Les hommes qui étaient à la tête de 
ce complot étaient à peu près les mêmes que ceux qui, quinze jours 
après, se mirent en mouvement pour faire rappeler la maison de 
Bourbon, avec laquelle ils répugnaient de s'allier, ou du moins n'avaient 
pas encore de rapports bien arrêtés. Le prince Joseph non seulement 
rejeta l'insinuation, mais il démontra à ceux qui la lui présentaient le 
danger d'une entreprise dont le résultat le moins fâcheux devait détruire 
les dernières ressources qui restaient à l'empereur, dont l'ombre nous 
défendait encore; qu'elle pouvait même engendrer la guerre civile, et 
mettre les Français aux prises les uns avec les autres; qu'au surplus, 
quelles que fussent les chances, on se trompait beaucoup, si on le 
croyait capable de se ranger parmi les ennemis de son frère. Il ajouta 
qu'il voulait bien oublier cette proposition, mais il défendit qu'on lui en 
parlât davantage, ou que l'on y donnât aucune suite, parce qu'alors, il en 
ferait poursuivre les auteurs. 
Le prince de Bénévent avec l'archi-trésorier et les ministres restèrent à 
Paris. Le moment approchait où cette longue agonie allait se terminer. 
Le départ de l'impératrice ne pouvait rester ignoré des ennemis, qui 
étaient aux portes de la capitale. Il fut aussi le signal d'une quantité 
d'autres départs particuliers qui avaient tardé jusqu'à ce moment à 
s'effectuer, en sorte que, depuis la barrière de Paris jusqu'à Chartres, ce 
n'était plus, pour ainsi dire, qu'un immense convoi de voitures de toute 
espèce. On ne peut se faire une idée de ce spectacle lorsqu'on ne l'a pas 
vu. Que l'on se figure le désordre qui accompagnait cette scène de 
désolation, et l'on sera moins étonné des conséquences dont elle a été 
suivie. 
Paris était dans un état de désertion vers le midi, et toute la population 
du voisinage y affluait vers le nord. Cependant les ennemis, qui avaient, 
les jours précédens, poussé sur la route de Meaux le petit corps aux 
ordres du général Compans, venaient de le rejeter encore jusque sur les 
approches de la barrière de Bondy, entre l'étang de la Villette et les 
hauteurs de Ménilmontant. Les souverains alliés étaient là en personne.
De leur côté, les corps des maréchaux Marmont et Mortier, appelés au 
secours de la capitale, étaient arrivés à Saint-Mandé la nuit qui précéda 
l'attaque. Le soir, ils prirent leur positions de bataille: Marmont appuya 
sa droite à la Marne, et développa à sa gauche les troupes de Mortier 
sous les hauteurs de Montmartre. Il était chargé de la direction des 
corps[1]; il avait fait reconnaître Romainville, et croyait, sur la foi des 
rapports qui lui avaient été faits, que les alliés n'y avaient pas paru: il fit 
marcher sur le village. Les Russes l'occupaient en force. L'action 
s'engagea, et devint bientôt des plus vives. Le duc de Padoue, qui 
conduisait la droite, ne put se soutenir: atteint, au milieu de la mêlée, 
d'un coup de feu qui le mit hors de combat, il fut remplacé par le 
général Lucotte, qui vint se reformer au cimetière du P. Lachaise. Ce 
mouvement rétrograde découvrait tout-à-fait la route qui va de 
Belleville à Saint-Mandé. Le duc de Raguse fut obligé d'abandonner 
l'attaque de Romainville pour venir en toute hâte couvrir le premier de 
ces deux villages. Il était temps, car le général Compans avait 
abandonné la position qu'il occupait dans le bassin de la Villette pour se 
retirer plus en arrière. Les Russes, qui n'étaient plus contenus par nos 
troupes, s'étaient portés en avant, et débouchaient déjà sur sa droite, que 
le duc de Raguse ignorait encore la retraite de son lieutenant. Il fit 
néanmoins bonne contenance, et réussit à opérer son mouvement. 
Pendant que ces choses se passaient, Paris était témoin d'une scène qui 
fait la honte de ceux qui en étaient les auteurs. Il y avait plus d'un mois 
que la garde nationale demandait avec instance qu'on lui délivrât des 
fusils de munition, au lieu de ces piques ridicules avec lesquelles on 
l'avait en grande partie armée; elle avait renouvelé plusieurs fois sa 
demande sans pouvoir rien obtenir. J'en écrivis à l'empereur, qui me 
répondit: «Vous me faites une demande ridicule; l'arsenal est plein de 
fusils, il faut les utiliser.» 
J'avais montré cette lettre au prince Joseph et au ministre de la guerre. 
Celui-ci m'avait répondu qu'il n'avait que très peu de fusils, qu'il les 
conservait pour l'armée, qui en avait besoin à chaque instant, en sorte 
que je ne pus rien obtenir. Ce ne fut qu'au moment où l'on attaquait les 
troupes postées sous les murailles de Paris, que le duc de Feltre 
consentit à livrer à la garde nationale quatre mille fusils au lieu de vingt
mille dont elle avait besoin; encore, pour couronner l'oeuvre, ne 
distribua-t-on les quatre mille fusils que lorsque les différentes légions 
étaient déjà réunies. Les chariots chargés de    
    
		
	
	
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