redouterai comme une douleur. 
C'est comme si j'étais amoureux de la Madone de Botticelli et que je la 
voulusse emporter. Le désir, d'abord pénible, doux quand est venue 
l'espérance, s'exacerbe en une torture quand l'impossible s'est dressé 
devant lui.
Oh! tu n'as pas dit impossible. Il y a des conditions qui se peuvent 
réaliser, des obstacles qui se peuvent aplanir. Soit, mais le tout est de 
savoir si d'ici là je ne te haïrai pas. 
Pourquoi ton baiser, hier soir, m'a-t-il brûlé ainsi? C'était bien le fer 
chaud qui me marque à ton servage, mais si l'esclave se révoltait? 
Oh! ce baiser, il y avait de quoi te coucher sur le sol, la terre nue, ou sur 
l'herbe mouillée qui me tentait. Comme j'ai été raisonnable! J'ai été 
raisonnable comme une femme qui s'aime davantage que celui qu'elle 
aime. 
Et après m'être vaincu, comme je faiblissais, ma tête s'appuyant à ton 
épaule, tu m'as relevé impatiente. 
A la bonne heure. C'était me dire qu'il faut être fort; et aussi, toutes ces 
écritures sont de la faiblesse. 
2 mai, midi 1/2. 
Relu cette explosion d'invectives que je ne renie ni ne regrette. 
Seulement, aujourd'hui, je suis moins noir, même pas noir du tout; mais 
demain je le puis être autant et davantage.--La partie est-elle égale? 
Moi, je l'aime sans conditions. C'est sagesse que d'en mettre, et preuve 
d'expérience. Se fier à elle. 
Et en tout, aucune certitude. 
Oh! la charmante, fine, longue et acérée épingle avec laquelle je jouais 
hier: un jour, qui sait? une arme pareille ou toute autre me sera une 
grande tentation. Finis. 
Vendredi, 27 mai 87, 4 h. 
Je travaille et voilà que soudainement, sans à propos, son image me 
vient aux yeux;--et comme un être en qui la volonté est dominée par 
une maîtrisante idée, je me sens dire des lèvres: Dieu, que j'aime cette 
femme.
Samedi matin, mai 87. 
Copie de notes indéchiffrables que j'écrivis hier soir, à minuit, en 
rentrant. 
--Que d'amertume, mon amie, ce soir, et entre deux êtres qui s'aiment, 
car si j'aime à l'excès, vous aimez assez pour comprendre mon affection, 
en sentir le prix. 
Ne croyez pas m'avoir épuisé ni avoir trouvé en moi tout ce qui s'y 
trouve. Que ne puis-je avec vous et pour vous? De l'ambition, celle qui 
est compatible avec mes facultés et mon esprit, je l'ai à un très haut 
degré; et les moyens de parvenir, vous m'aiderez à les trouver. 
Ce n'est pas cela qu'il vous faut?--Je ne puis ni ne voudrais me changer. 
Aimez-moi tel que je suis. 
Amère misère d'avoir rencontré la femme à aimer, celle qui vous prend 
tout et ne pouvoir réaliser son rêve; et comprendre qu'en ses abandons 
même, ce rêve murmure: ce n'est pas cela, ce n'est pas toi, tu n'es 
qu'une moitié! Tu dépends de trop de choses, de trop de personnes. Ce 
qu'il me faut, tu ne peux me le donner. 
Penser que ces impressions, ces abandons, ces heures d'union, tout, tout 
cela ne reviendrait plus, que cette femme qui est ma vie, un autre 
l'aurait en récompense d'une ambition heureuse. 
Allez à ces joies de l'orgueil, vous y trouverez encore autre chose, 
l'amertume d'avoir senti la passion vraie vous frôler le coeur et de 
n'avoir pas su lui attacher les ailes. 
Vous dominerez, vous irez à vos goûts, vous rendrez des services à des 
vaniteux, vous ferez des satisfaits,--et pas un heureux. 
Va, passe, tu ne sauras peut-être pas ce que tu perds, car est-ce un bien, 
est-ce un mal, la passion qu'on ne partage que jusqu'à la sympathie? 
Va, passe, monte, et quand tu serais au pouvoir, quand tu serais le
pouvoir, tu pleurerais, si tu as des larmes, les baisers où il y avait une 
âme, où un être digne de toi se livrait tout entier. 
Tu cherchais cela, ô ma trop chère Fragilité, et l'ayant trouvé, tu le 
laisserais! 
Oh! dans cette amertume tu aurais un souvenir très doux. 
Souvent le souvenir de la chose passée, Quand on le renouvelle est 
doux à la pensée. 
Tu aurais le souvenir d'avoir été aimée comme plus on ne peut l'être. 
Et tu ne serais pas appelée parjure. Tu ne m'as rien promis à moi, rien, 
ni par les mots, ni par de l'écriture; rien, je n'ai eu que tes baisers et tes 
étreintes, que tes lèvres collées à mes lèvres, que tes bras autour de mon 
cou, que tout le contact abandonné de tout toi;--oh! pas tout, eh bien! 
j'ai eu ton désir et ta volonté, et ton âme. 
M'aimais-tu pas, ces heures, ce jour? 
Je ne t'appellerai pas parjure, parce que je ne te perdrai pas. 
Réalisons le possible, attendons; ne te sacrifie pas, mais ne me sacrifie 
pas non plus. 
Ai-je dit, écrit des choses qui te peinent; efface, brûle ces pages où 
brutalement s'étale    
    
		
	
	
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