animaux, les employer a ses besoins. On oubliait que le commerce de 
chair humaine n'avait pas commence en Afrique ou on eut pu, jusqu'a 
un certain point, le considerer comme un resultat naturel de l'apparente 
inferiorite des peuples qui habitent ce vaste continent. On oubliait que 
des pays devenus depuis le sejour de la civilisation et de la philosophie, 
n'etaient anciennement habites que par une population sauvage, nue et 
barbare, au sein de laquelle des pirates riches et puissans venaient saisir 
et acheter des esclaves. On dira que ces choses avaient lieu avant que la 
celeste lumiere du christianisme n'apparut aux yeux des hommes. Mais, 
long-temps apres l'ere chretienne, la Grande-Bretagne elle-meme peut 
etre citee en preuve de la verite de cette assertion. La Grande-Bretagne 
avait fourni des marches d'esclaves, et ces esclaves etaient achetes par 
les habitans les plus riches et les plus eclaires de l'Irlande, qui finirent 
par abandonner ce commerce comme coupable et inhumain, et comme 
devant attirer sur leur pays les chatimens du ciel. L'honneur de cette 
abolition de la Traite d'Angleterre, est du, principalement, au zele et 
aux vertueux efforts de St. Wolstan. Elle eut lieu en 1171[1]. A 
l'epoque ou les modernes abolitionnistes commencerent le cours de 
leurs operations contre la Traite des Noirs, cette Traite etait 
generalement inconnue et dans sa nature et dans ses effets. Les hommes 
d'Etat les plus celebres de la Grande Bretagne, n'avaient pas fait 
difficulte, dans des traites solennels, de stipuler, pour leurs concitoyens,
le droit de faire la Traite. Des hommes du caractere le plus honorable, 
connus par leur humanite et leurs principes religieux, avaient des 
capitaux engages dans ce commerce homicide. Dans de telles 
circonstances, faut-il s'etonner que ce ne soit que par degres que les 
yeux de la nation britannique ont ete ouverts sur la nature veritable de 
ce deplorable commerce? Le mal trouvait, dans son enormite meme, le 
moyen et le pretexte de se perpetuer. 
[Note 1: Voyez Guillaume de Malmsbury. Livre II. Chapitre 20. Vie de 
St. Wolstan, Eveque de Worcester.] 
Des hommes estimables, mais dont l'esprit n'etait pas fortement trempe, 
ne pouvant croire aux crimes que nous denoncions, nous accusaient 
d'exageration. D'autres soutenaient qu'il etait impossible que tant de 
cruaute et de sceleratesse eussent ete souffertes par nos ancetres, sans 
etre reprimees. Quelques-uns consideraient la Traite comme l'un de ces 
maux necessaires et inevitables qui font partie du systeme du monde, et 
contre lesquels les hommes ne peuvent rien, pas plus que contre les 
eruptions d'un volcan, ou les ravages d'un ouragan. Ces hommes 
oubliaient que trop souvent l'empire de l'habitude a denature les 
sentimens de l'homme et fait taire sa conscience; ils oubliaient 
qu'autrefois l'autorite des sages et des hommes de bien a sanctionne des 
crimes que la morale condamne justement aujourd'hui; que, par 
exemple, la destruction des enfans nouveau-nes par les auteurs de leurs 
jours, crime horrible contre lequel il semblait que la nature eut 
suffisamment premuni l'homme, a autrefois prevalu parmi les nations 
les plus civilisees du globe. Et cela est si vrai, qu'un historien celebre, 
grand admirateur des nations payennes, n'a pu s'empecher d'avouer que 
le crime d'exposer les enfans nouveau-nes, etait devenu, une maladie 
incurable dans toute l'antiquite. 
Enfin, il s'agissait de lever le voile epais qui couvrait, depuis si 
long-temps, le continent Africain et les scenes homicides dont il etait le 
theatre. Bientot quelques rayons de lumiere commencerent a poindre 
sur l'horizon. Le ciel voulut qu'a cette epoque il se trouvat des hommes 
qui dirigerent leurs efforts et leurs recherches vers ce grand objet. Mais, 
les travaux de ces hommes promettaient, dans l'origine, si peu de 
resultats, que, lors des premieres enquetes faites par les abolitionnistes, 
les marchands d'esclaves interesses a prolonger L'ignorance generale, 
vinrent eux-memes apporter leur tribut de lumieres, et faire connaitre ce
qu'ils savaient. Cependant, leurs interets menaces sonnerent bientot 
l'alarme. Des-lors, ils s'efforcerent d'intercepter la verite et d'entraver la 
marche des enquetes. Mais le trait de lumiere qu'on avait vu briller, 
avait suffi pour eclairer les yeux, et avait revele au public epouvante, 
des horreurs qu'on n'avait jamais soupconnees. Je n'oublierai jamais 
l'impression que produisit sur tous les esprits humains et genereux la 
premiere exposition de tant de forfaits. Supposez un demon effroyable 
et horrible, ayant reussi a se revetir, pour quelque temps, d'une forme 
humaine, et a se meler, parmi les hommes, et qui, touche tout-a-coup 
par la baguette d'un genie, est rendu a sa laideur primitive et a ses 
hideuses formes: telle parut la Traite des Noirs a tous ceux que leurs 
prejuges n'empecherent pas de reconnaitre son veritable caractere. A 
son premier aspect, elle souleva une execration generale. Mais cet arbre 
funeste avait des racines trop profondes, il avait etendu trop loin dans le 
sol ses innombrables fibres, pour etre deracine subitement par le souffle 
redoutable de l'indignation publique. On a    
    
		
	
	
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