dix ans avant que j'entendisse non plus de fran?ois ou de perigordin que d'arabesque: et sans art, sans livre, sans grammaire ou précepte, sans fouet et sans larmes, j'avois apprins du latin tout aussi pur que mon maistre d'eschole le s?avoit.... Il n'y a tel que d'alleicher l'appétit et l'affection: aultrement on ne faict que des asnes chargez de livres; on leur donne à coups de fouet en garde leur pochette pleine de science; laquelle pour bien faire, il ne fault pas seulement loger chez soy, il la fault espouser.
Essais, chap. xxv.
III.
CALVIN. Né à Noyon en 1509; mort à Genève en 1564.
Jean Calvin joua un grand r?le au XVIe siècle comme réformateur religieux. Un Allemand nommé Wolmar, qui fut son professeur de grec, l'initia aux doctrines de Luther. Il en devint bient?t un des plus zélés partisans et propagateurs, si zélé à la vérité qu'il fut obligé de quitter Paris et la France. Il alla en Italie, en Suisse, à Strasbourg, et se fixa enfin à Genève; il y exer?a pendant une vingtaine d'années une autorité presque absolue.
Comme écrivain Calvin représente l'esprit de méthode et de discipline dans la littérature fran?aise du XVIe siècle. Son premier écrit est UN COMMENTAIRE LATIN, d'un traité de Sénèque SUR LA CLéMENCE. Il y conseille une excellente doctrine qu'il ne pratique guère.
Le livre qui le place au rang des grands écrivains en prose fran?aise est L'INSTITUTION CHRéTIENNE. C'est un exposé et une défense habiles de ses doctrines. Il s'y montre théologien, orateur, écrivain consommé. Le style est clair et correct, mais roide et sec. Il a la simplicité, la solidité, et la force; il y manque ce qui manquait à l'homme, la chaleur, l'émotion, et la sensibilité.
Des vertus du chrétien Calvin n'eut que la foi... Il ne s'attendrit jamais, il menace toujours; en lui pas un mouvement de pitié, pas une étincelle d'amour.... Il a traité en ennemis tous ceux qui pensaient autrement que lui, et dans la cause du Christ il a méconnu le précepte capital de la morale évangélique: Aimez vous les uns les autres.... Le caractère de son esprit est la rigueur impitoyable des déductions, la netteté des conceptions, la vigueur logique qui s'est animée jusqu'à la passion: tel est aussi le principe des qualités de son style qui l'ont placé au premier rang comme écrivain. Si l'on compare Calvin aux plus habiles des prosateurs de son temps, à Rabelais lui-même, on sera frappé de la nouveauté de son langage. Avant Calvin, la prose, lorsqu'elle essayait de devenir périodique, se tra?nait, s'enchevêtrait le plus souvent, et ne parvenait guère qu'à devenir obscure et diffuse. Calvin lui donna une allure fière et noble, de la clarté et du nombre; avec lui elle cesse de bégayer, elle touche la virilité, elle atteint presque à la hauteur de la prose latine qui lui a servi de modèle.
Géruzez.
IV.
AMYOT. Né à Melun en 1513; mort à Auxerre en 1593.
Jacques Amyot est des savants du XVIe siècle celui qui doit le plus à la Renaissance, et à qui la Renaissance doit le plus. Elle forma son esprit et son talent. L'étude de la langue grecque fut pour lui une vraie vocation.
Trop pauvre pour payer ses professeurs il se fit domestique dans un collége. Jacques Colin, lecteur du roi, le remarqua et le fit étudier dans les classes. Amyot en sortit helléniste distingué, et entra dans l'église, qui était alors la ressource des jeunes gens pauvres et ambitieux.
Professeur de grec du fils de Catherine de Médicis qui devint le roi Charles IX, il traduisit les Vies illustres de Plutarque. Cette traduction suffit pour sa gloire; elle est faite de main de ma?tre. Les qualités de la langue fran?aise s'y harmonisent avec celles de la langue grecque. Il y a même dans Amyot quelquechose de simple et de na?f qui pla?t mieux que Plutarque lui-même, et tel est le charme de son style qu'aujourd'hui encore on dit de quelquechose qui est exprimé avec une certaine grace na?ve, c'est de la langue d'Amyot.
Il fut évêque d'Auxerre.
La traduction des "Vies des hommes illustres" et des oeuvres morales de Plutarque présente deux circonstances bien remarquables dans l'histoire des lettres: la première, c'est que le travail d'Amyot est tellement fran?ais, soit par la tournure des phrases, soit par la propriété des expressions qu'on le prendrait pour un écrit original; la seconde, c'est que le génie littéraire de ce grand écrivain a été assez puissant pour faire d'une simple traduction un titre de gloire impérissable. Un homme dont le témoignage fait autorité en matière de correction de langage, Vaugelas, a parlé ainsi du livre d'Amyot: Tous les magasins et tous les trésors du vrai langage fran?ais sont dans les oeuvres de ce grand homme, et encore aujourd'hui nous n'avons guère de fa?ons de parler nobles et magnifiques qu'il ne nous ait laissées: et bien

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.