fin à la Révolution et un pouvoir régulier à la tête du pays.
Mais ce motif, bien que très-puissant, ne fut pas le seul qui nous
détermina à ne point réclamer l'intervention populaire, et à clore le
drame sans le soumettre au suffrage officiel et explicite du public.
[Note 4: Un témoin qui ne peut être suspect, M. de La Fayette, écrivait,
le 26 novembre 1830, au comte de Survilliers (Joseph Bonaparte):
«Quant à l'assentiment général, ce ne sont pas seulement les Chambres
et la population de Paris, 80,000 gardes nationaux et 300,000
spectateurs au Champ-de-Mars, ce sont toutes les députations des villes
et villages de France que mes fonctions me mettent à portée de recevoir
en détail, c'est en un mot un faisceau d'adhésions non provoquées et
indubitables qui nous confirment de plus en plus que ce que nous avons
fait est conforme à la volonté actuelle d'une très-grande majorité du
peuple français.» (_Mémoires du général La Fayette_, t. VI, p. 471.)]
C'était une monarchie que nous croyions nécessaire à la France, voulue
de la France, et que nous entendions fonder. J'honore la République;
elle a ses vices et ses périls propres et inévitables, comme toutes les
institutions d'ici-bas; mais c'est une grande forme de gouvernement, qui
répond à de grands côtés de la nature humaine, à de grands intérêts de
la société humaine, et qui peut se trouver en harmonie avec la situation,
les antécédents et les tendances de telle ou telle époque, de telle ou telle
nation. J'aurais certainement été républicain aux États-Unis d'Amérique
quand ils se séparèrent de l'Angleterre: la République fédérative était
pour eux le gouvernement naturel et vrai, le seul qui convînt à leurs
habitudes, à leurs besoins, à leurs sentiments. Je suis monarchique en
France par les mêmes raisons et dans les mêmes intérêts; comme la
République aux États-Unis en 1776, la monarchie est, de nos jours, en
France, le gouvernement naturel et vrai, le plus favorable à la liberté
comme à la paix publique, le plus propre à développer les forces
légitimes et salutaires comme à réprimer les forces perverses et
destructives de notre société.
Mais la monarchie est autre chose qu'un mot et une apparence. Il y
avait autant de légèreté que de confusion dans les idées à parler sans
cesse d'un trône entouré d'institutions républicaines comme de la
meilleure des républiques. Des institutions libres ne sont point
nécessairement des institutions républicaines. Quelle que soit, entre
elles, l'analogie de certaines formes, la monarchie constitutionnelle et la
République sont des gouvernements très-différents, et on les
compromet autant qu'on les dénature quand on prétend les assimiler.
La monarchie que nous avions à fonder n'était pas plus une monarchie
élective qu'une République. Amenés par la violence à rompre
violemment avec la branche aînée de notre maison royale, nous en
appelions à la branche cadette pour maintenir la monarchie en
défendant nos libertés. Nous ne choisissions point un Roi; nous
traitions avec un prince que nous trouvions à côté du trône et qui
pouvait seul, en y montant, garantir notre droit public et nous garantir
des révolutions. L'appel au suffrage populaire eût donné à la monarchie
réformée précisément le caractère que nous avions à coeur d'en écarter;
il eût mis l'élection à la place de la nécessité et du contrat. C'eût été le
principe républicain profitant de l'échec que le principe monarchique
venait de subir pour l'expulser complètement et prendre, encore sous un
nom royal, possession du pays.
Entre les deux politiques qui apparurent alors l'une en face de l'autre,
destinées à se combattre et à se balancer longtemps, mon choix ne fut
pas incertain. Outre la situation générale, quelques faits particuliers,
peu importants en apparence ou peu remarqués, me frappèrent, au
moment même, comme une lumière d'en haut, et me décidèrent dès les
premiers pas.
Pendant que, par nos actes et nos paroles comme députés, nous nous
appliquions à maintenir la Charte en la modifiant, et à raffermir la
monarchie ébranlée, les idées et les passions révolutionnaires se
déployaient hardiment autour de nous et protestaient contre nous. Le 31
juillet, quelques heures après que la députation de la Chambre fut
venue inviter M. le duc d'Orléans à prendre la lieutenance générale du
royaume, les murs de Paris étaient couverts de ce placard:
«_Le comité central du XIIe arrondissement de Paris à ses
concitoyens._ Une proclamation vient d'être répandue au nom du duc
d'Orléans qui se présente comme lieutenant général du royaume, et qui,
pour tout avantage, offre la Charte octroyée, sans amélioration ni
garanties préliminaires. Le peuple français doit protester contre un acte
attentatoire à ses véritables intérêts, et doit l'annuler. Ce peuple, qui a si
énergiquement reconquis ses droits, n'a point été consulté pour le mode
de gouvernement sous lequel il est appelé à vivre. Il n'a point été
consulté, car la Chambre des députés

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