aux hommes, il a pensé 
que ce ne serait peut-être pas un spectacle sans enseignement que le 
développement d'un esprit sérieux et droit qui n'a encore été 
directement mêlé à aucune chose politique et qui a silencieusement 
accompli toutes ses révolutions sur lui-même, sans autre but que la 
satisfaction de sa conscience. Ceci est donc avant tout une oeuvre de 
probité. Le premier de ces deux volumes ne contient que deux divisions; 
l'une a pour titre: Journal des idées, des opinions et des lectures d'un 
jeune jacobite de 1819; l'autre: Journal des idées et des opinions d'un 
révolutionnaire de 1830. Comment et par quelle série d'expériences 
successives le jacobite de 1819 est-il devenu le révolutionnaire de 1830, 
c'est ce que l'auteur écrira peut-être un jour; et cette toute modeste 
Histoire des révolutions intérieures d'une opinion politique honnête ne 
sera peut-être pas un appendice inutile à la grande histoire des 
révolutions générales de notre temps. Pourquoi, en effet, ne pas 
confronter plus souvent qu'on ne le fait les révolutions de l'individu 
avec les révolutions de la société? Qui sait? la petite chose éclaire 
quelquefois la grande. En attendant qu'il essaye ce travail tout à la fois 
psychologique et historique, individuel et universel, il croit devoir 
publier comme document, et absolument tels qu'ils ont été écrits chacun 
dans leur temps, ces deux journaux d'idées, l'un de 1819, l'autre de 
1830, faits tous deux par le même homme, et si différents. 
Ce ne sont pas des faits qu'il faut chercher dans ces journaux. Il n'y en a 
pas. Nous le répétons, ce sont des idées. Des idées à l'état de germe 
dans le premier, à l'état d'épanouissement dans le second.
Le plus ancien de ces deux journaux surtout, celui qui occupe les deux 
cents premières pages de ce volume, a besoin d'être lu avec une 
extrême indulgence et sans que le lecteur en perde un seul instant la 
date de vue, 1819. L'auteur l'offre ici, non comme oeuvre littéraire, 
mais comme sujet d'étude et d'observation pour les esprits attentifs et 
bienveillants qui ne dédaignent pas de chercher dans ce qu'un enfant 
balbutie les rudiments de la pensée d'un homme. Aussi, pour que cette 
partie du livre ait du moins le mérite de présenter une base sincère aux 
études de ce genre, a-t-on eu soin de l'imprimer, sans y rien changer, 
absolument telle qu'on l'a recueillie, soit dans des publications du temps 
aujourd'hui oubliées, soit dans des dossiers de notes restées manuscrites. 
Ce recueil représente durant deux années, de l'âge de seize ans à l'âge 
de dix-huit ans, l'état de l'esprit de l'auteur, et, par assimilation, autant 
qu'un échantillon aussi incomplet peut permettre d'en juger, l'état de 
l'esprit d'une fraction assez notable de la génération d'alors. Ce n'est 
même que parce qu'en le généralisant ainsi, il peut offrir, jusqu'à un 
certain point, cette sorte d'intérêt, qu'on a cru qu'il n'était peut-être pas 
tout a fait inutile de le présenter au public. En se plaçant à ce point de 
vue, tout ce que renferme ce Journal des idées d'un royaliste adolescent 
d'il y a quinze ans, acquiert, à défaut de la valeur biographique qu'un 
nom plus considérable en tête de ce livre pourrait seul lui donner, cette 
sorte de valeur historique qui s'attache à tous les documents honnêtes 
où se retrouve la physionomie d'une époque, de quelque part qu'ils 
viennent. Il y a de tout dans ce journal. C'est le profil à demi effacé de 
tout ce que nous nous figurions en 1819. C'est, comme dans nos 
cerveaux alors, le dialogue de tous les contraires. Il y a des recherches 
historiques et des rêveries, des élégies et des feuilletons, de la critique 
et de la poésie; pauvre critique! pauvre poésie surtout! Il a de petits vers 
badins et de grands vers pleureurs; d'honorables et furieuses 
déclamations contre les tueurs de rois; des épîtres où les hommes de 
1793 sont égratignés avec des épigrammes de 1754, espèces de petites 
satires sans poésie qui caractérisent assez bien le royalisme voltairien 
de 1818, nuance perdue aujourd'hui. Il y a des rêves de réforme pour le 
théâtre et des voeux d'immobilité pour l'état; tous les styles qui 
s'essayent à la fois, depuis le sarcasme du pamphlet jusqu'à l'ampoule 
oratoire; toutes sortes d'instincts classiques mis au service d'une pensée 
d'innovation littéraire; des plans de tragédies faits au collège; des plans
de gouvernement faits à l'école. Tout cela va, vient, avance, recule, se 
mêle, se coudoie, se heurte, se contredit, se querelle, croit, doute, 
tâtonne, nie, affirme, sans but visible, sans ordre extérieur, sans loi 
apparente; et cependant, au fond de toutes ces choses, nous le croyons 
du moins, il y a une loi, un ordre, un but. Au fond, comme à la surface, 
il y a ce qui fera peut-être pardonner à l'auteur l'insuffisance du talent et 
la faillibilité de l'esprit, droiture,    
    
		
	
	
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