reproche aux abolitionnistes 
de n'avoir pas mis a profit cette indignation excitee dans la nation 
britannique, lorsque parut, pour la premiere fois, dans toute son horreur, 
le tableau des crimes de la Traite. "La Traite, dit-on, eut ete tout d'un 
coup supprimee d'enthousiasme et par acclamation. Dans un pays qui 
serait constitue comme les republiques anciennes, et dans les quel la 
manifestation de l'opinion publique serait suffisante pour mettre fin aux 
maux les plus inveteres, point de doute que la Traite n'eut ete 
immediatement abolie." 
Ceux qui font ce reproche aux abolitionnistes me paraissent dans une 
ignorance complete de la constitution anglaise. Ils ignorent que ce qui 
distingue cette constitution de toutes les autres, ce qui la distingue 
surtout des republiques celebres de l'antiquite, c'est le soin minutieux 
avec lequel, pour le bien general, elle protege les droits et les proprietes 
des particuliers. Les abolitionnistes ne savaient que trop les difficultes 
et les obstacles jaloux que, d'apres ce principe, leur opposeraient les 
formes parlementaires. Ils savaient les enquetes scrupuleuses qui 
devaient avoir lieu, les moyens nombreux mis a la disposition des 
parties interessees dans chacun des resultats de cette grande mesure, la 
facilite qu'avaient ces derniers de recuser les preuves et d'infirmer les 
temoignages de leurs adversaires, le champ immense qui leur etait 
ouvert pour preparer tous leurs moyens de defense. Ils n'ignoraient pas
les nombreux degres par lesquels devait passer le Bill d'Abolition. Dans 
la seule Chambre des Communes, ces degres etaient indispensablement 
au nombre de sept ou huit, et pouvaient etre beaucoup plus nombreux 
encore. Les memes lenteurs, les memes obstacles se presentaient a la 
Chambre des Pairs. A chacun de ces delais nouveaux, nos adversaires 
pouvaient preparer de nouvelles batteries, mettre toute leur artillerie en 
campagne et, meme avec la certitude de succomber, prolonger 
long-temps encore la bataille. C'est surtout alors que ces lenteurs et ces 
delais, devaient etre deplores. Ils retardaient la destruction du fleau 
dont nous voulions delivrer le monde. Toutefois, gardons-nous 
d'accuser les institutions. Les choses humaines sont melees de bien et 
de mal. La question que nous agitions alors, sortait du cercle des 
questions ordinaires: les lois humaines n'avaient pu la prevoir. Lorsque, 
pour la premiere fois, des lois furent faites pour garantir les proprietes, 
qui eut pu prevoir qu'un jour viendrait que des hommes seraient la 
propriete d'autres hommes qui les vendraient et les exporteraient 
comme une marchandise? 
Helas! aujourd'hui encore, des difficultes de la meme nature se 
presentent. Comme sujets d'etats independans, les negriers reclament, 
en leur faveur, le benefice de ces principes que les nations civilisees ont 
etablis d'un commun accord, pour la securite des droits maritimes et des 
independances nationales. Les negriers demandent qu'on les exempte 
du droit de visite par d'autres vaisseaux que par ceux de leurs nations 
respectives. Ils veulent que, temoins de leurs infames brigandages, les 
vaisseaux d'une puissance etrangere, ne puissent les reprimer. Ainsi les 
institutions sociales sont tournees contre les interets meme qu'elles 
devaient proteger! Le mal nait de ce qui ne devait produire que le bien! 
Ainsi ces principes bienfaisans qu'avait etablis la politique des nations 
pour garantir de toute atteinte la personne et la propriete des individus 
engages dans un commerce legal, on les fait servir a assurer l'impunite 
et a empecher la repression du brigandage et de l'assassinat! 
Nos adversaires mirent a profit tous leurs avantages dans la resistance 
qu'ils firent a la premiere attaque des abolitionnistes. Ils se 
retrancherent derriere les formes parlementaires, et, bien que le fleau 
que nous attaquions fut, tout ensemble, l'ennemi de Dieu et des 
hommes, il etait de toute impossibilite de terminer la guerre en une 
seule campagne. Certes, ces delais ne sauraient jeter aucune defaveur
sur les abolitionnistes ou sur le caractere de la nation britannique, 
surtout si l'on reflechit que la vraie nature de la Traite venait d'etre 
assignee depuis si peu de temps, et si l'on songe aux forces imposantes 
qui etaient dirigees contre nous. Nous savions trop combien l'interet est 
habile a pervertir et a aveugler le jugement de l'homme, et ce n'etait pas 
un interet meprisable que celui dont l'existence allait etre mise en 
question. 
Faites entrer en ligne de compte la valeur des marchandises expediees 
annuellement en Afrique pour l'achat des esclaves, la valeur des navires 
employes a les transporter, celle de leurs fournimens, etc... Qu'on 
n'oublie pas que le produit du commerce avec l'Afrique etait devenu 
Immense. Il ne s'agissait pas moins que _d'un million de livres 
Sterlings_ dont on predisait la perte infaillible. La seconde ville 
commerciale de la Grande-Bretagne[2] allait voir, disait-on, son 
commerce aneanti, si l'abolition etait proclamee. Les colons criaient 
d'une voix unanime, leurs facteurs et leurs agens accredites en 
Angleterre repetaient apres eux, que c'en etait fait des colonies des 
Indes Occidentales, que l'abolition de la Traite allait infailliblement 
consommer leur destruction. La plus grande    
    
		
	
	
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