout, en petits groupes immobiles. Un nouveau-n�� criait comme un animal qu'on ��gorge; des enfants jouaient dans la rue, butant contre les jambes des chasseurs �� pied qui rentraient par trois ou quatre �� la caserne. Sur la droite, dans le ciel obscurci, on pouvait voir la tour de l'Horloge, l'un des d��bris de la vieille Basilique. Un gros camion voiturant des eaux min��rales passa en faisant trembler les maisons. Une fen��tre s'ouvrit �� l'h?tel d'Aubrebie, et la marquise agita de nouveau le ?drapeau blanc?; sans doute le marquis faisait un tour de jardin et la malheureuse folle ��prouvait le vide de l'exil du prince. La grosse cloche de l'horloge tinta; une sonnerie de clairon vint des casernes; les soldats passaient en courant. Peu �� peu les bruits s'apais��rent; les groupes, au pas des portes, disparurent; de temps en temps seulement quelques coups de marteau sur le cuir marquaient que le savetier travaillait encore.
III
LA CHAPELLE PROVISOIRE
Rien n'indiquait, dans la rue Descartes, l'existence d'une chapelle, si ce n'��tait une simple croix de bois appliqu��e contre le mur au-dessus d'une porte, et sur laquelle on lisait, en caract��res �� demi effac��s: SANCTO MARTINO. Un aveugle se tenait perp��tuellement sur le pas de cette porte avec une s��bile de plomb �� la main; il avait la figure rong��e par les piq?res de la petite v��role et il semblait que ses l��vres se fussent ��paissies et dess��ch��es �� force de murmurer, sans r��pit, du m��me ton de m��lop��e plaintive: ?Ayez piti��, Messieurs, Mesdames; ayez piti�� d'un pauvre aveugle...?
Les deux marches franchies, et avant de pousser les tambours de cuir noir, on trouvait, �� droite, un guichet m��nag�� au centre d'une ��troite vitrine o�� pendaient des chapelets et des scapulaires. En appliquant l'oeil aux mauvais petits carreaux, on distinguait dans une pi��ce exigu? et mal ��clair��e, des rang��es de casiers et de tiroirs, une petite table, et un ?Fr��re �� rabat bleu? fort laid, et portant sur un nez biblique une ��norme paire de lunettes aux verres du m��me ton que son rabat, ce qui le faisait appeler commun��ment le Fr��re bleu par les personnes ignorant qu'il avait re?u en religion le nom de Fr��re G��d��on.
La plupart de ces dames, en entrant dans la chapelle, avaient un mot �� dire ou une question �� adresser au Fr��re G��d��on. Il ��tait le vivant r��pertoire de toutes les nouvelles eccl��siastiques, et sa complaisance ��tait sans bornes. Derri��re son guichet, pareil au pr��pos�� aux renseignements dans une banque ou une gare de chemin de fer, la l��vre soulev��e d'un facile sourire et la courbe du nez flexible comme un arc d��cochant ses traits avec pr��cision et sans cesse reband�� par un g��nie myst��rieux, il r��pondait et renseignait sur les offices, sermons, b��n��dictions, missions, p��lerinages, d��placements d'��v��ques ou de pr��dicateurs, nouvelles de Rome, nominations, mouvement de la propagande, ��chelles des gu��risons miraculeuses, etc., etc., au point de constituer �� lui seul une concurrence appr��ciable �� la Semaine religieuse. Beaucoup de fid��les n��gligeaient depuis qu'il ��tait l�� de s'abonner �� cet organe de l'archev��ch�� sous le pr��texte que le Fr��re G��d��on avait des renseignements de meilleure main.
Quand Mlle Cloque arriva pour la messe de neuf heures, au milieu d'un sombre remous de vieilles dames, elle risqua un oeil au guichet, malgr�� l'heure avanc��e. Elle ��tait si avide d'apprendre ce que l'article du Journal du D��partement contenait de fond��! Le Fr��re G��d��on se leva, contrairement �� son ordinaire; il ouvrit m��me la porte de sa petite

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